Principales conclusions
Au Sahel et dans les pays voisins, la forte prévalence des maladies infectieuses, notamment du paludisme, associée aux difficultés en termes de disponibilité, d'accessibilité financière et d'accès aux soins de santé, crée un environnement dans lequel la demande en produits et services médicaux n'est pas entièrement satisfaite par les canaux officiels.
L’écart entre la demande et l’offre de produits médicaux réglementés favorise l’émergence d’un trafic, encourage les groupes criminels organisés à s'impliquer dans ce trafic et accentue les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité et la santé publique dans les pays du Sahel.
Entre janvier 2017 et décembre 2021, au moins 605 tonnes de produits médicaux ont été saisies en Afrique de l'Ouest, dans le cadre d'opérations internationales.
Bien qu'il n'existe pas d'estimations fiables des quantités globales de produits médicaux qui font l'objet de différentes formes de trafic dans les pays du Sahel, différentes études indiquent qu’entre 19 et 50 % des produits médicaux présents sur le marché sont des médicaments de qualité inférieure ou falsifiés.
Quelques 40 % des produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés signalés dans les pays du Sahel entre 2013 et 2021 ont été retrouvés dans la chaîne d'approvisionnement réglementée. Tout comme les produits médicaux réglementés peuvent être détournés, des produits médicaux fabriqués illégalement peuvent se retrouver dans des points de vente autorisés, ce qui montre à quel point la chaîne d'approvisionnement réglementée (légale) et non réglementée (illégale) sont interconnectées.
Les pays du Sahel dépendent fortement des importations de produits médicaux car leurs industries pharmaceutiques en sont encore aux premiers stades de leur développement. En 2019, les importations représentaient entre 70 et 90 % du total des dépenses pharmaceutiques en Afrique subsaharienne (soit environ 14 milliards de dollars américains ($)).
Les produits médicaux détournés de la chaîne d'approvisionnement légale proviennent souvent des principaux pays qui exportent des produits médicaux vers les pays du Sahel, en particulier de Belgique et de France, et dans une moindre mesure de Chine et d’Inde. D'autres produits médicaux sont fabriqués dans les pays voisins, notamment en Afrique du Nord et dans certains pays du Golfe de Guinée.
Les ports maritimes du Golfe de Guinée, Conakry (Guinée), Tema (Ghana), Lomé (Togo), Cotonou (Bénin) et Apapa (Nigeria) ont été identifiés comme étant les principaux points d'entrée des produits médicaux destinés aux pays du Sahel. Le trafic par voie aérienne, par le biais de colis postaux ou effectué par des passagers empruntant des vols commerciaux, est moins important et ne permet que le trafic de petites quantités de produits médicaux. Une fois en Afrique de l'Ouest, les produits médicaux trafiqués sont acheminés vers les pays du Sahel par des contrebandiers qui suivent les routes de trafic traditionnelles et transportent les produits par bus, par camion ou encore par voitures privées.
Différentes enquêtes ont révélé l'implication d'un large éventail d'acteurs opportunistes dans le trafic de produits médicaux dans les pays du Sahel, qu'il s'agisse d'employés d'entreprises pharmaceutiques, de fonctionnaires, d'agents des forces de l’ordre, de travailleurs d'agences sanitaires ou de vendeurs de rue, tous motivés par des gains financiers potentiels.
Alors que les groupes terroristes et les groupes armés non étatiques sont communément associés au trafic de produits médicaux dans le Sahel, la plupart des cas rapportés dans la région démontrent que leur implication reste limitée et repose principalement sur la consommation de produits médicaux ou le prélèvement de « taxes » dans les zones qu'ils contrôlent.
En Afrique subsaharienne, jusqu'à 267 000 décès par an sont liés à l’utilisation de médicaments antipaludiques falsifiés ou de qualité inférieure. En outre, jusqu'à 169 271 décès sont liés à l’utilisation d’antibiotiques falsifiés ou de qualité inférieure pour le traitement de patients pédiatriques atteints de pneumonies sévères.