Malgré la Convention internationale des droits de l’enfant, plus de 7 millions d’enfants dans le monde souffrent dans diverses structures pour enfants, dans des centres de détention pour migrants, dans des cellules de garde à vue de la police, des prisons et autres lieux de détention, selon une étude des Nations Unies publiée lundi.
« Il ressort clairement des opinions exprimées par les enfants dans l’étude que, pour eux, la privation de liberté signifie essentiellement la privation de leur enfance », souligne le rapport présenté ce lundi à Genève, par son auteur l’Expert indépendant de l’ONU, Manfred Nowak.
L’étude mondiale constate que les enfants privés de liberté sont invisibles pour la grande majorité de la société et leur sort constitue la violation la plus négligée de la Convention des droits de l’enfant.
Aussi, les enfants privés de liberté appartiennent aux groupes les plus vulnérables, discriminés, exclus et oubliés de nos sociétés contemporaines.
Ils viennent des segments les plus pauvres de la société, appartenant aux minorités ethniques et religieuses, aux peuples autochtones, aux familles de migrants ou de réfugiés, aux enfants souffrant de handicaps mentaux ou physiques, souvent séparés ou abandonnés par leurs parents et forcés de vivre dans la rue.
« Ces enfants sont victimes d’abus, de négligence et d’exploitation par d’autres personnes. Plutôt que de grandir avec leur famille ou dans un milieu de type familial dans le contexte des systèmes de protection de l’enfance, les enfants sont détenus dans des institutions ou des centres de détention de la justice pénale et grandissent sans liberté », fait valoir le rapport.
Plus de 300.000 enfants détenus chaque année dans les centres d’immigration de 80 pays Parmi tous ces enfants vulnérables, le rapport fait état d’une forte augmentation du nombre d’enfants détenus dans le contexte des conflits armés et de la sécurité nationale.
« Une augmentation sous l’impulsion de mesures antiterroristes agressives qui comprennent la détention et la poursuite d’enfants pour des activités en ligne, y compris des messages sur Facebook et Twitter », souligne le document.
Toutefois le rapport ne tient pas compte du nombre « des enfants détenus par les groupes armés non étatiques et les groupes terroristes », précise M. Nowak.
Par ailleurs, bien que les experts de l’ONU aient conclu que la détention d’enfants pour des raisons liées à la migration ne peut jamais être dans l’intérêt supérieur de l’enfant, au moins 330.000 enfants dans 80 pays sont détenus chaque année dans des centres d’immigration.
Plus largement, au moins 410.000 enfants sont détenus chaque année dans des prisons et des centres de détention provisoire où la violence est « endémique ». Ce chiffre ne comprend pas le million d’enfants détenus chaque année par la police. Aussi, bon nombre d’entre eux sont accusés d’« infractions liées au statut », notamment l’absentéisme scolaire, la désobéissance et la consommation d’alcool avant l’âge légal.
Le sort des enfants handicapés qui sont « nettement surreprésentés » en détention dans le contexte de l’administration de la justice et des institutions est une autre source de préoccupation relevée par le document.
A noter qu’environ 670.000 enfants ont été placés par les autorités judiciaires dans des institutions répondant à la définition légale de la privation de liberté. Cependant, le nombre total d’enfants placés en institution est supérieur à 5,4 millions.
Les enfants ne devraient pas être détenus
La privation de liberté aggrave l’état de santé actuel des enfants et peut en faire apparaître de nouveaux, notamment l’anxiété, la dépression, les pensées suicidaires et le stress post-traumatique, selon l’étude.
« La détention des enfants est contre-productive, très coûteuse et nuit à leur santé et à leur développement », ont insisté les enquêteurs onusiens.
De plus, les troubles psychiatriques chez les enfants en détention peuvent décupler pendant la détention, et la détention est corrélée à la mort précoce des enfants une fois libérés.
L'enquête souligne que l’enfance est le moment où les enfants développent leur personnalité, leurs relations affectives avec les autres, leurs aptitudes sociales et éducatives et leurs talents.
Elle soutient que priver les enfants de leur liberté est une forme de violence structurelle que les États se sont effectivement engagés à éliminer en vertu de l’article 16.2 des Objectifs du développement durable.
D’autant que c’est une réalité qui contraste directement avec l’exigence de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui stipule clairement que la détention des enfants ne doit être utilisée qu’en dernier recours et pour la durée la plus courte possible.
Selon l’étude, cela signifie qu’en principe, les enfants ne devraient pas être détenus et que les États devraient toujours chercher en premier lieu des solutions non privatives de liberté.
Bien que certains progrès aient effectivement été réalisés ces dernières années, l’étude souligne la nécessité impérieuse de faire beaucoup plus en termes de désinstitutionalisation, de déjudiciarisation, de fin de la détention liée aux migrations et d’autres mesures afin de se conformer à la Convention.
« Étant donné que chaque enfant a le droit de grandir dans un environnement familial, il incombe aux États d’investir davantage de ressources pour soutenir les familles et les systèmes de protection de l’enfance », recommande l’étude.