La Commission paneuropéenne de la santé et du développement durable formule des recommandations à l’adresse des 53 pays de la Région européenne de l’OMS
- Adopter une politique fondée sur l’approche « Un monde, une santé » qui reconnaît l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale.
- S’attaquer aux profondes inégalités sanitaires, sociales, économiques et entre les sexes mises en évidence par la pandémie.
- Investir dans l’innovation, la collecte et le partage des données, ainsi que dans des systèmes de santé nationaux solides.
- Améliorer la gouvernance régionale et mondiale de la santé, en tirant les enseignements de la pandémie de COVID-19.
Appel à l'action à tous les niveaux de la société
Malgré les avertissements répétés de la communauté scientifique face à l’émergence d’une pandémie mondiale, le monde n’était pas préparé lorsque le SARS-CoV-2 a fait son apparition fin 2019.
En raison des mesures politiques divergentes et erronées mises en place, les effets de la COVID-19 ont été et continuent d’être catastrophiques, avec plus de 1,2 million de décès dans la seule Région européenne de l’OMS (plus de 4 millions dans le monde), et un ralentissement économique sans précédent qui éclipse la crise financière mondiale de 2008. Il est essentiel que nous tirions les leçons de nos erreurs, car nous ne pouvons pas nous permettre de les reproduire.
Comme l’a expliqué le docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe :
« Nous ne pouvons pas permettre qu’une autre pandémie mette le monde à genoux, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter qu’une catastrophe de même ampleur ne se reproduise. C’est pourquoi j’ai mis sur pied la Commission paneuropéenne de la santé et du développement durable, dirigée par l’ex-Premier ministre italien, le professeur Mario Monti, et composée d’experts de la Région européenne, afin d’engager une réflexion sur ce qui a fonctionné et, le plus souvent, ce qui n’a pas fonctionné dans la riposte que nous menons face à la pandémie de COVID-19. »
« Nous appelons à l’action à tous les niveaux de la société afin de résorber les fractures sociales, de sauvegarder la santé planétaire, d’innover et d’investir dans les systèmes de santé, et d’améliorer la gouvernance européenne et mondiale. Notre principal défi n’est pas l’élaboration de stratégies pour réussir – nous savons en effet ce que nous devons faire – mais notre incapacité collective à les mettre en œuvre efficacement. En outre, la réticence des gouvernements à partager les pouvoirs de décision ou à convenir d’accords de gouvernance commune dans l’intérêt de tous constitue un obstacle de taille. Il est temps de tirer des leçons importantes afin de ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs. »
Comme l’a expliqué le professeur Mario Monti, président de la Commission paneuropéenne de la santé et du développement durable :
« La Commission paneuropéenne de la santé et du développement durable invite les gouvernements nationaux, les organisations régionales et mondiales et les acteurs des systèmes de santé et de services sociaux à entreprendre des réformes profondes, à mettre en œuvre des programmes d’investissement et à améliorer la gouvernance, à la lumière de la pandémie. »
« Outre le renforcement de la prévention, de la préparation et de la riposte face aux pandémies, nos recommandations portent sur une nouvelle stratégie de la santé et du développement durable. Il importe de prendre conscience de l’interdépendance entre santé humaine, animale et végétale et de leur impact sur les zoonoses émergentes ; des liens existant entre le changement climatique, la biodiversité et la santé humaine ; et de la nécessité de redynamiser et de développer nos services de santé nationaux. »
« Enfin, et surtout, il est essentiel de renforcer la position des politiques de santé dans le cadre global de l’élaboration des politiques par les gouvernements et les organisations internationales en instituant un Conseil mondial de la santé et des finances au sein du G20, reconnaissant que la santé est un bien public mondial. Les nouvelles générations méritent un monde meilleur – un monde où le progrès ne se fait pas au détriment de leur santé et de la santé de la planète. »
Le premier réflexe pour de nombreux pays face à la pandémie fut de fermer les frontières géographiques et économiques, de mener une riposte nationale isolée, et de ne pas prendre en compte les considérations transnationales. Or, la pandémie de COVID-19 nous a montré que les solutions nationales ne suffisent pas lorsqu’il s’agit de la propagation de maladies transmissibles à l’ère de la mondialisation et dans un environnement hyperconnecté. Seule une action internationale conjointe peut permettre de répondre efficacement à de telles crises.
Un monde, une santé
Le concept « Un monde, une santé » reconnaît l’interconnexion entre les personnes, les animaux, les plantes et leur environnement commun. Lorsqu’un maillon de cette chaîne est en danger, les autres le sont aussi. On estime que les activités humaines telles que la déforestation, le commerce et la consommation d’animaux sauvages, ainsi que les voyages internationaux ont conduit à l’émergence du SARS-CoV-2 et facilité sa propagation à l’échelle mondiale. Nous, et les générations qui nous suivent, sommes désormais confrontés à un avenir précaire si nous ne prenons pas tous des mesures urgentes pour rectifier le tir.
- La Commission recommande aux pays de mettre en place des stratégies intergouvernementales adoptant l’approche « Un monde, une santé », fondées sur le concept de la « santé dans toutes les politiques », afin de protéger les générations futures des menaces pour leur l’existence.
