Kehinde Ajayi et Estelle Koussoubé, éditrices
Messages clés
- L’Afrique détient la clé de sa prospérité : investir dans le potentiel économique inexploité des adolescentes.
- Pour réussir, les adolescentes doivent acquérir les compétences, les ressources et la capacité de décision et d’action dont elles ont besoin pour être autonomes et prospères à l’âge adulte.
- La réalité est toutefois différente pour les adolescentes en Afrique. Actuellement, en Afrique, 40 % des filles âgées de 15 à 19 ans ne sont pas scolarisées et ne travaillent pas, ou sont mariées ou ont des enfants, contre 12 % des garçons de la même tranche d’âge, ce qui souligne l’urgence d’agir.
- Ce rapport recommande six séries d’actions fortes mais abordables pour assurer la réussite des adolescentes :
- Améliorer la santé et l’éducation des adolescentes en réduisant les frais à la charge des familles, en élargissant l’accès et en fournissant des services adaptés aux jeunes.
- Promouvoir leur réussite économique grâce à des interventions multisectorielles éprouvées et prometteuses qui intègrent des formations techniques et les compétences nécessaires à la vie courante avec un soutien à l’emploi, adaptées aux demandes du marché du travail et aux facteurs contextuels.
- Faire des filles les plus vulnérables la priorité, en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte.
- Adopter une approche holistique dans la conception des interventions en faveur des adolescentes, en reconnaissant le caractère multidimensionnel de l’autonomisation.
- Combler les lacunes en matière de données et de preuves solides pour éclairer des politiques et des programmes efficaces.
- Favoriser la collaboration et mobiliser l’appui de diverses parties prenantes pour obtenir un impact durable.
- En mettant en œuvre ces recommandations d’ici à 2040, les pays africains pourraient dégager un revenu supplémentaire de 2 400 milliards de dollars. Avec les investissements et le soutien appropriés, les adolescentes pourraient être les moteurs de la transformation économique de l’Afrique.
Résumé analytique
Pourquoi construire des parcours vers la prospérité pour les adolescentes en Afrique est une priorité urgente ?
L’Afrique est la région la plus jeune du monde. Elle détient la clé de sa prospérité, à savoir investir dans le potentiel économique inexploité de ses adolescents, et en particulier de ses adolescentes. Plus d’un cinquième des adolescentes du monde (âgées de 10 à 19 ans) — 145 millions — vivent en Afrique, et cette proportion devrait passer à plus d’un tiers d’ici à 2050 (United Nations Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2024). Pour que l’Afrique gagne la bataille contre la pauvreté et parvienne à une croissance économique soutenue, des investissements stratégiques sont impératifs. Ces investissements doivent bénéficier aux adolescentes, en les dotant des fondamentaux du capital humain, des ressources et de la capacité de décision et d’action nécessaires pour mener une vie d’adulte économiquement prospère.
Malgré leur potentiel, les adolescentes africaines sont confrontées à des défis spécifiques liés à leur sexe qui affectent considérablement leurs perspectives économiques. La région présente l’incidence la plus élevée de mariages d’enfants pour les filles au niveau mondial, une fille africaine sur trois se mariant avant l’âge de 18 ans. En particulier, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale abritent 7 des 10 pays où la prévalence du mariage des enfants est la plus élevée au monde (UNICEF, 2022). En outre, bien que des progrès aient été réalisés au cours des 25 dernières années, ces améliorations ont principalement bénéficié aux ménages les plus riches ; les taux de mariage des enfants continuent d’augmenter parmi les plus pauvres en Afrique (UNICEF, 2023). Le mariage des enfants est souvent associé à des grossesses précoces et à un taux de fécondité plus élevé au cours de la vie d’une fille, ce qui a des conséquences négatives importantes pour les filles et leurs enfants dans divers domaines, notamment la santé et les résultats futurs sur le marché du travail (Petroni et al., 2017 ; Wodon et al., 2017).
En Afrique, les disparités entre les sexes apparaissent avant l’adolescence et se creusent lors du passage à l’adolescence, puis à l’âge adulte. Bien qu’il existe des écarts relativement faibles entre les sexes en matière de scolarisation des adolescents âgés de 10 à 14 ans dans la plupart des pays africains, les filles sont généralement plus susceptibles de participer aux travaux ménagers et les garçons sont plus susceptibles de participer à un travail rémunéré. Dans le groupe des adolescents plus âgés (15-19 ans), un nombre important de filles en Afrique (26 %) ne travaillent pas et ne sont pas scolarisées, contre environ 9 % des garçons. En outre, environ 22 % de ces filles sont mariées, contre seulement 1 % des garçons. Lorsque ces adolescents plus âgés passent à l’âge adulte (20-24 ans), la disparité entre les sexes est encore plus prononcée. Parmi les jeunes femmes de cette tranche d’âge, 56 % sont mariées et ont des enfants, tandis que moins de 16 % d’entre elles poursuivent leurs études. En revanche, les jeunes hommes sont plus susceptibles de poursuivre leurs études ou d’entrer sur le marché du travail, et 71 % d’entre eux restent célibataires et sans enfant (figure ES.1).
L’autonomisation des adolescentes n’est pas seulement une question de droits humains ; c’est aussi un investissement précieux. Ce rapport révèle que chaque dollar investi dans l’autonomisation des adolescentes peut générer un impact économique plus que décuplé. Le bénéfice net de ces investissements s’élève à environ 2 400 milliards de dollars. Ce chiffre contraste avec le coût total de l’investissement dans les deux prochaines générations de filles dans tous les pays, qui s’élève à moins de 200 milliards de dollars (Rossouw et al., 2024).
Comment les pays — en particulier les pays africains — peuvent-ils construire un parcours vers la prospérité pour les adolescentes ? Le présent rapport tente de répondre à cette question clé. S’appuyant sur des initiatives récentes et des recherches rigoureuses visant à identifier et à relever les défis spécifiques auxquels sont confrontées les adolescentes en Afrique, le rapport présente de nouvelles analyses et un cadre conceptuel complet permettant de comprendre, de mesurer et d’améliorer l’autonomisation des adolescentes. Cette approche tient compte de la diversité des expériences et des besoins des adolescentes, en prenant en considération des facteurs tels que leur niveau d’éducation, leur situation matrimoniale et le fait qu’elles aient ou non des enfants. Le rapport conclut en proposant une feuille de route pour l’action politique visant à construire des parcours vers la prospérité pour les adolescentes.