I. Introduction
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Près d’un quart de siècle après l’adoption par le Conseil de sécurité de sa résolution 1325 (2000), la participation pleine, égale et véritable des femmes à l’édification de la paix devrait être la norme, et non une aspiration ou une préoccupation secondaire. Les données montrent toutefois que cette situation est loin d’être une réalité. Les femmes continuent d’être régulièrement écartées des processus de paix par les parties aux négociations, et les atrocités commises à l’encontre des femmes et des filles restent bien souvent impunies. Elles continuent de se heurter à des obstacles tenaces qui les empêchent de participer directement aux processus politiques et aux processus de paix, et les organisations de femmes peinent à trouver des ressources alors que les dépenses militaires continuent d’augmenter chaque année. Cette situation perdure même s’il est largement prouvé que la participation des femmes contribue à l’instauration de démocraties plus solides et d’une paix plus durable1.
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Une part croissante de la population mondiale vit sous un régime autocratique, après de nombreuses années de recul démocratique. La misogynie est l’un des dénominateurs communs de la montée de l’autoritarisme et de la propagation des conflits et de l’extrémisme violent. Le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire a augmenté de 25 % au cours de l’année écoulée, et la planète traverse la plus grande crise alimentaire mondiale de l’histoire moderne. Cette augmentation est due en grande partie à l’existence de près de 200 conflits armés et situations de violence organisée2, ainsi qu’à la crise climatique et aux répercussions de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). Dans ce contexte difficile, le nombre de femmes et de filles vivant dans des pays touchés par un conflit3 a atteint 614 millions en 2022, soit 50 % de plus qu’en 20174. Au début de 2022, le nombre de personnes contraintes de fuir la guerre, la violence et les persécutions a dépassé le seuil des 100 millions, et selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 117,2 millions de personnes seront déplacées de force ou apatrides d’ici à la fin de 2023.
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Non seulement ces tendances négatives font régresser les droits des femmes, mais elles font également reculer tous les progrès accomplis en matière d’égalité des genres et de paix dans le monde. Lorsque les combats ont éclaté au Soudan en avril 2023, la violence sexuelle généralisée a été utilisée pour terroriser les femmes et les jeunes filles au Darfour et dans d’autres régions du pays5, à l’image de ce qui s’était passé au Darfour il y a 20 ans. En Afghanistan, les Taliban ont édicté plus de 50 décrets6 visant à réprimer les droits des femmes et des jeunes filles, renouant ainsi avec l’oppression exercée dans les années 1990.
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Les objectifs relatifs aux femmes et à la paix et à la sécurité que le Secrétaire général a proposés pour la décennie précédant 2030 offrent une voie différente vers la consolidation et la pérennisation de la paix. La communauté internationale peut concourir de bien des façons à la concrétisation de cette vision : de la multiplication des politiques étrangères féministes et des efforts collectifs déployés dans le cadre de la campagne Génération Égalité, aux engagements explicites en matière d’égalité des genres énoncés dans Notre Programme commun (A/75/982) et dans la note d’orientation relative au Nouvel Agenda pour la paix (A/77/CRP.1/Add.8), en passant par les préparatifs du Sommet de l’avenir qui se tiendra en 2024 et du vingt-cinquième anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité en 2025. Si les gouvernements et les organisations internationales suivent l’exemple du mouvement mondial en faveur des droits des femmes, sans se laisser troubler ni décourager par les réactions négatives ou les revers, nous pouvons continuer d’espérer que le monde opère un changement de cap radical.
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Le présent rapport a été établi en application de la déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 26 octobre 2010 (S/PRST/2010/22), dans laquelle le Conseil a demandé que lui soit présenté un rapport annuel sur l’application de la résolution 1325 (2000), ainsi qu’en application de la résolution 2122 (2013), dans laquelle le Conseil a demandé que lui soit présenté un bilan des progrès accomplis par rapport à toutes les priorités concernant les femmes et la paix et la sécurité, mettant en évidence les défauts et difficultés de mise en œuvre, et de la résolution 2493 (2019), dans laquelle le Conseil a appelé à des mesures renforcées pour mettre en œuvre le programme dans son intégralité. Il s’inscrit dans le prolongement des directives du Secrétaire général à l’intention de l’Organisation des Nations Unies et des cinq objectifs pour la décennie énoncés dans les rapports sur les femmes et la paix et la sécurité de 2019 et 2020, notamment celui de parvenir à un changement radical et à des résultats concrets en ce qui concerne la participation véritable des femmes au rétablissement, au maintien et à la consolidation de la paix. Il s’appuie sur des données et des analyses fournies par des entités des Nations Unies, notamment les opérations de paix et les équipes de pays, sur les contributions des États Membres, des organisations régionales et de la société civile, ainsi que sur les analyses d’autres sources de données mondialement reconnues.