Les inégalités
Pendant des années, les politiques ont contribué à des niveaux élevés d’inégalité des richesses et des revenus, au sous-investissement dans la protection sociale, à l’inégalité des chances, à l’insécurité de l’emploi, aux logements précaires, au racisme et à d’autres formes de discrimination. Nous devons combler les écarts en matière d’égalité dès maintenant afin de contrer la baisse de confiance dans les organismes publics, et de réduire la polarisation de la société.
- La Commission recommande aux pays d’identifier et de cibler les personnes qui mènent une vie précaire ou appauvrie, et de lever la méfiance de la société en vue d’améliorer la cohésion sociale, notamment en fixant des quotas de représentation féminine dans les organismes publics chargés d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques de santé.
- La Commission recommande aux pays de collecter des données sur les différents niveaux de santé au sein des populations, et d’instaurer des systèmes permettant de surveiller les inégalités de santé ainsi que l’accès aux soins de santé et aux services sociaux.
L’innovation
La pandémie a clairement démontré que le modèle actuel d’innovation dans le domaine de la santé – où la plupart des risques sont supportés par le secteur public et où la plupart des bénéfices vont aux entreprises privées – est imparfait et inadapté. L’ampleur de la pandémie a permis de dégager d’énormes ressources pour la recherche-développement de vaccins. Or, ce n’est pas le cas pour les produits dont le marché est restreint, comme les médicaments destinés à traiter des maladies rares.
- La Commission recommande aux gouvernements d’exploiter l’innovation pour améliorer l’approche « Un monde, une santé » sur la base d’un partenariat entre les secteurs public et privé, où les risques et les bénéfices sont partagés.
L’investissement
La pandémie a constitué un choc sans précédent pour les systèmes de santé nationaux. On a manqué de presque tout : de lits, de personnel de santé, d’équipements de protection, et même d’oxygène. En même temps, en dehors du cadre hospitalier, les personnes fragiles et âgées séjournant dans les établissements de soins de longue durée n’étaient pas suffisamment protégées, ce qui a provoqué de nombreux décès évitables. Dans de nombreux pays, les activités de routine telles que les soins primaires et les services de santé mentale ont effectivement cessé. La suspension de certaines activités, comme le dépistage du cancer, risque d’avoir un impact profond dans les années à venir.
- La Commission appelle les pays à combler les lacunes de financement existant de longue date en matière de soins de santé primaires, de soins de santé mentale et de services sociaux, tout en investissant dans le personnel de santé et en le protégeant.
- La Commission invite les gouvernements à accorder une priorité proactive à la prévention des maladies transmissibles et non transmissibles, plutôt que de réagir aux problèmes de santé au fur et à mesure qu’ils se présentent.
La surveillance et le suivi
La responsabilité de la prévention et de la gestion des pandémies ne peut incomber aux marchés privés, ni aux seuls pays. Les pays incapables de maîtriser le virus deviennent une source de nouvelles infections et de nouveaux variants. Si la surveillance et la collecte de données sont donc essentielles pour endiguer la pandémie, elles nécessitent un effort mondial fondé sur la confiance et le partage des informations. La collecte de données sur les dépenses de santé peut également éclairer la prise de décisions fondées sur des données probantes et encourager l’innovation.
- La Commission invite les pays à investir dans des mesures visant à réduire les menaces pour la santé, à mettre en place des systèmes d’alerte précoce et à renforcer la surveillance et la collecte de données tout en préservant la vie privée des personnes.
La gouvernance mondiale
La pandémie de COVID-19 a montré comment certaines structures de gouvernance n’ont pas réussi à protéger nos sociétés des pires effets de la pandémie, certains pays ayant pris des mesures fondées sur la politique plutôt que sur la science. À l’heure actuelle, il n’existe pas de système de taxation mondial, ni de moyen de sanctionner les pays qui ne contribuent pas à la santé publique mondiale. Pour protéger les générations futures et se préparer à affronter la prochaine pandémie, nous devons améliorer la gouvernance mondiale de la santé.
- La Commission appelle à la création d’un Conseil mondial de la santé sous les auspices du G20, ainsi qu’à l’élaboration d’un Traité mondial sur les pandémies et d’une Politique mondiale de vaccins antipandémiques.
La gouvernance régionale
La Région européenne de l’OMS s’étend de la bordure occidentale du continent dans l’océan Atlantique (Groenland) à l’extrême orient de la Fédération de Russie dans l’océan Pacifique. Il s’agit d’une région extrêmement diverse et variée en termes de richesse, de taille de la population, de démographie, d’accès aux soins de santé, de niveaux d’éducation et d’interconnexion (numérique), et cela pose plusieurs problèmes de coordination et de politique.
- La Commission préconise la création d’un Réseau paneuropéen de lutte contre les maladies et d’un Conseil des menaces sanitaires paneuropéennes, tout en investissant dans des plateformes de partage et d’interopérabilité des données dans la Région.
Prochaines étapes
Un véritable travail est nécessaire pour appliquer concrètement les durs enseignements tirés dans la Région au cours de ces 20 derniers mois. Il est essentiel que les gouvernements s’engagent de manière concertée à changer, et à changer ensemble, pour que la Région et le monde deviennent réellement résilients, et s’attaquent aux inégalités et aux échecs qui font perdurer la crise.
Relations avec la presse :
Bhanu Bhatnagar
Chargé des relations avec la presse et les médias
Bureau régional de l’OMS pour l’Europe
Courriel : bbhatnagar@who.int
eupress@who.int