Au Yémen, Aide Médicale Internationale travaille à renforcer les capacités des structures de santé pour améliorer la qualité de la prise en charge des populations. Valentine Grangeon, médecin diplômée d'un post graduat en médecine tropicale et de santé internationale, est partie sur la mission comme référente médicale. Elle témoigne de l'importance des besoins de support en termes de formation des personnels de santé.
Un certain nombre d'activités menées depuis 2007 consistent à appuyer différents centres de santé pour renforcer leurs capacités, et à suivre et évaluer les pratiques du personnel médical. « Des visites dans les structures que nous appuyons sont organisées trois ou quatre fois par semaine, explique Valentine. Le but est d'accompagner le personnel médical. Je supervise une équipe de sept personnes, toutes issues du personnel de santé local, qui effectuent ces visites régulières dans les structures. Il y a trois médecins, trois sages-femmes, et un technicien de laboratoire. »
Selon leurs compétences, les membres de cette équipe encadrent, forment, accompagnent certaines catégories de personnel. « Nos médecins supervisent les activités des médecins quand il y en a dans la structure visitée, ou des infirmiers qui assurent des consultations curatives. Nos sages-femmes accompagnent quant à elles les sages-femmes ou les infirmières de la structure pour le suivi de la grossesse, le planning familial, les consultations post-natales et parfois les accouchements qui ont lieu dans le centre de santé. De plus, certains centres de santé ne disposent pas d'infirmières capables de dispenser des soins curatifs aux femmes. La supervision, assurée par le médecin de l'équipe A.M.I., permet alors de former la sage-femme du centre à traiter les maladies générales de la femme. Ainsi ce type de prise en charge peut être assuré au sein même de la structure. »
Certains centres de santé disposent d'un laboratoire, et requièrent donc l'expertise du superviseur technicien de laboratoire A.M.I. « La supervision mise en place vise à s'assurer que les bonnes pratiques dans la réalisation des tests sont respectées », explique Valentine.
"Selon leurs compétences, les membres yéménites de l'équipe A.M.I. encadrent, forment et accompagnent certaines catégories de personnel."
Le projet mis en place par A.M.I. comprend notamment l'accès aux soins de santé primaires. Dans ce cadre, A.M.I. apporte un appui au programme national de lutte contre le paludisme. Les activités de laboratoire sont ici nécessaires, pour améliorer et contrôler la qualité du diagnostic de la maladie. « Les diagnostics se font par microscope, explique Valentine, et la supervision du technicien de laboratoire permet de s'assurer que ceux-ci sont réalisés dans de bonne conditions. Il faut notamment s'assurer que le laboratoire est maintenu dans un état de propreté satisfaisant, que les réactifs utilisés sont stockés à l'abri de la lumière, et que les produits qui en ont besoin sont conservés au froid. Le rôle des superviseurs consiste notamment à rappeler aux personnels des centres l'importance du respect des règles de base (par exemple, par manque d'argent, les techniciens de laboratoire des structures de santé vont parfois être tentés de conserver les produits au-delà de la date limite). La supervision permet aussi d'effectuer un contrôle de qualité (rigueur dans la lecture de la lame, etc.), d'encadrer, mais aussi de guider et de renforcer les compétences de personnels qui ne bénéficient pas d'une aide technique par ailleurs. »
Le travail de supervision permet également de guider le personnel soignant dans la prescription d'un traitement adapté. « La tendance naturelle du médecin est de vouloir le meilleur pour son patient, analyse Valentine, mais ce qu'il y a de mieux n'est pas toujours d'opter pour le dernier traitement mis sur le marché, souvent plus cher. De même, dans certains cas, il n'est pas nécessaire de recourir à un traitement médicamenteux, pour une simple pharyngite par exemple, qui implique des effets secondaires et un coût complémentaire et inutile chez des patients aux ressources financières limitées. L'accompagnement des médecins dans leur pratique apporte des possibilités d'échanges sur la meilleure façon de traiter une maladie ou de prendre en compte le bien-être des patients, d'un point de vue physiologique, mais aussi psychologique et social. »
Les supervisions s'appuient sur des outils qui sont créés pour les centres de santé. Nous élaborons des guides de diagnostics et de traitements en arabe, sur lesquels les personnels de santé peuvent s'appuyer en cas d'incertitude. Outre le travail réalisé dans les structures de santé, Valentine supervise les activités de clinique mobile, développées depuis juin. « Des consultations gratuites sont ainsi assurées une fois par semaine dans deux villages dépourvus de centres de santé. Un médecin, une sage-femme et un pharmacien, membres de l'équipe locale d'A.M.I., dispensent ainsi des soins préventifs et curatifs pour femmes enceintes, et des dépistages pour le paludisme et la malnutrition chez les enfants. J'accompagne parfois ces visites, qui sont réalisées dans une école ou une maison inhabitée. »
Alors que dans les centres, l'équipe A.M.I. accompagne sans se substituer au personnel soignant, la clinique mobile consiste à assurer directement des consultations. Mais ces activités sont réalisées en attente de l'ouverture de centres de santé dans chaque village. « Ces activités sont temporaires, explique Valentine. L'objectif est de préparer l'installation des centres et de l'équipe médicale nationale. Les populations s'habituent ainsi aux consultations, et elles sont sensibilisées à certaines questions de santé, comme la prise en charge des enfants malnutris. Et puis le principe est d'impliquer dès le départ l'équipe du futur centre de santé. D'ores et déjà, une sage-femme, qui travaillera dans l'un des centres une fois construit, accompagne notre équipe. Elle est ainsi introduite à la communauté et apprend à connaître la population locale. »
Pour Valentine, la nécessité d'accompagner et d'encadrer le personnel soignant est évidente, car « les besoins sont immenses ici dans le secteur de la santé. Quand on travaille dans des conditions difficiles, comme c'est le cas du personnel de santé local, il faut parfois dépenser beaucoup d'énergie, notamment pour respecter les bonnes pratiques, observe Valentine. Les supervisions permettent de guider les compétences du personnel local. Il s'agit d'encadrer mais aussi de former et de motiver en échangeant sur des questions médicales. »