Informing humanitarians worldwide 24/7 — a service provided by UN OCHA

Yemen + 2 more

Face à l’intensification des hostilités entre les houthistes et Israël, les membres du Conseil de sécurité appellent à la désescalade

9829e séance - matin

CS/15958

Réuni à la demande d’Israël, le Conseil de sécurité a consacré sa dernière séance programmée de l’année à l’intensification du conflit entre Israël et les houthistes basés au Yémen depuis le début du mois de décembre. Ses membres ont également observé une minute de silence en l’honneur de l’ancien Président des États-Unis décédé, Jimmy Carter.

Le Moyen-Orient est en proie à une nouvelle escalade dangereuse, s’est alarmé le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, M. Mohamed Khaled Khiari, en affirmant qu’elle pourrait hypothéquer la stabilité régionale, avec des retombées politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires.

Au-delà du Yémen, où, depuis la signature de l’Accord de Stockholm en 2018, les houthistes ont constamment violé le cessez-le-feu, refusé de démilitariser les ports de la mer Rouge et enfreint l’embargo sur les armes imposé par le Conseil avec l’appui de l’Iran, a rappelé M. Michael Knights, associé principal de recherche au Washington Institute for Near East Policy. Cette « junte militaire clanique qui cherche ouvertement la destruction des États-Unis et d’Israël » pose une menace pour les États de la région, a-t-il accusé.

M. Khiari a expliqué que depuis le 13 décembre, les houthistes ont lancé plus de 11 attaques contre Israël au moyen de missiles balistiques et de drones, dont 3 n’ont pas été interceptés par les systèmes de défense aérienne israéliens et ont touché des zones civiles, y compris une école primaire et une aire de jeu.

Israël a riposté par des frappes aériennes contre les zones contrôlées par les houthistes au Yémen, ciblant des infrastructures énergétiques et portuaires dans les ports de Hodeïda, Salif et de Ras Issa. Le 26 décembre, l’Aéroport de Sanaa et deux centrales électriques ont été prises pour cible. Le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, ainsi que plus d’une douzaine d’autres membres du personnel de l’ONU, se trouvaient à l’aéroport de Sanaa au moment de l’attaque israélienne au cours de laquelle un membre du Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS) a été blessé.

Tout en condamnant avec la plus grande fermeté les multiples attaques menées par les houthistes en mer Rouge, dans le golfe d’Aden et contre Israël depuis plusieurs semaines, la priorité pour la plupart des membres du Conseil doit être aujourd’hui à la désescalade au nom de la stabilité régionale. Ce cycle de représailles incessant n’est dans l’intérêt de personne, a tranché la Slovénie, en appelant à œuvrer pour la paix.

Lors d’un conflit armé, les principes clefs de distinction, de proportionnalité et de précaution doivent guider toutes les actions militaires, ont rappelé la France et la Suisse. S’adressant aux houthistes, les membres du Conseil leur ont rappelé leurs obligations au regard du droit international, y compris celle de protéger le personnel de l’ONU, les acteurs humanitaires et les civils.

Si plusieurs d’entre eux se sont dits préoccupés par l’attaque israélienne visant l’aéroport de Sanaa, le groupe des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) se sont montrés plus sévères. De concert avec la Fédération de Russie, ils ont condamné les attaques israéliennes contre les civils et les infrastructures civiles du Yémen, y voyant une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays. « Les cibles civiles, y compris les aéroports, les ports et les centrales électriques, ne devraient jamais faire l’objet d’un assaut militaire », s’est indigné le groupe, alors que la Fédération de Russie a jugé que la réponse israélienne, appuyée par les États-Unis, était disproportionnée.

Invoquant la « légitime défense », Israël a reproché au Conseil de sécurité et à l’ONU d’avoir enhardi les houthistes par son mutisme face aux violations répétées de l’embargo sur les armes établi par la résolution 2216 (2015). « Nous n’attendrons pas que le monde agisse. Nous protégerons nos citoyens », a affirmé haut et fort son représentant, qui s’est dit indigné à l’idée de voir son pays mis sur un pied d’égalité avec le « bourreau ». Il a d’ailleurs reproché au Conseil de sécurité de n’avoir toujours pas condamné les actions des houthistes.

S’adressant directement à ces derniers, dans un « dernier avertissement », le délégué israélien a expliqué « qu’Israël n’hésitera pas » et « qu’Israël ne pardonnera pas », avant de leur rappeler le sort infligé au Hamas, au Hezbollah et au régime d’Assad. « Vous partagerez le même destin misérable », a-t-il tranché.

