LONDRES, 23 janvier 2012 (IRIN) - Une nouvelle étude du Guttmacher [ http://www.guttmacher.org/pubs/journals/Sedgh-Lancet-2012-01.pdf ] Institute de New-York révèle que le nombre de femmes ayant recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG) est resté élevé, de façon persistante, depuis le dernier rapport de 2003 sur la question et que la forte réduction observée durant les huit années précédentes ne s'est pas poursuivie.
Presque la moitié de tous les avortements sont rangés par l'Institut dans la catégorie des interventions « dangereuses » et ce chiffre est en augmentation : l'estimation est de 49 pour cent dans cette dernière étude (chiffres de 2008), contre 44 à l'époque de l'étude de base qui date de 1995. Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), 13 pour cent des décès maternels et une énorme accumulation de souffrances et de problèmes de santé sont attribuables aux suites d'un avortement dangereux.
L'avortement est un phénomène mondial, et même s'il existe des disparités entre les différentes régions du monde, elles ne sont pas très importantes : Les pays développés ont un taux estimé de 24 avortements pour 1 000 femmes, alors que le taux est de 29 pour mille dans les pays en développement. Une grossesse sur cinq environ se termine par un avortement.
Le docteur Iqbal Shah du Département de l'OMS pour la Santé reproductive a mis l'accent sur le caractère universel de cette situation. « On peut dire qu'aucune femme ne choisit vraiment de tomber enceinte pour se faire avorter. C'est le résultat d'un accident. Et à l'OMS, nous estimons que cela représente 33 millions de grossesses accidentelles par an, qui bien sûr peuvent aboutir à un avortement. Là où existent des législations restrictives, les femmes n'ont pas d'autre choix que d'avoir recours à des pratiques dangereuses. »
L'auteur principal du rapport, Gilda Sedgh, a déclaré : « La législation relative à l'avortement a tendance à être restrictive dans les pays en développement. La majorité des avortements sont dangereux, et certains sont convaincus que ces avortements sont dangereux parce qu'ils sont réalisés dans des pays très pauvres où le système de santé est déficient. C'est vrai et c'est important. mais même dans les pays en développement, le taux des complications et des décès provoqués par les avortements a diminué quand les lois sur l'avortement ont été libéralisées. Nous en avons la preuve en Afrique du Sud où la législation sur l'avortement a été libéralisée en 1997.Le chiffre annuel des décès liés à l'avortement est tombé de près de 90 pour cent dans les trois ans qui ont suivi la libéralisation. »
Le poids des décès
Beverly Winikoff, de Gynuity Health Projects à New York [organisation de recherche et d'assistance technique sur des projets de santé reproductive], a déclaré : « Le poids des décès résultant de l'avortement repose presque entièrement sur l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine. Et d'une certaine façon, nous agissons comme si cette réalité n'était ni surprenante ni gênante. Pourtant, il n'existe pas entre les femmes de différences biologiques régionales qui pourraient expliquer cette discordance. Là où le taux de mortalité est élevé, le personnel de santé est parfaitement conscient des procédures existantes qui permettent d'éviter les décès. Nul besoin de technologies coûteuses pour éviter ces décès. S'il y a manque, c'est un manque d'altruisme. On est prêt à sacrifier des vies humaines sur l'autel de la bien-pensance, du socialement acceptable ou pour préserver une certaine zone de confort politique. »
Les chiffres montrent qu'une femme qui pense devoir se faire avorter le fera, quelle que soit la législation. La seule différence est d'avoir ou non la possibilité de mettre fin à sa grossesse sans danger. L'étude ne conforte absolument pas l'idée que l'interdiction légale de l'IVG peut avoir un impact sur cette réalité. Elle montre au contraire que ce sont les pays où l'avortement est illégal qui connaissent les taux d'avortement les plus élevés.
Selon Mme Sedgh, « le taux d'avortement est en réalité plus bas dans les sous-régions caractérisées par une législation libérale que dans les régions où la législation sur l'avortement est restrictive. » Mais, ajoute t-elle, « cela ne nous permet pas de dire que ces législations provoquent des taux d'avortement plus ou moins élevés ; nos conclusions confirment la corrélation spécifique entre les taux d'avortement et l'utilisation des moyens de contraception. Fondamentalement, plus la contraception est utilisée, plus le taux d'avortement est réduit. »
Financement de la contraception
C'est donc le blocage de la mise à disposition des moyens contraceptifs qui empêche la réduction du nombre d'avortements. « Dans certains pays, ce blocage a été attribué au fait que le financement de la planification familiale n'arrivait pas à suivre la demande, qui n'a cessé d'augmenter au fur et à mesure que la population croissait et que les femmes et les couples désiraient des familles plus petites. Autrement dit, l'offre n'est pas en mesure de satisfaire la demande, » a dit Mme Sedgh à IRIN.
« Dans certains pays, le problème est lié également aux limites des programmes de planification familiale en place qui n'offrent pas une grande diversité de méthodes. Au départ, on constate une augmentation, car le besoin les plus aisément satisfait est effectivement satisfait. Mais la qualité des services de planification familiale doit s'améliorer. Ils doivent offrir une plus grande variété de méthodes. Ils doivent s'assurer que les informations et les conseils sont là pour fournir aux femmes les méthodes qui conviennent le mieux à leurs besoins. »
Stigmatisation
Mme Sedgh et ses collègues se limitent aux statistiques médicales, en évitant l'aspect politique de l'avortement. Mais Richard Horton, éditeur de la revue médicale britannique The Lancet, qui a publié la recherche, a déclaré : « The Lancet a découvert que la simple mention du mot « avortement » suscitait une réaction monumentale et viscérale contre l'idée même de discuter le problème. L'an dernier, j'ai fait partie d'une commission sur la santé des femmes et des enfants. et dans notre rapport final, nous avons attiré l'attention sur la question de l'avortement ; le représentant américain dans notre comité m'a demandé explicitement d'enlever le terme « avortement » de notre version préliminaire.
« Même avec un gouvernement Obama, il n'est pas possible d'avoir une discussion ouverte sur l'avortement dans les agences et les comités internationaux. Et cette stigmatisation, cette censure autour du thème de l'avortement, c'est bien ce qui cause la terrible distorsion des priorités pour la santé des femmes aujourd'hui. »
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Cet article en ligne: http://www.irinnews.org/reportfrench.aspx?reportID=94705
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