À:
Missions permanentes des États Membres auprès de l’Office des Nations Unies à Genève
M. Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, OCHA Secrétariat du Comité permanent inter-organisations (IASC)
Groupe mondial de la coordination entre clusters
L’éducation, une priorité dès le premier jour d’une crise
Dans le contexte actuel de réduction des budgets humanitaires et de multiplication des crises, la communauté humanitaire doit rester concentrée sur les actions les plus efficaces, à fort impact et répondant aux besoins les plus importants, en ne laissant personne de côté.
L’ampleur du problème
Environ 224 millions d’enfants touché·e·s par des crises ont besoin d’une éducation de qualité.1 Cela inclut 72 millions d’enfants qui ne sont pas scolarisé·e·s. Malheureusement, l’éducation est souvent l’un des premiers services à être interrompu par les situations d’urgence, et l’un des derniers à reprendre. L’éducation dans les situations d’urgence manque cruellement de fonds. En moyenne, le secteur de l’éducation reçoit moins de trois pour cent de l’aide humanitaire. Face aux attaques contre des bâtiments scolaires et leur utilisation à des fins militaires, aux déplacements et à l’impact des crises climatique, alimentaire et nutritionnelle, nous devons agir pour garantir que l’apprentissage et le bien-être soient soutenus dès le premier jour d’une crise.
Redevabilité envers les personnes affectées: Les réponses d’urgence doivent répondre aux besoins des personnes affectées par les crises
Les leçons tirées des opérations humanitaires ont montré que les personnes affectées définissent souvent leurs besoins de manière holistique et donnent la priorité aux services qui leur permettent de faire face pendant et après une crise. Les communautés affectées demandent instamment que l’éducation soit considérée comme une priorité.6
Répondre de manière efficace aux besoins des populations affectées implique de définir les bonnes priorités. Cela signifie de se montrer flexible face à des demandes touchant différents secteurs et d’être prêt à apporter les services essentiels sollicités – y compris l’éducation – dès le premier jour d’une réponse d’urgence.
Dans les situations d’urgence, les enfants accordent autant d’importance à l’éducation qu’à la nourriture, à la santé, à l’eau ou à l’argent
Les enquêtes menées dans des contextes parmi les plus difficiles au monde révèlent que l’éducation constitue
la première priorité des enfants vivant dans ces lieux. Sur 1’215 enfants entendus dans six pays, près d’un sur trois (29%) a indiqué que l’éducation était sa première priorité. C’est deux fois plus que le nombre d’enfants ayant identifié la nourriture (12%), la santé (12%) ou l’eau et l’assainissement (12%) comme leur principale préoccupation. C’est trois fois plus que le nombre d’enfants qui ont indiqué avoir besoin d’un abri (9%) ou d’argent (9%).
Comme cela ressort clairement de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, les enfants ont le droit d’être entendu·e·s et pris·e·s au sérieux. Lorsque les enfants font valoir que l’éducation est une priorité, il est du devoir des travailleurs humanitaires, des donateurs internationaux et des dirigeants mondiaux de les écouter.
Pourquoi l’éducation est-elle aussi importante que la nourriture, la santé, l’eau et les abris dans une réponse d’urgence?
L’éducation est essentielle pour protéger les enfants et les jeunes pendant et après une crise. L’éducation sauve des vies et apporte un soutien énorme au quotidien. Elle est clé pour réduire les risques, en particulier pour les enfants et les jeunes les plus vulnérables, donnant accès à un soutien psychosocial et en matière de santé mentale visant à aider les enfants et les jeunes à faire face aux crises et à s’en remettre. Chaque jour où les écoles sont fermées, les enfants et les jeunes sont exposé·e·s à davantage de risques, tels que la maltraitance, l’exploitation, le recrutement, le mariage précoce, la violence sexuelle et le travail des enfants.
a Le texte officiel de la déclaration, en langue anglaise, est le seul qui fait foi. La présente version est la traduction française.
L’éducation constitue également un point d’entrée pour la dispense de services de base intégrés et axés sur l’enfant permettant de soutenir les enfants et les jeunes touché·e·s par les situations d’urgence. Ces services comprennent la nourriture, la santé, la santé mentale et le soutien psychosocial, l’eau et l’assainissement, la protection et l’identification des enfants et jeunes à risque ayant besoin d’un soutien plus spécialisé.
Les enseignant·e·s sont essentiel·l·e·s à tout cela. Tout comme les médecins, ils sont en première ligne et ont besoin de soutien pour jouer leur rôle dans les circonstances les plus difficiles.
La continuité de l’apprentissage permet aux enfants et aux jeunes de ne pas prendre de retard scolaire. Elle réduit le risque d’abandon scolaire – une préoccupation sociale et économique majeure à long terme – et est liée à des conflits plus courts.
Comment l’éducation est-elle dispensée dès le premier jour d’une crise?
L’éducation est associée aux écoles, aux cours quotidiens et aux manuels scolaires. Dans les situations d’urgence, l’éducation peut impliquer la mise en place d’espaces temporaires où les enfants et les jeunes peuvent se réunir en toute sécurité avec des enseignant·e·s, des adultes de confiance et des ami·e·s, et continuer à apprendre.
En cas de crise, l’éducation peut également être un point d’entrée pour des services complémentaires adaptés aux besoins locaux. Il peut s’agir de messages vitaux sur la santé, l’assainissement et les moyens de se protéger contre la violence, la traite d’êtres humains, les munitions non explosées et les maladies. Il peut également s’agir de repas scolaires, de services de recherches et de réunifications familiales, de soutien psychosocial, de soutien aux enfants et jeunes en situation de handicap et d’une orientation vers des services de protection, notamment pour les survivant·e·s de violences basées sur le genre.
L’éducation devrait être une priorité même lorsque l’accès est limité ou que la mise en place d’espaces physiques sûrs n’est pas possible en raison d’un conflit. Dans ces situations, des adaptations innovantes, telles que des kits éducatifs apportant un soutien sur le plan de la santé mentale, des enregistrements radiophoniques ou vocaux interactifs pour un soutien psychosocial, et un apprentissage basé sur le jeu ou des espaces sécurisés mobiles, apportent d’énormes bénéfices.
Que faut-il faire, maintenant?
-
Inclure l’éducation dans la préparation, l’action d’anticipation et la réponse d’urgence, y compris dans les évaluations multidisciplinaires rapides.
-
Donner la priorité à l’éducation pour sa capacité à faciliter d’autres interventions vitales, telles que la santé, l’eau et l’assainissement, l’alimentation et la protection.
-
Protéger l’éducation contre les attaques et les écoles contre une utilisation à des fins militaires pendant les conflits et les situations de violence, en encourageant le respect du droit international humanitaire et l’approbation et la mise en œuvre de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.
-
Donner la priorité à l’éducation et aligner les réponses d’urgence sur les politiques et planifications à plus long terme, afin de créer les conditions permettant d’inclure les enfants et les jeunes réfugié·e·s dans les systèmes éducatifs nationaux.
-
Veiller à ce que la réponse d’urgence soit inclusive pour tous les enfants et les jeunes et contribue à la mise en œuvre des Normes minimales du Réseau Inter-agences pour l’Éducation en Situation d’Urgence (INEE).
-
Les bailleurs de fonds devraient augmenter la proportion de financements prévisibles et pluriannuels pour l’éducation dans les situations d’urgence.
-
Les gouvernements nationaux devraient donner la priorité à des allocations budgétaires adéquates pour l’éducation de tous les enfants et les jeunes.
Disclaimer
- Human Rights Watch
- © Copyright, Human Rights Watch - 350 Fifth Avenue, 34th Floor New York, NY 10118-3299 USA