Les États-Unis ont réaffirmé à leur tour le droit d’Israël à l’autodéfense dans le contexte des récentes attaques houthistes. La délégation a exhorté le Conseil de sécurité à engager de nouvelles mesures contre les houthistes et exiger des comptes de l’Iran qui les soutient, une position partagée par le Royaume-Uni. Il faut renforcer le mécanisme d’inspection des Nations Unies, afin de veiller à ce que les armes ne soient pas détournées par l’Iran ou tout autre acteur malveillant, a demandé la délégation américaine.

Sur ce point, la Suisse, et la République de Corée notamment, ont insisté sur l’importance de faire respecter l’embargo sur les armes établi par la résolution 2216. Il constitue un outil essentiel pour limiter la prolifération d’armements dans une région déjà déstabilisée, ont-ils argué. Les armes, qu’elles soient introduites par des voies clandestines ou par le biais d’un trafic organisé, représentent un facteur aggravant du conflit, a souligné la Suisse, en invitant le Conseil, en s’appuyant sur le travail du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2140 (2014), à veiller au respect scrupuleux de cet embargo.

En attendant, les États-Unis n’hésiteront pas à défendre leurs personnels et navires, a assuré la délégation. C’est ainsi que lors d’une opération récente, les forces américaines ont bombardé un centre de commandement houthiste à Sanaa et détruit, le 21 décembre dernier, plusieurs drones houthistes et un missile ciblant des navires en mer Rouge.

Alors que l’escalade entre les houthistes et Israël se fait dans un contexte régional plus large, les appels à faire le choix de la diplomatie, à ce moment critique, se sont multipliés. Que ce soit en mer Rouge, au Yémen ou au Moyen-Orient, le seul chemin viable est celui d’une solution politique et, pour cela, la cessation des attaques au Yémen, en Israël, et en Syrie ainsi qu’un cessez-le-feu inconditionnel à Gaza et la libération des otages ont une importance cruciale, ont reconnu la plupart des membres du Conseil.

Les parties prenantes et celles pouvant exercer une influence sur elles ont été invitées à s’abstenir de toute rhétorique ou action de nature à exacerber les tensions. Seule une solution politique permettra une cessation complète et durable des hostilités, ont argué de concert les intervenants. Et seule une solution politique permettra de mettre fin aux souffrances du peuple yéménite et à l’insécurité alimentaire, conséquences des restrictions imposées par les houthistes à l’aide humanitaire et aux libertés de la population civile yéménite, a renchéri la France. Dès lors, les efforts diplomatiques de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Hans Grundberg, pour faciliter un processus politique dirigé et pris en charge par les Yéménites sous les auspices des Nations Unies ont été très largement soutenus**.** La stratégie politique de l’Envoyé spécial pour le Yémen est limpide, ont insisté les A3+: « ce n’est que par une approche unie et coordonnée que nous pouvons espérer parvenir à la paix et à la sécurité pour tous les peuples du Yémen et de la région. »

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Exposés

Le Moyen-Orient est en proie à une nouvelle escalade dangereuse, s’est alarmé le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, M. MOHAMED KHALED KHIARI, en pointant les hostilités entre Israël et les houthistes des dernières semaines. Depuis le 13 décembre, les houthistes ont revendiqué au moins 11 attaques visant Israël, en se servant de missiles balistiques et de drones. Le 19 décembre, Israël a mené des frappes aériennes contre des infrastructures énergétiques et portuaires dans les ports de Hodeïda, Salif d’Hezyaz et de Ras Kanatib, contrôlés par les houthistes, ainsi qu’à Sanaa. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont affirmé qu’elles visaient des cibles militaires. Neuf civils auraient été tués et les ports de la mer Rouge ont subi des dommages considérables. Israël a également frappé deux centrales électriques à Sanaa, provoquant des coupures de courant temporaires à Sanaa et à Hodeïda.

Bien que de nombreux missiles et autres projectiles tirés par les houthistes depuis le Yémen aient été interceptés, le 20 décembre, une ogive a endommagé une école primaire à Ramat Gan, dans le centre d’Israël. Le 21 décembre, un autre missile a atterri dans un quartier résidentiel de Jaffa, endommageant les résidences environnantes. Seize civils auraient été blessés lors de ce dernier incident, dont un enfant de trois ans. Le 26 décembre, les frappes aériennes israéliennes ont visé l’aéroport international de Sanaa, les ports de la mer Rouge sur la côte occidentale du Yémen, ainsi que des centrales électriques à Sanaa et Hodeïda qui, selon les Forces de défense israéliennes, étaient utilisées à des fins militaires. À l’aune de ce bilan, M. Khiari s’est inquiété des risques de perturbation des opérations humanitaires vitales au Yémen, où des millions de personnes ont besoin d’une aide vitale.

