COMMUNIQUÉ
Adopté par le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) lors de sa 1097ème réunion tenue le 4 août 2022, sur les technologies émergentes et les nouveaux médias : Impact sur la gouvernance démocratique, la paix et la sécurité en Afrique.
Le Conseil de Paix et de Sécurité,
Rappelant l'intégralité du Préambule de l'Acte constitutif de l'UA et les dispositions de l'Article 3 du Protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine;
Rappelant en outre la Décision [Assembly/AU/Dec.529(XXIII)] de la 23ème Session ordinaire de la Conférence de l'UA tenue à Malabo, en Guinée équatoriale, en juin 2014, qui a adopté la Convention de l'Union africaine sur la sécurité du cyberespace et la protection des données à caractère personnel ; ainsi que la Décision [EX.CL/Dec.1074 (XXXVI)] du Conseil exécutif sur le rapport de la Troisième session ordinaire des Comités techniques spécialisés sur la communication et les TIC qui a approuvé la Stratégie de transformation numérique pour l'Afrique (STN) et la Décision EX.CL/Dec.1144 (XL) sur le rapport de la Quatrième session ordinaire des Comités techniques spécialisés sur la communication et les TIC qui a approuvé le Cadre de politique des données de l'UA et le Cadre d'interopérabilité pour la production de documents numériques d’identité ;
Reconnaissant le double usage et les avantages multiples des technologies émergentes et des nouveaux médias dans la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, de la paix, de la sécurité et du développement durable en Afrique, ainsi que du bien-être général des populations africaines ;
Profondément préoccupé par le mauvais usage et l'abus des technologies émergentes et des nouveaux médias à des fins malveillantes, notamment les cyber-attaques, la propagation de fausses nouvelles, les idéologies extrémistes et les discours haineux, qui menacent la démocratie et la bonne gouvernance, la paix et la sécurité en Afrique ; et réaffirmant le droit de l'État de réglementer l'utilisation des technologies émergentes et des nouveaux médias ;
Prenant également note de l'influence croissante des grandes firmes technologiques qui s'appuient sur des modèles commerciaux basés sur la collecte et le traitement massifs de données qui peuvent affecter les économies nationales, la paix et la sécurité dans les États Membres ;
Reconnaissant le besoin urgent pour l'Afrique de développer l'infrastructure numérique et les systèmes de gouvernance des données nécessaires pour assurer une utilisation éthique et responsable des données générées par les institutions gouvernementales, les industries et les citoyens ;
Engagé à créer des conditions propices à l'exploitation du potentiel de transformation de la 4ème Révolution industrielle (4IR) pour la réalisation de la vision de l'UA d'une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale, ainsi que des Aspirations de l'Agenda 2063 de l'UA et de son Plan décennal de Mise en œuvre ;
Prenant note de la déclaration liminaire de S.E. Ambassadeur Jainaba Jagne, Représentante permanente de la République de Gambie auprès de l'UA en sa qualité de Présidente du CPS pour le mois d'août 2022 et de la déclaration de S.E. Ambassadeur Bankole Adeoye, Commissaire de l'UA aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité ; prenant également note des présentations du Professeur Edward Maloka, Secrétaire exécutif du Mécanisme africain d'évaluation par les pairs ; de Mme Souhila Amazouz, fonctionnaire principale chargée des Politiques/Division de la Société de l'information, Département de l'Énergie et des Infrastructures de l'UA ; de Dr Thompson Chengeta, Professeur associé de droit international et d'éthique de l'intelligence artificielle au Centre des droits de l'homme de l'Université de Pretoria, et de Mme Bitania Tadesse, Directrice des programmes, AMANI Africa Media and Research Services ;
Agissant en vertu de l'Article 7 de son Protocole, le Conseil de Paix et de Sécurité,
1. Souligne la nécessité de développer et d'utiliser les technologies émergentes et les nouveaux médias dans le plein respect du droit national et international, tant dans l'espace physique que virtuel, conformément à la Résolution A/76/136 de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée le 22 décembre 2018, à la Convention de l'UA sur la cybersécurité et la protection des données personnelles (Convention de Malabo), à la Stratégie de transformation numérique pour l'Afrique (2020-2030), au Cadre de politique des données de l'UA et au Cadre d'interopérabilité de l'UA pour l'Identification numérique ;
2. Réitère l'appel lancé à la Commission de l'UA pour qu'elle œuvre à accroître la préparation et la sensibilisation des États Membres de l'UA aux questions de sécurité liées à l'utilisation des technologies émergentes et des nouveaux médias, tout en soulignant qu'il est essentiel que la Commission de l'UA et les États Membres élaborent une approche stratégique pour mettre en œuvre les normes des Nations unies sur le comportement responsable des États dans le cyberespace aux niveaux régional et continental, afin de garantir la sécurité et la durabilité de l'espace numérique africain ;
3. Souligne à nouveau l'importance d'intégrer la cybersécurité dans tous les mécanismes de paix et de sécurité de l'UA, ainsi que de renforcer la coopération aux niveaux technique, politique et opérationnel entre les États Membres, afin d'atténuer les risques d'utilisation malveillante des technologies émergentes et des nouveaux médias ;
4. Encourage tous les États Membres qui ne l'ont pas encore fait à accélérer la signature et la ratification de la Convention de Malabo, ainsi qu'à élaborer une approche commune pour réglementer les plateformes numériques de même qu’une et une Stratégie continentale et prospective globale en matière de cybersécurité qui tienne compte des technologies émergentes et des nouveaux médias avec la participation de toutes les parties concernées ;
5. Réaffirme l’impérieuse nécessité pour la Commission de l'UA d’élaborer les cadres nécessaires pour des valeurs, des normes et des codes communs, ainsi qu'un mécanisme à l'échelle de l'Union axé sur les quatre domaines liés à la technologie et à la gouvernance démocratique, à savoir ;
i) Promotion de l'échange d'informations sur les capacités technologiques disponibles pour améliorer la bonne gouvernance démocratique ;
ii) Facilitation des dispositions de gouvernance multisectorielle et transnationale nécessaires pour promouvoir les transferts de technologie entre les États membres ;
iii) Développement de mécanismes de suivi de la gouvernance des infrastructures et des plateformes technologiques régionales et continentales ; et
iv) l'examen de l'impact et des implications des technologies émergentes sur la gouvernance démocratique, en particulier dans les contextes de la gouvernance électronique et de l'administration en ligne ;
6. Souligne la nécessité pour la Commission de l'UA d'aborder de manière globale et systématique les questions immédiates qui découlent des technologies émergentes et des nouveaux médias, y compris l'utilisation de ces technologies émergentes et de ces nouveaux médias par des acteurs engagés dans le terrorisme et le crime organisé, l'utilisation abusive des médias sociaux pour la propagation de la haine, et l'utilisation de ces technologies pour la surveillance, la répression, la censure, le harcèlement en ligne et l'orchestration de cyber-attaques ;
7. Demande à la Commission de l'UA, en collaboration avec les Communautés économiques régionales et les Mécanismes régionaux (CER/MR), d'exploiter efficacement les avantages des technologies émergentes et des nouveaux médias pour renforcer l'efficacité des opérations de médiation, de rétablissement de la paix et de soutien à la paix ; dans le même contexte, encourage la Plateforme africaine pour la gouvernance à exploiter également les avantages des technologies émergentes et des nouveaux médias pour promouvoir la gouvernance démocratique et le constitutionnalisme en Afrique, y compris pour l'alerte précoce, ainsi que pour le suivi des élections ;
8. Demande en outre à la Commission de l'UA, en collaboration avec les parties prenantes concernées, d'entreprendre une étude exhaustive sur les technologies émergentes et les nouveaux médias : Impact sur la gouvernance démocratique, la paix et la sécurité en Afrique, ainsi que les options politiques disponibles pour exploiter les avantages et répondre efficacement aux menaces sécuritaires associées à l'utilisation de ces technologies et des nouveaux médias en Afrique, sur la base des ressources disponibles, et de faire rapport au Conseil ;
9. Exhorte les États Membres à adopter une approche systématique d'intégration et d'adaptation pour une utilisation optimale des technologies émergentes et des nouveaux médias dans les activités de l'UA visant à promouvoir la gouvernance démocratique et le programme de paix et de sécurité en Afrique et encourage les États Membres à développer les systèmes et les capacités nécessaires pour atténuer et contrer les effets négatifs d'une mauvaise utilisation des technologies émergentes et des nouveaux médias ;
10. Souligne également la nécessité d'une recherche soutenue sur l’interface entre la paix, la sécurité et la démocratie, d'une part, et les technologies émergentes, d'autre part, qui doit être menée de manière interdisciplinaire, afin d'assurer un transfert rapide des connaissances entre les Universités, les gouvernements et d'autres secteurs, notamment les industries des télécommunications et des médias ;
11. Exhorte les États Membres à s'adapter à l'ère numérique en adoptant les législations nécessaires pour assurer le respect du droit international et du droit humanitaire international dans l'utilisation des technologies émergentes et des nouveaux médias ;
12. Tout en notant les avantages d'une large approche multipartite, appelle à une plus grande collaboration entre les États Membres, les CER/MR, la CUA et le secteur privé pour promouvoir le développement et l'utilisation responsable des technologies et médias émergents, par le biais du renforcement des capacités et de l'harmonisation des lois et réglementations ; et
13. Décide de demeurer activement saisi de la question.