Coalition pour les enfants et contre les crimes contre l'humanité
I. Introduction : Les enfants et les crimes contre l’humanité
Un nouveau traité sur les crimes contre l'humanité devrait s'attaquer plus efficacement aux crimes contre les enfants. Ce document propose des pistes pour que la future convention intègre davantage des mesures globales de prévention, de protection, de justice et de réparation pour les enfants victimes de crimes contre l’humanité.
Près d’un tiers de la population mondiale a moins de 18 ans. Environ un enfant sur six vit dans des situations de conflit armé, et parmi eux, quelque 149 millions vivent dans des zones de conflit de « haute intensité ». Les enfants sont également affectés par d’autres formes de violence organisée à grande échelle, notamment de la part d’acteurs armés non étatiques opérant dans des situations non conflictuelles.
Les enfants font partie des victimes de tous les actes actuellement considérés comme des crimes contre l'humanité : ils sont assassinés, exterminés, réduits en esclavage, déportés ou transférés de force, emprisonnés, torturés, violés, réduits en esclavage sexuel, prostitués de force, fécondés de force, stérilisés de force et soumis à d'autres formes de violence sexuelle et reproductive, persécutés, disparus de force, soumis à l'apartheid ainsi qu’à d'autres actes inhumains. Les enfants peuvent être victimes d’autres actes de même gravité, notamment le mariage forcé, la traite des esclaves, ainsi que le recrutement et l’utilisation. Les enfants peuvent être spécifiquement ciblés par ces crimes en raison de leur âge et pour des motifs multiples et croisés tels que la race, l'origine ethnique, la nationalité, les opinions politiques, la culture, le statut socio-économique, la religion, le genre (notamment l'identité de genre et l'orientation sexuelle), la caste, le statut d'autochtone, le handicap ou l'association présumée avec une force ou un groupe armé.
Étant donné le développement rapide des enfants, les crimes contre l'humanité peuvent nuire à leur développement physique et psychosocial et affecter leur santé mentale plus gravement que les adultes, tout en causant des préjudices économiques et sociaux à vie. Les enfants peuvent souffrir d’avoir été témoins de crimes contre leurs parents ou tuteurs, et du fait d’être nés d’un viol. Les enfants soumis à la déportation ou au transfert forcé peuvent subir des préjudices uniques dus à la séparation de leur famille et au déni du droit à l’éducation et à l’identité. Les dommages causés par ces crimes peuvent affecter des générations successives au-delà de celles qui subissent directement les atrocités.
En vertu du droit international, les enfants sont titulaires de droits indépendants et jouissent en outre d’un ensemble distinct de droits liés à leur âge. Ils ont le droit d'être entendus dans les procédures judiciaires qui les concernent et ont droit à une protection ainsi qu’à des soins particuliers nécessaires à leur sécurité et à leur bien-être, ainsi qu'à des mesures favorisant leur rétablissement physique et psychologique ainsi que leur réinsertion sociale, leur intérêt supérieur étant une considération primordiale.
Historiquement, les mécanismes judiciaires ont adopté une approche centrée sur les adultes en matière d’enquêtes et de poursuites concernant les crimes internationaux. Les enquêtes et la documentation internationales ont souvent ignoré l'étendue du vécu des enfants victimes d'atrocités de masse, l'évolution de leurs capacités et les différentes formes de victimisation auxquelles ils sont soumis. Les initiatives de réparation excluent souvent les enfants, et lorsque des programmes existent, leurs droits et leurs besoins sont presque entièrement ignorés.
Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), qui constitue la base des définitions des crimes contre l'humanité dans l'actuel Projet d'articles sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité (le « projet d'articles »), contient un certain nombre de dispositions visant à garantir une attention particulière aux crimes touchant les enfants. Cependant, dans la pratique, la Cour a trop rarement impliqué les enfants en tant que victimes et témoins. Même lorsqu'elle a poursuivi des affaires concernant des enfants, elle n'a pas veillé à ce que les crimes commis contre eux ou les affectant soient suffisamment visibles. Comme l'a souligné le Procureur de la CPI : « Historiquement, [les enfants] sont restés largement invisibles aux yeux de la justice pénale internationale. La Cour pénale internationale n’est pas en reste en la matière. »
Depuis la rédaction du Statut de Rome, nous avons beaucoup appris sur la manière dont les enfants sont ciblés et particulièrement touchés en raison de leur âge. Nous avons également approfondi nos connaissances sur la façon de rendre les procédures judiciaires accessibles et sûres pour les enfants, notamment grâce au Document de politique générale relatif aux enfants de la CPI de 2023.
La future convention offrira une occasion cruciale de mieux rendre justice aux enfants victimes de crimes contre l'humanité en 1) prenant mieux en compte l'ampleur et les conséquences des crimes commis contre eux ; et 2) en garantissant que les mécanismes de justice et de réparation soient accessibles ainsi que spécifiquement conçus pour les enfants, et qu'ils protègent leurs droits ainsi que leur intérêt supérieur. Les propositions du présent document sont conformes aux principes généraux reconnus dans la Convention relative aux droits de l'enfant et à la Note d'orientation du Secrétaire général de l'ONU récemment adoptée sur l'intégration des droits de l'enfant.
En complément des recommandations formulées dans ce document, les États devraient rechercher une participation significative des enfants victimes et témoins, en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.
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