Sabrina Clément vient d'achever une mission comme référente médicale au Yémen pour Aide Médicale Internationale. Infirmière pédiatrique de formation, elle est intervenue auprès de 11 centres de santé soutenus par A.M.I. dans les districts d'Al Marawa et d'Al Hali.
Le Yémen est un pays particulièrement pauvre (40 % de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté) et les yéménites ont difficilement accès à des centres de santé dont les ressources sont insuffisantes. Dans ce contexte, le rôle des deux référents médicaux sur le terrain est d'intervenir pour une meilleure prise en charge des populations, en particulier au sein des centres de santé. Sabrina explique les actions qui ont été les siennes afin de répondre à cet objectif.
Quel a été votre rôle afin d'améliorer la qualité des soins dispensés dans les centres de santé ?
L'une de mes missions était de promouvoir la décontamination et la stérilisation du matériel médical utilisé pour les soins. Les centres manquent cruellement de moyens, néanmoins quelques mesures d'hygiène essentielles pourraient éviter bon nombre d'infections engendrées par l'utilisation d'un matériel non stérilisé : outils chirurgicaux, aiguilles, etc. Pour cela, un protocole en arabe a notamment été élaboré et affiché dans les centres. Il rappelle la nécessité pour les personnels soignants de s'assurer de quelques gestes simples comme par exemple ne pas laisser le matériel usagé et les déchets sur les tables, jeter les aiguilles ayant servi dans les boîtes prévues à cet effet.
Les actions qui ont été menées concernant les règles d'hygiène applicables aux déchets s'inscrivent dans le cadre d'un management plus global. Ainsi, il faut trouver des solutions viables, selon les ressources disponibles, pour savoir quoi faire du matériel à jeter.
La mise en place de boîtes à aiguilles fait partie des outils nécessaires à une meilleure hygiène, mais il faut aussi prévoir le moyen de se débarrasser des déchets. Deux des centres ont des incinérateurs qui peuvent être utilisés, mais il a fallu parfois imaginer d'autres solutions, comme l'enfouissement sécurisé.
Par ailleurs, en fournissant du matériel médical (notamment des aiguilles), A.M.I. évite que le manque de moyens des centres soit un frein au respect de ces règles d'hygiène.
L'un des enjeux de santé essentiels au Yémen est la malnutrition dont souffre un grand nombre d'enfants. Un programme de lutte contre l'insécurité alimentaire est ainsi mené par A.M.I. dans le district d'Al Marawa, en partenariat avec l'ONG Triangle Génération Humanitaire. Comment ce problème peut-il être pris en charge ?
Notre intervention porte sur la prévention de la malnutrition, sur la prise en charge des enfants malnutris ainsi que sur leur traitement. En effet, il est important d'intervenir en amont sur les causes de la malnutrition. Celle-ci est dans un certain nombre de cas liée à la pauvreté dont souffrent les familles, mais pas seulement. Nous avons constaté que dans une partie des cas, les parents composent les repas des enfants avec des aliments inappropriés à l'équilibre nutritionnel : des gâteaux secs et du thé par exemple. Ou bien, au lieu de lait maternisé, il est donné aux enfants en bas âge le même lait qu'aux adultes. Lorsque nous demandons aux parents pourquoi ils ne donnent pas à leurs enfants les mêmes aliments qu'eux-mêmes consomment, comme des œufs, une nourriture équilibrée, certains nous ont répondu « parce qu'ils refusent de les manger ».
À ce niveau, le travail de mobilisation communautaire permet de sensibiliser et d'informer les membres de la communauté et les parents à la nutrition, afin d'amener les communautés à détecter les problèmes et les inciter à changer leurs pratiques. Lorsqu'un enfant est repéré comme souffrant de malnutrition, il est référé par les centres de santé ou par les parents afin de bénéficier d'un programme adapté à son état.
Concrètement, comment s'organise la prise en charge mise en place ?
Le programme de nutrition comporte différents volets afin d'orienter les enfants vers la solution la plus appropriée à chaque cas. Ceux qui présentent des complications médicales sont référés dans un centre pour y être accueillis en continu dans le cadre du TFC (Therapeutic Feeding Center). Les malnutris sévères qui ne présentent pas ces complications sont orientés vers le OTP (Out Patient Therapeutic care program), dans le cadre duquel ils se rendent toutes les semaines dans un centre pour un suivi régulier.
Afin d'améliorer les compétences du personnel soignant dans le domaine de la malnutrition, j'ai assuré une formation destiné à quatre assistants médicaux travaillant dans le centre OTP d'Al Marawa soutenu par A.M.I. J'ai formé également 3 sages-femmes et 3 docteurs yéménites ayant intégré l'équipe AMI. L'un des docteurs en particulier est amené à devenir le point de référence en matière de nutrition et à former à son tour d'autres personnels de santé.
L'enjeu est que petit à petit les équipes de santé locales soient à même de repérer les cas de malnutrition, dont on a constaté qu'ils n'alertent pas suffisamment leurs entourages.