INTRODUCTION ET OBJECTIF DU PRÉSENT DOCUMENT
Le caractère généralisé tout comme les conséquences effroyables de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles dans les situations de conflit armé sont bien établis. Si ce type de violences affecte les femmes et les filles de manière disproportionnée, il est de plus en plus reconnu que des hommes et des garçons sont également l’objet de violences sexuelles liées aux conflits. Au cours des dernières années, des cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle contre des hommes et des garçons, perpétrés par des forces de sécurité étatiques ou des groupes armés non étatiques (GANE), ont été documentés dans au moins 30 États différents affectés par un conflit armé .
Les hommes et les garçons peuvent être exposés aussi bien à des attaques isolées qu’à des violences sexuelles ciblées visant à punir, humilier, terroriser et réprimer des victimes / survivants ainsi que leurs communautés. À cet égard, de multiples facteurs peuvent accroître leur vulnérabilité, notamment l’affiliation politique, la religion, l’appartenance ethnique, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre réelles ou supposées, le handicap et le statut socio-économique.
La violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons a été documentée dans de nombreux types de situations différentes, y compris dans le cadre d’attaques armées ou de perquisitions de domicile et à des points de contrôle. Cependant, les informations disponibles indiquent que les risques sont considérablement accrus dans certains contextes. C’est particulièrement le cas lorsque ces individus sont privés de liberté ou qu’ils sont membres de forces de sécurité étatiques ou de GANE ou sont associés à de tels groupes. Les déplacements forcés, internes ou transfrontaliers, et les crises humanitaires de grande ampleur peuvent également accroître la vulnérabilité des hommes face aux violences sexuelles commises par des parties à un conflit armé, ainsi que par d’autres acteurs, y compris le personnel chargé du maintien la paix, les travailleurs humanitaires, les membres de groupes du crime organisé (tels que les trafiquants d’êtres humains), des passeurs ainsi que des membres de la communauté.
Les initiatives en cours pour renforcer la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles liées aux conflits montrent qu’il n’existe pas de solution toute faite pour régler ce problème. La prévention de ces actes repose plutôt sur des approches multi-dimensionnelles afin de lutter aussi bien contre les facteurs immédiats que contre les causes profondes de ces phénomènes, y compris la discrimination et l’inégalité basées sur le genre. Pour renforcer l’efficacité de ces efforts, il est essentiel qu’il y ait une concertation et une coordination entre les nombreux acteurs étatiques et non étatiques impliqués. Cependant, des responsabilités spécifiques incombent aux autorités nationales en matière de respect et de promotion des droits humains de tous les individus vivant sur leur territoire et / ou relevant de leur compétence. Les États doivent donc prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection de leurs populations et apporter des réponses appropriées aux violences sexuelles liées aux conflits, quels qu’en soient les auteurs.
All Survivors Project (ASP) a élaboré le présent document pour proposer une liste de contrôle des éléments à prendre en considération afin de prévenir et de combattre la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons ; ce document vise à soutenir les initiatives menées à cet égard au niveau national par les autorités étatiques et les acteurs qui mènent des actions en soutien des États (entre autres, les Institutions nationales de défense des droits de l’homme (INDH), les opérations de maintien de la paix et d’autres opérations sur le terrain des Nations Unies ; les agences, les bureaux, les experts et les organes de traités et les procédures spéciales des Nations Unies ainsi que les organisations non gouvernementales internationales et nationales (O(I)NG).
Le présent document vise à compléter les actions essentielles et urgentes mises en œuvre actuellement pour renforcer la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles liées aux conflits ; son objectif n’est donc en aucun cas de détourner l’attention de cette question prioritaire en portant la focale sur d’autres individus à risque. Ce document vise, au contraire, à soutenir les actions destinées à assurer la protection des hommes et des garçons contre la violence sexuelle liée aux conflits en droit et en pratique ; à veiller à ce que les politiques nationales et autres mesures visant à combattre et éradiquer ces violences prennent en compte et combattent les risques et les vulnérabilités auxquelles sont exposées tous les individus, quels qu’ils soient ; et à faire en sorte que tous les survivants aient accès sans discrimination à la justice, y compris à des réparations, ainsi qu’à des soins médicaux, à une assistance en matière de soins médicaux et des services de santé mentale et de soutien psychosocial (MHPSS) et à d’autres mesures adéquates et axées sur les besoins des survivants.
Cette liste de contrôle s’appuie sur les recherches menées par l’ASP sur les cas de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons liée aux conflits, y compris des enquêtes de terrain en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, en République centrafricaine (RCA), en Syrie, au Sri Lanka et en Turquie. Elle se fonde également sur l’examen des législations nationales dans certains pays affectés par un conflit et sur des plans d’action nationaux et autres politiques publiques accessibles au public. Le présent document se base également sur des sources universitaires et des recherches secondaires portant sur la question de la violence sexuelle liée aux conflits et les réponses qui y ont été apportées telles que présentées dans des rapports, des documents d’information, des lignes directrices, des protocoles et d’autres publications élaborées par des organes, des mécanismes, des agences et des experts des Nations Unies, des tribunaux pénaux internationaux, des O(I)NG ainsi que des initiatives telles que la Preventing Sexual Violence Initiative (PSVI) lancée par le Royaume-Uni.
Des experts des droits humains, des conflits armés, des droits des personnes appartenant à des MSG et des questions de justice pénale internationale ont été consultés pour la préparation du présent document (voir la section sur les remerciements). En outre, une version préliminaire de ce texte a bénéficié des commentaires de représentants du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ; du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) ; du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés ; du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles en conflit ; du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies (DOMP) ; du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ; et de l’Équipe d’experts des Nations Unies sur l’État de droit et la violence sexuelle dans les conflits. Cependant, le contenu final du présent document est de la seule responsabilité de l’ASP.