Informing humanitarians worldwide 24/7 — a service provided by UN OCHA

World

Commission africaine des droits de l’homme et des peuples Lignes directrices pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en Afrique

Attachments

AVANT-PROPOS

Les Lignes directrices pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en Afrique ont été adoptées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples lors de sa 71ème Session ordinaire tenue virtuellement du 21 avril au 13 mai 2022. Les Lignes directrices sont élaborées conformément à l'article 45(1)(b) de la Charte africaine, qui donne mandat à la Commission africaine de formuler des normes, principes et règles pouvant servir de base à l‟adoption de textes législatifs par les gouvernements africains.

Les Lignes directrices ont pour objet de fournir aux États membres de l'Union africaine des orientations et un soutien pour la mise en œuvre effective de leurs engagements et contributions en faveur de l'éradication des disparitions forcées sur l'ensemble du continent africain. Les Lignes directrices cherchent à compléter, et non à remplacer ou à limiter de quelque manière que ce soit, les normes et obligations contenues dans les traités et autres instruments internationaux pertinents, notamment la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui sont les principaux instruments juridiques internationaux qui traitent de la disparition forcée comme une violation grave des droits de l'homme et une violation du droit international humanitaire respectivement. Les Lignes directrices visent à renforcer ces traités et instruments internationaux et à encourager les États membres de l'Union africaine à les ratifier en tant que mesure positive pour prévenir les disparitions forcées sur le continent.

Les Lignes directrices se fondent sur les obligations juridiques existantes des États africains au titre des traités et documents régionaux, comme la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, le Protocole à la Charte africaine des droits de l‟homme et des peuples relatif aux droits de la femme (le "Protocole de Maputo"), la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique et le Protocole sur la prévention et la répression des violences sexuelles contre les femmes et les enfants de la Conférence internationale des Grands Lacs. Elles s'ajoutent également aux normes élaborées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à travers sa jurisprudence et ses observations générales, y compris, entre autres, les Principes et directives sur les droits de l‟homme et des peuples dans la lutte contre le terrorisme, les Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique (les "Lignes directrices de Luanda"), l'Observation générale n° 3 sur le droit à la vie et les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique (Principes du procès équitable).

Si la pratique des disparitions forcées reste très répandue sur le continent africain, les données disponibles ne reflètent pas exactement l'ampleur du phénomène, de nombreux cas n‟étant pas déclarés ou enregistrés officiellement. Le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a noté dans son rapport 2021 que, sur les 46490 cas de disparitions forcées abordés, seuls 4765 concernent des pays africains.
L‟absence de prise de conscience concernant ce crime, ainsi que les défis en matière d‟état de droit, le manque de volonté politique et les représailles à l'encontre des victimes et de leurs proches lorsqu'ils signalent le crime de disparition forcée, contribuent tous à l'absence de données officielles systématisées sur la prévalence du problème.
Sans être normatives, les Lignes directrices reflètent les contextes les plus courants dans lesquels les disparitions forcées ont lieu en Afrique, notamment les conflits armés, les troubles civils, les situations d'urgence, la lutte contre le terrorisme, les migrations et le recours à une telle pratique comme moyen visant à étouffer la dissidence.

Pour éradiquer les disparitions forcées sur le continent, il est nécessaire de renforcer la collaboration et les efforts au niveau régional. Toutefois, cette responsabilité incombe au premier chef aux différents États. Ces dernières années, certains États africains ont pris des mesures importantes pour lutter contre les disparitions forcées, notamment en ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Statut de Rome, en adoptant le Protocole de Malabo, en criminalisant les disparitions forcées et en adoptant d‟autres réformes juridiques et politiques pour prévenir ce crime. Cependant, ces efforts sont insuffisants, et le cadre de protection contre les disparitions forcées sur notre continent présente encore des lacunes notables.

Les disparitions forcées ont des conséquences atroces et durables, tant physiques que psychologiques, pour les personnes disparues ainsi que pour leurs familles, amis, communautés et peuples. De nombreuses victimes vivent dans l'angoisse pendant des années, ne sachant pas ce qu'il est advenu de leurs proches disparus ni où ils se trouvent, et n'ayant pas accès à des réparations. Les présentes Lignes directrices reconnaissent pleinement les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels qui sont souvent violés par une disparition forcée et les préjudices qui en résultent pour les victimes. Elles mesurent le rôle central que jouent les victimes dans la lutte contre ce crime odieux en Afrique.

Je tiens à exprimer mes remerciements à toutes les personnes qui ont contribué à l'élaboration des Lignes directrices. Ma reconnaissance va notamment aux nombreux experts qui ont participé à ce processus, y compris les membres éminents du Comité des disparitions forcées et du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations Unies, avec lesquels la Commission africaine souhaite continuer à collaborer. Je tiens également à remercier les organisations de la société civile, en particulier The REDRESS Trust, les universitaires, les praticiens et autres partenaires pour leur collaboration à l'élaboration de cet outil.

Je témoigne aussi ma reconnaissance aux éminentes personnalités africaines mentionnées ci-dessous, qui luttent depuis longtemps contre les disparitions forcées en Afrique, et qui ont grandement contribué à la rédaction des présentes Lignes directrices : Aua Balde, membre du Groupe de travail des disparitions forcées ou involontaires des Nations Unies ; feu Christof Heyns, ancien membre du Comité des droits de l'homme des Nations Unies ; Houria El-Slami, ancien membre du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires ; et Matar Diop, membre du Comité des disparitions forcées des Nations Unies.

Enfin, je voudrais souligner la contribution de feu l'honorable Ndiame Gaye, mon prédécesseur à la présidence du Groupe de travail de la Commission africaine sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique, qui a eu la vision et la sagesse de lancer le processus de rédaction de ces Lignes directrices.

La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples invite toutes les parties prenantes à promouvoir et à utiliser les Lignes directrices pour mieux guider leurs efforts de renforcement de la protection contre les disparitions forcées, notamment les États membres de l'Union africaine, les institutions nationales des droits de l'homme, les avocats, les magistrats et les juristes, les organisations de la société civile et les groupes de victimes, ainsi que les médias, entre autres.

La Commission africaine demeure fermement attachée à la lutte contre les disparitions forcées dans le cadre de son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples à travers le continent.

Honourable Commissaire Idrissa Sow Président du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique