Alors que le Forum économique mondial se tient cette semaine à Davos, Zeinaba Narabene, Présidente du Réseau des jeunes sahéliens pour le climat et co-Présidente du groupe des Jeunes du Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme, appelle la communauté internationale à intensifier son effort face au paludisme, en particulier en Afrique, où surviennent 95% des décès liés à la maladie.
Après l’échec de la COP29 en novembre dernier, l’annonce en début de semaine du retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat est une autre mauvaise nouvelle pour la planète. Alors que la communauté internationale se réunit en ce moment à Davos, nous crions de nouveau haut et fort notre message : le dérèglement climatique fait peser sur nous tous de graves risques sanitaires, et il est urgent d’agir ! Car le changement climatique n’est pas seulement une crise environnementale, c’est aussi un puissant amplificateur de nombreuses maladies infectieuses, notamment le paludisme, qui affecte chaque jour des centaines de milliers de vies, y compris chez moi, au Mali, et dans tout le Sahel.
Le dernier Rapport de l’OMS sur l’état du paludisme dans le monde indique que la hausse des températures et l'évolution des conditions météorologiques ont un impact sur la santé, la sécurité et les moyens de subsistance des populations du monde entier. Les populations vulnérables d'Afrique sont particulièrement touchées par les effets les plus graves du changement climatique, et nombre de ces communautés courent également un risque élevé de contracter le paludisme.
Le climat humide, allié des moustiques
Plus directement, les conditions météorologiques de plus en plus extrêmes – humidité, chaleurs prolongées, précipitations erratiques – contribuent à créer un environnement idéal pour la prolifération des moustiques, principaux vecteurs de cette maladie. Les inondations de 2022 au Pakistan ne sont qu'un exemple des effets dévastateurs d'un événement météorologique extrême sur la transmission et le fardeau du paludisme. Après la décrue, les mares d'eau stagnante ont créé des terrains de reproduction idéaux pour les moustiques, ce qui a entraîné une multiplication par huit des cas de paludisme entre 2021 et 2023, passant de 506 000 à 4,3 millions. Quant à nous, au Mali, nous avons fait face cette année à des catastrophes naturelles sans précédent : des records de chaleur, les plus élevés en Afrique, accompagnés d’inondations meurtrières ayant causé des pertes humaines et des milliers de sinistrés. À la suite de ces événements, nous vivons une double crise sanitaire avec une résurgence alarmante du paludisme et une épidémie de dengue.
Malnutrition et vulnérabilité accrue
Outre les impacts directs, le changement climatique aggrave également la malnutrition en compromettant les récoltes, ce qui affaiblit les organismes et les rend plus vulnérables aux infections. Au Mali, les populations les plus touchées par ces crises sont souvent celles qui ont le moins accès aux soins de santé et aux produits essentiels pour combattre ces maladies. Le changement climatique est aussi à l’origine de déplacements forcés de populations, ce qui peut augmenter les cas de paludisme lorsque des personnes non immunisées s'installent dans des zones où la maladie est endémique.
Ces situations, qu’elles soient directement ou indirectement liées au changement climatique, montrent à quel point la crise du climat peut amplifier les menaces sanitaires, transformant une lutte que nous pensions maîtrisée en un défi croissant. Une publication récente du Boston Consulting Group suggère que le changement climatique pourrait provoquer 550 000 décès supplémentaires dus au paludisme entre 2030 et 2049, principalement en raison d'événements météorologiques extrêmes.
Des solutions innovantes nécessitant des financements accrus
Malgré tout, il y a quelques bonnes nouvelles : l’Égypte et le Cap-Vert ont été récemment certifiés exempts de paludisme par l’OMS, et les toutes dernières innovations offrent de l’espoir : moustiquaires de nouvelle génération, nouveaux vaccins antipaludiques, solutions basées sur l’intelligence artificielle... Cependant, leur déploiement stratégique dans les zones les plus touchées nécessite des ressources importantes.
Dans cet effort, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui investit 70 % de ses ressources au profit des pays les plus vulnérables au climat et qui vient tout juste de lancer à Davos un Fonds catalytique pour le climat et la santé doté de 50 millions de dollars, joue un rôle essentiel. Depuis plus de deux décennies, ses investissements ont permis de sauver des millions de vies et d’améliorer les conditions de santé, particulièrement dans les pays les plus exposés aux effets du changement climatique.
Mon appel à l’action : bâtir ensemble un avenir résilient
En tant que jeune leader climatique malienne, Présidente du Réseau des jeunes sahéliens pour le climat et co-Présidente du groupe des Jeunes du Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme, je plaide pour une prise de conscience collective : le changement climatique amplifie silencieusement des menaces que nous pensions contenues. Il est urgent de réduire notre empreinte carbone et de construire des systèmes de santé résilients, capables de s’adapter à ces nouvelles réalités climatiques. Il est impératif de promouvoir les solutions innovantes et d’accélérer leur déploiement.
Cette lutte ne peut être gagnée qu’à travers une action coordonnée et durable. Le temps presse, mais ensemble, nous avons les outils pour bâtir un avenir où santé et climat ne seront plus en opposition, mais en harmonie. Nous n’avons pas d’autres choix : nous devons relever le défi.