Revenant sur les frappes israéliennes du 26 décembre au Yémen, qui auraient fait au moins six morts et des dizaines de blessés, le Sous-Secrétaire général a précisé qu’un membre de l’équipage du Service aérien d’aide humanitaire des Nationa Unies fait partie des blessés. Il a été touché par la frappe visant l’aéroport de Sanaa, où une délégation onusienne de haut niveau, menée par le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, se trouvait au moment de l’attaque. La délégation venait de traiter de la situation humanitaire au Yémen et de la remise en liberté du personnel de l’ONU et d’autres individus détenus par les houthistes, a précisé M. Khiari, en réitérant cet appel.

Le Sous-Secrétaire général a ensuite relayé les graves préoccupations du Secrétaire général concernant cette escalade, en appelant au respect du droit international, y compris le droit humanitaire, par toutes les parties. Il a condamné les attaques revendiquées par les houthistes. Les forces américaines ont pris pour cible des installations militaires et des systèmes d’armes des houthistes au Yémen les 16 et 21 décembre, apparemment en réponse à des attaques maritimes de ces derniers, a également indiqué M. Khiari. En outre, des rapports non confirmés font état de frappes aériennes les 27, 28 et 29 décembre dans différentes parties du Yémen. Les attaques provenant des zones contrôlées par les houthistes au Yémen doivent cesser, a exigé le haut fonctionnaire, en appelant au plein respect de la résolution 2722 (2024).

Les attaques en Israël et au Yémen, ainsi qu’en mer Rouge, sont très préoccupantes, a-t-il poursuivi. Une nouvelle escalade militaire pourrait hypothéquer la stabilité régionale, avec des retombées politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires délétères, a mis en garde le Sous-Secrétaire général. Des millions de personnes au Yémen, en Israël et dans toute la région continueraient à faire les frais d’une escalade sans fin, a-t-il souligné, en appelant à tout mettre en œuvre pour inverser cette trajectoire négative et soutenir les efforts globaux visant à mettre fin aux conflits au Moyen-Orient.

M. MICHAEL KNIGHTS, associé principal de recherche au Washington Institute for Near East Policy, a indiqué que les houthistes, avec l’appui robuste de l’Iran, exploitent la faiblesse du Gouvernement yéménite depuis le Printemps arabe de 2011. Les houthistes, a-t-il souligné, sont une junte militaire clanique qui a pris pour modèle le Hezbollah libanais et prône une idéologie suprémaciste en faveur de leur propre caste. De surcroît, ils cherchent ouvertement la destruction des États-Unis et d’Israël. « Les houthistes sont expansionnistes et agressifs, et posent une menace multidimensionnelle », a affirmé le chercheur. Loin d’être un mouvement isolé et localisé, ils bénéficient désormais d’un soutien militaire, de renseignements et financier de la part de partenaires mondiaux, parmi lesquels l’Iran, le Hezbollah, les milices soutenues par l’Iran en Iraq, les organisations terroristes Al-Qaida et Chabab, « et, semble-t-il, également la Fédération de Russie ».

Selon M. Knights, la première menace vise le Yémen lui-même. Les houthistes y ont commis de graves violations des droits humains, enrôlant des enfants soldats et torturant des opposants, a-t-il accusé, ajoutant que, depuis la signature de l’Accord de Stockholm en 2018, ils ont constamment violé le cessez-le-feu, refusé de démilitariser les ports de la mer Rouge et enfreint l’embargo onusien sur les armes, avec l’appui de l’Iran.

Au-delà du Yémen, les houthistes posent une menace pour les États de la région, a poursuivi M. Knights. Entre 2015 et 2021, ils ont lancé plus de 430 missiles contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, a-t-il précisé. Après les attaques terroristes du Hamas, le 7 octobre 2023, les houthistes ont délibérément entraîné le Yémen dans le conflit à Gaza en lançant près de 200 missiles contre Israël. Pour le chercheur, la dernière dimension de la menace des houthistes est globale, comme l’atteste la campagne contre les navires civils et militaires en mer Rouge et dans l’océan Indien. En conséquence, pas moins de 29 grandes compagnies maritimes ont décidé de contourner le continent africain plutôt que d’utiliser le canal de Suez. Les navires de plus de 85 pays sont touchés, y compris ceux de tous les membres permanents du Conseil de sécurité, ainsi que la Suisse, Malte, la République de Corée et la Suisse. « Les houthistes sont un couteau fiché dans l’une des artères commerciales les plus importantes au monde », a-t-il asséné.

En conclusion, le chercheur a invité le Conseil à exiger que les houthistes cessent leurs attaques contre les navires et contre Israël. Le Conseil devrait également veiller au respect de l’embargo sur les armes et élaborer des sanctions contre les navires qui violent ses résolutions en échappant aux inspections de l’ONU, a-t-il plaidé. M. Knights a enfin exhorté le Conseil à réaffirmer la légitimité du Gouvernement yéménite et à souligner son droit inaliénable à se défendre contre l’agression houthiste.

Moyen-Orient

Israël

Yémen

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.