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Lettre ouverte de 2023 aux Représentants permanents auprès des Nations unies à l’occasion du Débat ouvert annuel sur le programme « femmes, paix et sécurité »

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Chères Ambassadrices, Chers Ambassadeurs,

Nous nous adressons à vous à l’approche du Débat ouvert sur les femmes, la paix et la sécurité pour vous exhorter à mettre en œuvre les principes fondamentaux de la Résolution 1325 (2000) – assurer la participation pleine, égale et significative des femmes à la consolidation de la paix.

Depuis près de 25 ans, le Conseil de sécurité, les Nations unies et les États membres se sont engagés à soutenir la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes à la paix et à la sécurité. Pourtant, les droits des femmes font aujourd'hui l'objet d'attaques incessantes dans des contextes marqués par l'intensification des conflits, la montée de l'autoritarisme, la militarisation et les représailles. Le faible taux de participation des femmes aux processus de paix reste inacceptable et est en baisse même au sein des processus de paix soutenus par l’ONU. En même temps, la crédibilité de l'ONU et du Conseil de sécurité vis-à-vis de la protection et du respect de ces droits a été fondamentalement ébranlée par des divisions géopolitiques croissantes et l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Si nous ne prenons pas de mesures décisives et fondées sur des principes pour protéger les droits des femmes et garantir leur participation pleine, égale et significative à tous les niveaux de paix et de sécurité, nous risquons non seulement de renforcer les normes patriarcales, mais aussi de mettre en péril toute chance de paix durable.

C’est pour cela que nous vous appelons à exiger et à soutenir le leadership et la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes d’Afghanistan, du Burundi, du Cameroun, de la République centrafricaine, de Colombie, de la République démocratique du Congo, d’Ethiopie, d’Haïti, d’Irak, du Liban, de Libye, du Mali, du Myanmar, des territoires palestiniens occupés, de Somalie, du Soudan du sud, du Soudan, de Syrie, d’Ukraine, du Sahara occidental, du Yémen et de tout autre contexte de crise abordé au Conseil de sécurité, en accord avec les principes du programme « femmes, paix, sécurité », à la résolution de conflit et la construction de la paix dans leurs pays.

Nous profitons de cette occasion pour vous rappeler ces normes et vous inviter à les respecter :

« Pleine » : La pleine participation exige de soutenir politiquement et de financer pleinement l'inclusion de femmes dans toute leur diversité à tous les niveaux et à toutes les étapes des procédés de prise de décision, dans n’importe quel contexte, du début à la fin.2 Cela signifie que les femmes doivent participer à tous les aspects de la paix et de la sécurité, y compris la conception et la mise en œuvre de tous les processus de paix, l'élaboration et le suivi de tous les accords, les processus politiques, l'acheminement de l'aide humanitaire, l'élaboration de la constitution, le développement économique, la justice transitionnelle, la reconstruction post-conflit, les processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) et les processus de réforme du secteur de la sécurité (RSS). Le Conseil de sécurité doit exiger et garantir la participation pleine, égale et significative des femmes, conformément à la résolution 1325 (2000) et à toutes les autres résolutions liées au programme « femme, paix et sécurité », dans tous les conflits et les crises qu’il examine. En outre, il doit exiger que l'ONU adopte et mette en œuvre une approche cohérente et raisonnée envers les droits des femmes et la participation des femmes dans l'ensemble de son travail, sans exception.

« Égale » : Obtenir une représentation égale signifie adopter toutes les mesures possibles pour soutenir la participation des femmes - dans toute leur diversité - à tous les processus de paix et de sécurité, proportionnelle à 50 % de l’effectif. Bien que la participation des femmes doit être soutenue à tous les niveaux des procédés de prise de décision, nous exhortons le Conseil de sécurité, l’ONU et tous les États membres à soutenir publiquement et fermement, et de donner la priorité à la participation égale, directe et influente des femmes aux processus politiques et de paix officiels ou de haut-niveau (Track 1), là où elle fait le plus cruellement défaut. Cela doit inclure une représentation significative des femmes défenseures des droits humains, des artisans de la paix et des mouvements féministes. Les quotas de participation des femmes doivent être appliqués, non-transférables et défendus publiquement par tous les acteurs. D'autres mesures spécifiques et ciblées doivent être mises en œuvre pour démanteler les obstacles structurels et garantir que les femmes, dans toute leur diversité, puissent participer sur un pied d'égalité en tant qu'expertes et dirigeantes.

« Significative » : Une participation significative signifie l'inclusion directe, substantielle et formelle de femmes et de perspectives féministes diverses afin d'influencer la conception, les résultats, ainsi que la mise en œuvre des négociations, dans tous les domaines. Le non-respect du droit des femmes à la participation égale, même dans les situations de conflit, compromet la Charte de l’ONU, transgresse le droit international relatif aux droits humains et le droit international humanitaire et met en péril la paix durable.3 Un statut d'observateur superficiel, de dernière minute, informel, consultatif ou autre, sans la possibilité d'influencer directement les décisions et les résultats, n’est pas significative. Nous exhortons les États membres à exiger que la participation égale, directe et influente des femmes soit une condition requise au sein de tous les processus de paix ou réunions soutenus par l'ONU. Aucun État membre ni l'ONU ne devrait approuver, organiser ou soutenir des processus de paix dans lesquels les femmes ne sont pas représentées de manière significative. Cela enverrait un message sans équivoque aux parties au conflit, à savoir qu'un soutien international n'est pas envisageable dans l’absence du respect des droits des femmes. « En sécurité » : Afin de garantir la participation en toute sécurité, il faut appliquer une approche de tolérance zéro à l'égard de toute forme d'attaque, d'intimidation, de rétorsion ou de représailles à l'encontre de femmes pour leur participation politique, leur travail humanitaire et de défense des droits humains, leurs activités de consolidation de la paix ou leur coopération avec les mécanismes de l'ONU, y compris le Conseil de sécurité. Les États membres et les dirigeants de l’ONU doivent avant tout garantir un environnement sûr et favorable pour la société civile, dans lequel les femmes défenseures des droits humains, artisanes de la paix et dirigeantes de la société civile sont protégées, soutenues et où leur légitimité est reconnue, et éliminer toutes restrictions ou entraves à leur travail. En outre, les États membres et l’ONU doivent condamner rapidement et publiquement toute attaque contre les femmes défenseures des droits humains, artisanes de la paix et de la société civile, demander des comptes aux auteurs de ces attaques et, surtout, prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie des personnes menacées. L’ONU a un rôle essentiel à jouer à cet égard - nous vous exhortons à inciter le système de l’ONU à non seulement surveiller et rendre des comptes rigoureux sur les attaques et les violences à l'encontre des militantes, mais aussi à fournir un soutien systématique et renforcé pour prévenir et répondre à ces violences ; il en va de même pour toutes les opérations de maintien de la paix, conformément à leur mandat de protection des civils et de promotion des droits humains.4 Les risques et la protection ne doivent jamais être utilisés pour limiter la participation des femmes ou miner la sélection indépendante ou les opinions de la société civile, par ailleurs des ressources et un soutien politique explicite doivent être mobilisés pour permettre aux femmes de participer en toute sécurité.

Au sein de tout conflit et toute crise, le soutien inconditionnel de la communauté internationale envers les droits des femmes doit s’accompagner d’une revendication catégorique de la participation significative des femmes.

Les droits des femmes sont non négociables.

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