Avant-propos
Depuis des temps immémoriaux, l’homme se déplace d’un endroit à un autre, soit pour tenter sa chance ailleurs, soit pour fuir un danger. Ces mouvements de populations peuvent avoir des répercussions considérables sur des systèmes éducatifs. L’édition 2019 du Rapport mondial de suivi sur l’éducation est la première publication du genre consacrée à une analyse approfondie de ces questions dans toutes les régions du monde.
Le présent Rapport intervient précisément à un moment où la communauté internationale est en voie de finaliser deux pactes internationaux majeurs, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le Pacte mondial sur les réfugiés. Ces accords sans précédent, auxquels s’ajoutent les engagements internationaux en matière d’éducation inscrits dans le quatrième Objectif de développement durable des Nations Unies, illustrent la nécessité de s’attaquer à la question de l’éducation des migrants et des personnes déplacées. Le Rapport GEM s’impose comme un ouvrage de référence essentiel pour les décideurs politiques chargés de réaliser les ambitions qui sont les nôtres.
Les lois et les politiques actuelles ne prennent pas en compte les enfants migrants et réfugiés. Elles nient leurs droits et négligent leurs besoins. Les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays font partie des populations les plus vulnérables au monde et englobent les habitants des bidonvilles, les migrants saisonniers qui vont de lieu en lieu pour gagner leur vie et les enfants placés dans des centres de détention. Or, bien souvent, ces populations sont purement et simplement privées d’accès à l’école, malgré la sécurité et la promesse d’une vie meilleure que cet environnement peut leur offrir.
Délaisser l’éducation des migrants est un immense gaspillage de potentiel humain. Pour un simple problème de paperasserie, de données qui manquent et de systèmes bureaucratiques mal coordonnés, nombreux sont ceux qui voient leur dossier bloqué dans les rouages de l’administration. Pourtant, investir dans l’éducation de migrants et de réfugiés talentueux et motivés contribue à stimuler le développement et la croissance du pays d’accueil comme du pays d’origine.
L’offre d’éducation est, en soi, insuffisante. L’environnement scolaire doit s’adapter et subvenir aux besoins spécifiques des personnes qui se déplacent. L’intégration des immigrants et des réfugiés dans les mêmes établissements que la population du pays d’accueil est un premier pas important vers la cohésion sociale. La manière d’enseigner, la langue d’instruction et la discrimination peuvent, cependant, les en éloigner.
Il est vital de faire en sorte que les enseignants soient correctement formés pour assurer l’inclusion d’élèves immigrés et réfugiés, mais aussi qu’ils bénéficient du soutien nécessaire pour gérer des classes multilingues et multiculturelles et prendre en compte les besoins psychosociaux de certains élèves.
De même, il est vital de s’appuyer sur un programme d’études bien conçu, apte à promouvoir la diversité, fournir des compétences essentielles, dénoncer les préjugés et avoir des retombées positives au-delà des murs de la salle de classe. Certains manuels scolaires présentent une image obsolète des migrations et sapent les efforts déployés en faveur de l’inclusion. Qui plus est, bon nombre de programmes d’études sont trop rigides pour composer avec le mode de vie des personnes qui, constamment, se déplacent.
Élargissement de l’offre et inclusion exigent de la part des pays d’accueil des investissements que tous n’ont pas les moyens d’assumer seuls. Souvent limitée et imprévisible, l’aide humanitaire n’est actuellement pas à la hauteur des besoins des enfants. Le nouveau fonds L’Éducation ne peut pas attendre est un mécanisme important pour atteindre les personnes les plus vulnérables.
Ce Rapport lance un message clair : investir dans l’éducation des personnes en situation de déplacement, c’est refuser tout ce qui nourrit la frustration et l’instabilité et s’engager résolument dans la voie de la cohésion et la paix.
Audrey Azoulay
Directrice générale de l’UNESCO