LONDRES, 25 mars 2013 (IRIN) - Le nombre d'enlèvements de travailleurs humanitaires a augmenté au cours de ces dix dernières années. De sept en 2003, il est passé à 95 en 2011, un record selon Humanitarian Outcomes, qui tient une base de données de ces incidents.
« Ces chiffres montrent clairement que l'enlèvement est une menace importante et croissante. En 2011, le nombre d'enlèvements a dépassé celui des fusillades - sur la route ou autres - comme la principale forme d'attaque à l'encontre des travailleurs humanitaires », a dit à IRIN Abby Stoddard, qui travaille à l'élaboration de la base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires.
Comment réagir ?
Plusieurs organisations d'aide humanitaire ont commencé à former leur personnel sur la manière de faire face aux enlèvements et ont élaboré des politiques de réponse en cas de demande de rançon.
« Toute personne s'approchant d'une zone difficile ou dangereuse doit suivre une semaine de formation intensive », a dit un porte-parole de Save the Children à IRIN. « Les enlèvements de travailleurs humanitaires sont une réalité et il serait illusoire de penser que nous pourrions être épargnés. »
Deux employés de Save the Children ont été enlevés dans le centre de la Somalie en 2010. « Nous avons négocié par l'intermédiaire des ainés locaux. Nous avons réussi à les faire libérer sains et saufs et nous sommes extrêmement reconnaissants envers toutes les personnes qui ont participé à leur libération », a dit le porte-parole. « Save the Children ne verse pas de rançons », a-t-il ajouté. « Nous sommes intraitables sur ce point. Nous sommes convaincus qu'ils s'en prendraient davantage à nous si nous payions des rançons. »
Oxfam partage ce point de vue. « Nous ne versons jamais de rançons », a dit Heather Hughes, conseillère en sécurité de la branche britannique d'Oxfam. « Cela dit, pour être honnête, Oxfam n'a jamais réellement été mis à l'épreuve. Plusieurs de nos employés se sont fait enlever, mais nous avons toujours pu compter sur nos contacts sur le terrain pour les faire libérer. »
Pourtant, les négociations d'otages sont compliquées, rappelle Mme Stoddard. « La grande majorité de ces enlèvements se sont terminés par une libération négociée des victimes, mais il est impossible de savoir dans combien de cas une rançon a été versée, car, pour des raisons évidentes, les organisations n'admettent pas publiquement qu'elles en payent ou qu'elles font appel à des intermédiaires qui négocient avec les ravisseurs. »
Mme Hughes, d'Oxfam, reconnaît que tout n'est pas noir ou blanc. « Il existe de nombreuses façons d'échanger de l'argent », a-t-elle dit à IRIN. « Ce n'est pas toujours l'organisation humanitaire qui paye. Parfois, c'est le gouvernement de la victime et les gouvernements ont tous des lignes de conduite différentes. Les grandes organisations peuvent avoir des employés de différents pays. Notre organisation est britannique, mais le dernier de nos employés à avoir été enlevé était suisse. »
Enjeux juridiques
Le paiement de rançons à certains mouvements terroristes est interdit en vertu du droit international. Pourtant, des pays comme la France, l'Allemagne et l'Espagne auraient versé des dizaines de millions de dollars au cours des dix dernières années pour la libération de leurs ressortissants pris en otage par des groupes liés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Ces pays ont généralement contourné la loi en passant par des intermédiaires et s'opposent ainsi au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui refusent de payer des rançons, même indirectement.
« Le versement de telles rançons est la preuve de leur irresponsabilité », a dit Peter Pham, directeur du groupe de recherche américain Ansari Africa Center. « On ne peut même pas prétendre ignorer où va l'argent : il sert à acheter des hommes et des armes pour combattre dans de violents conflits. »
Or, si le gouvernement britannique a adopté une position publique ferme contre le paiement de rançons, la Chambre des communes a révélé une politique bien plus nuancée lors d'une récente réunion sur le sujet. Le texte - « nous ne payons pas de rançons ni ne faisons aucune autre concession majeure aux ravisseurs » - laisse une petite marge de manouvre grâce à l'utilisation du mot « majeure ». Les hauts fonctionnaires se disent par ailleurs prêts à négocier et parler avec quiconque pourrait être d'une certaine aide.
Les personnes qui pourraient un jour avoir à négocier la libération d'un otage craignent qu'une politique trop stricte en matière de rançon criminalise le choix de payer. Ce n'est pourtant pas nécessairement le cas. Même si le gouvernement britannique ne verse pas de rançons, il n'essaye pas d'empêcher ses citoyens de le faire lorsque les ravisseurs ne sont pas des terroristes mais de simples criminels.
Il est courant que des compagnies de transport maritime versent des rançons pour récupérer leurs navires interceptés par des pirates somaliens. Le tarif habituel pour un grand navire marchand tournerait autour de cinq millions de dollars. Pour ces entreprises et pour les compagnies pétrolières du delta du Niger, les rançons sont le prix à payer pour pouvoir mener leurs activités. Certains employés nigérians ont été enlevés puis libérés plusieurs fois.
Ces entreprises tendent à payer rapidement, plutôt que d'entrer dans de longues et délicates négociations pour réduire le montant de la rançon. Mais ce que payent ces compagnies finit par être le prix attendu par les ravisseurs, quelle que soit l'organisation pour laquelle travaille leur victime.
Il existe des sociétés de sécurité qui offrent, moyennant rétribution, leurs conseils et leur aide dans les négociations de rançon. Si leur activité consiste à réduire au maximum le montant demandé par les ravisseurs, ces négociateurs professionnels s'opposent cependant à toute législation criminalisant le paiement de rançons. Ils rappellent que plusieurs tentatives réalisées en ce sens par le passé se sont soldées par un échec, principalement parce que les familles de victimes trouvaient toujours une façon de payer, même sous la menace de poursuites.
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