GUÉRIR ENSEMBLE LES BLESSURES DE LA VIE
Le Burundi, le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) partagent une histoire commune: dans ce paysage paradisiaque aux collines verdoyantes où ondulent rivières et lacs majestueux, plusieurs drames ont secoué la région. Un génocide au Rwanda en 1994, des coups d’État au Burundi dans les années 1990 et des troubles électoraux en 2015 ainsi que des affrontements entre groupes armés dans l’est de la RDC ont laissé des traces profondes au sein des communautés. Dans ce contexte, les femmes et les filles subissent les affres des divers conflits armés et sont les victimes d’agressions sexuelles. En situation d’accalmie, le soubassement patriarcal prend le dessus et les violences sexuelles deviennent subtilement des violences basées sur le genre.
La Suisse accompagne les États dans leurs efforts de pacification par des programmes de paix et de cohésion sociale. Né d’une initiative de femmes parlementaires suisses en visite dans la région, un programme régional voit le jour en 2010. Humanitaire au départ avec des soins aux survivantes de viol, il s’élargit ensuite pour soutenir les communautés meurtries dans leur cheminement vers des communautés responsables. De victimes, elles se renforcent et offrent des cadres protecteurs aux survivantes et survivants des violences. Grâce à l’approche psychosociale communautaire «Guérir ensemble», femmes, hommes, filles et garçons se rassemblent dans des espaces protégés. Elles et ils apprennent à reconnaître les blessures des uns et des autres. Une conscientisation sur le cycle de la violence voit le jour. Ainsi commence le processus de guérison. L’objectif est d’aboutir à une guérison faite de pardon et de réconciliation avant d’entamer des projets de vie communs.
Ce programme accompagne aussi des processus institutionnels favorisant un environnement protecteur pour les femmes et les filles. Ainsi, en 2011, onze pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs signent une déclaration par laquelle les chefs d’États s’engagent à lutter ensemble contre les violences sexuelles massives et répétitives. Ils mettent à disposition des centres de prise en charge intégrés, organisent des sessions spéciales dans des tribunaux et encouragent des bonnes pratiques de lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre.
Depuis le Burundi où je travaille, j’ai vu la commune de Gahaga, dans la province de Muramvya, recevoir le deuxième prix de «La colline où il fait bon vivre». J’ai vu le professeur Simon Gasibirege, initiateur de l’approche «Guérir ensemble», récompensé d’un prix d’honneur par les autorités locales rwandaises. En RDC, j’ai vu des femmes, anciennes victimes de viols, se coaliser en Comités d’alerte pour la paix et devenir des véritables leaders de leurs communautés.
De 2011 à 2021, 164 000 personnes ont été soutenues, dont 30% d’hommes victimes de violences, y compris sexuelles, ou faisant face à une maladie mentale. Beaucoup deviennent des modèles de masculinité positive. L’approche «Guérir ensemble», Ushirika ni Dawa en swahili, leur a permis de guérir et de devenir des alliés du programme dans ce processus de changement des normes sociales de genre plus équitables envers les femmes et les filles.
Aziza Aziz-Suleyman
Coordinatrice régionale de la DDC et cheffe de bureau
Programme psychosocial régional