8 mars 2013, Genève/Rome - Les sécheresses font plus de victimes et provoquent plus de déplacements de populations que cyclones, inondations et séismes réunis. Ces catastrophes naturelles sont donc les plus destructrices qui soient. Pourtant, alors que la fréquence, l'ampleur et l'intensité des sécheresses devraient s'accroître sous l'effet du changement climatique, rares sont les pays qui se sont dotés de politiques efficaces de lutte contre ce fléau.
Trois institutions spécialisées des Nations Unies unissent désormais leurs forces pour faciliter l'élaboration et l'application, à l'échelle nationale, de politiques concrètes dans ce domaine, axées sur la prévention, afin de développer les capacités d'adaptation des pays exposés à la sécheresse.
L'Organisation météorologique mondiale (OMM), l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) organisent du 11 au 15 mars prochains à Genève, avec d'autres partenaires, une Réunion de haut niveau sur les politiques nationales en matière de sécheresse qui sera axée sur la prévention et la gestion de ce phénomène.
«La sécheresse a toujours été un phénomène inhérent à la variabilité naturelle du climat», a déclaré le Secrétaire général de l'OMM, Michel Jarraud. «Le changement climatique devrait entraîner une augmentation de la fréquence, de l'intensité et de la durée des épisodes de sécheresse dans plusieurs régions du monde, alourdissant ainsi le tribut humain et économique. Nous ne pouvons nous permettre de continuer d'agir au cas par cas, en nous contentant de parer au plus pressé. Nous possédons les connaissances et l'expérience voulues pour limiter l'impact des sécheresses, et il nous faut maintenant établir un cadre d'action général et intervenir sur le terrain.»
«Bien que prévisible, la sécheresse est la catastrophe naturelle la plus coûteuse et la plus meurtrière de notre époque. La décision d'en atténuer les effets relève en dernier ressort du pouvoir politique. Il appartient aux gouvernements de tous les pays exposés à ce fléau d'élaborer et de mettre en œuvre, en les adaptant au contexte national, des politiques de lutte contre la sécheresse axées sur les alertes précoces, la prévention et la gestion des risques», a fait valoir le Secrétaire exécutif de la CNULCD, Luc Gnacadja. «Le coût des interventions a posteriori est bien plus élevé que celui de la gestion des risques et des mesures d'anticipation. Aussi faut-il agir sans attendre les prochaines sécheresses et leur cortège de famines et de décès.»
«L'augmentation de la fréquence et de l'intensité des sécheresses sous l'effet du changement climatique a des conséquences dévastatrices pour la sécurité alimentaire, en particulier dans les régions du monde les plus vulnérables», a souligné le Directeur général de la FAO, José Graziano da Silva. «Pour enrayer cette tendance, nous devons développer des communautés résistantes à la sécheresse et capables de s'adapter. Il ne faut donc pas se contenter de réagir après avoir attendu en vain l'arrivée de la pluie, mais privilégier aussi les investissements sur le long terme pour que les populations et les systèmes de production alimentaire puissent 'tenir le coup' lorsque survient la sécheresse.»
Sont conviés à la réunion susmentionnée des dirigeants et de hauts responsables politiques, des organismes d'aide au développement et d'éminents scientifiques et chercheurs. M. Mahamadou Issoufou, Président de la République du Niger, pays frappé par des sécheresses à répétition dont la plus récente date de 2011-2012, sera notamment présent.
Lourd bilan humain et économique
Depuis les années 70, les superficies touchées par la sécheresse ont doublé, et ce sont souvent les femmes, les enfants et les personnes âgées qui payent le plus lourd tribut.
Les dernières sécheresses en date ont concerné le Sahel et la région de la Corne de l'Afrique, les États-Unis d'Amérique, le Mexique, le nord-est du Brésil, certaines régions de Chine et d'Inde, la Fédération de Russie et l'Europe du Sud-Est. C'est dans les zones arides que l'on trouve les pays les plus vulnérables, notamment en Afrique et en Asie occidentale où les populations les plus démunies sont particulièrement exposées.
Les conséquences de la sécheresse peuvent perdurer longtemps après le retour des pluies: denrées alimentaires rares et chères, ressources en eau peu abondantes, sols érodés et bétail affaibli, sans parler des conflits juridiques et sociaux qui peuvent persister des années durant. Les sécheresses sont souvent suivies d'inondations de grande ampleur qui surprennent les populations au moment où elles sont les plus vulnérables, entraînant un surcroît de souffrances.
A ce jour, 168 pays se disent touchés par la désertification, processus de détérioration des sols dans les régions arides qui se répercute sur la production alimentaire et qui est exacerbé par la sécheresse. Lors de la Conférence sur le développement durable «Rio+20» qui s'est tenue en juin 2012 au Brésil, les dirigeants de la planète ont fait valoir que la désertification, la sécheresse et la dégradation des terres étaient des phénomènes d'envergure mondiale que la communauté internationale se devait de combattre, et se sont engagés à œuvrer pour la «neutralité de la dégradation des terres». Autrement dit, il s'agit d'éviter la dégradation de nouvelles terres et de compenser les dégradations inévitables en restaurant une quantité égale de terres dans le même temps et dans le même environnement.
C'est là un objectif réaliste. La gestion durable des terres, qui consiste notamment à restaurer des terres dégradées et à gérer plus rationnellement les sols et les ressources en eau de façon à atténuer les effets de la sécheresse, est une pratique qui existe déjà, mais il convient de l'étayer - voire de la renforcer - par des politiques nationales appropriées.
De la gestion d'une situation de crise à la réduction des risques de catastrophe
La Réunion de haut niveau sur les politiques nationales en matière de sécheresse a pour but d'inciter les pays à passer progressivement d'une approche a posteriori à une politique d'anticipation des risques, comme c'est déjà le cas pour les cyclones tropicaux et les inondations.
Objectifs visés:
- mise en place des éléments clefs d'une politique nationale efficace en matière de lutte contre la sécheresse: mesures anticipatives d'atténuation et de planification, gestion des risques, sensibilisation du public et gestion des ressources;
- renforcement de la collaboration afin d'améliorer les réseaux d'observation et les systèmes de diffusion des informations à l'échelle nationale, régionale et mondiale, pour que le public en sache plus long sur les sécheresses et y soit mieux préparé;
- prise en compte de stratégies financières et de systèmes d'assurance complexes, de caractère public ou privé, dans les plans de préparation à la sécheresse;
- définition d'un dispositif de sécurité pour les secours d'urgence, fondé sur une bonne gestion des ressources naturelles et sur l'entraide aux différents niveaux de gouvernance;
- coordinationefficace et axée sur les besoins des utilisateurs en ce qui concerne les programmes relatifs à la sécheresse et les mesures d'intervention dans ce domaine.
Renforcer les capacités d'adaptation et cibler les efforts
Mieux gérer les situations de sécheresse est l'une des priorités du Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC) actuellement mis en place par les gouvernements sous l'égide des Nations Unies. Il s'agit en fait de fournir des informations et des services climatologiques de meilleure qualité, en particulier aux populations les plus vulnérables, afin de renforcer leur capacité d'adaptation à la sécheresse. L'amélioration rapide des capacités de prévision du climat sera déterminante à cet égard.
Le CMSC vise à favoriser l'accès, à l'échelle du globe, à des services climatologiques améliorés dans quatre secteurs prioritaires - agriculture et sécurité alimentaire, eau, santé, prévention des catastrophes - d'ici à la fin de 2017.