Résumé
Contexte
Dans un conflit armé, l’utilisation d’armes explosives en zone peuplée (EWIPA) est la première cause de victimes civiles. Pourtant, leur utilisation n’a fait qu’augmenter ces dernières années. L’utilisation d’EWIPA augmente drastiquement les besoins des populations civiles en matière de santé. Les armes explosives provoquent des blessures considérables qui bouleversent souvent de manière permanente la vie des individus, et qui nécessitent une prise en charge immédiate à long terme, avec des soins et des traitements complexes, dont des soins de réadaptation. Outre les blessures physiques, les EWIPA exposent les populations civiles à des traumatismes émotionnels et psychosociaux extrêmes bien supérieurs aux traumatismes « attendus » de l’exposition à un conflit ou à la violence, et ces traumatismes peuvent générer des troubles de santé mentale sur plusieurs générations.
Bien que les armes explosives ne fassent pas de discrimination entre les civils, elles affectent différemment les différents groupes de population, car elles exacerbent les vulnérabilités et les inégalités existantes. Les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées font partie des groupes pour lesquels les conséquences des armes explosives sont les plus graves. Les enfants, notamment, sont sept fois plus susceptibles que les adultes de mourir d’une blessure par explosion.
L’utilisation d’EWIPA altère gravement la santé des individus aussi parce que ces armes endommagent gravement ou détruisent les systèmes de santé et les infrastructures dont ils dépendent, notamment les routes et les réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité et de communication, en particulier, et cela est souvent le cas, lorsque les attaques sont continues et récurrentes. En 2023, au moins 763 cas d’armes explosives ayant détérioré ou détruit des structures sanitaires ont été recensés, ce qui correspond à une augmentation dramatique de 12 pour cent par rapport à 2022. Les attaques n’ont pas épargné les agents de santé au vu du nombre record de 209 agents de santé tués. Les chiffres de 2024 devraient être encore pires malgré le cadre normatif solide, établi depuis longtemps, qui protège les civils et l’accès aux soins de santé dans les situations de conflit.
Reconnaissant les conséquences humanitaires des EWIPA, 83 États ont approuvé, en novembre 2022, la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. En soutenant cette déclaration, les États (aujourd’hui au nombre de 88) s’engagent à prendre des mesures concrètes pour remédier aux conséquences découlant de l’utilisation d’EWIPA, et à s’abstenir d’utiliser des armes explosives dans les zones où des populations civiles vivent et travaillent, ou à en limiter l’utilisation.
La Déclaration politique reconnaît explicitement les conséquences dévastatrices de l’utilisation d’EWIPA sur la santé des populations touchées et sur la fourniture des services de santé. Elle impose spécifiquement aux États signataires de protéger les « biens à caractère civil », dont les hôpitaux, durant et après un conflit armé, et de « fournir, faciliter ou aider l’assistance aux victimes » en adoptant « une approche holistique, intégrée, sexospécifique et non discriminatoire ». La Déclaration politique constitue donc une opportunité à la fois d’améliorer la visibilité et la compréhension des conséquences spécifiques de l’utilisation d’EWIPA sur l’accès aux soins de santé, et de promouvoir une action collective, coordonnée et concrète pour empêcher et réduire les dommages causés aux services de santé et à la santé des populations.
Dans ce contexte, le présent rapport aborde les principales difficultés et lacunes liées à l’accès aux soins de santé dans les contextes affectés par l’utilisation d’EWIPA, et présente des stratégies et des outils pratiques et innovants pour mettre en œuvre les engagements de la Déclaration politique en matière d’assistance aux victimes et améliorer l’accès humanitaire aux populations touchées. Ce rapport fait partie d’un processus entrepris par Handicap International - Humanity & Inclusion (HI) pour soutenir la mise en œuvre des engagements humanitaires de la Déclaration politique. Le contenu de ce rapport repose sur des données et des conclusions issues d’une recherche documentaire axée principalement sur les contextes spécifiques de certains pays (Gaza, Nord-Ouest syrien [NOS] et Ukraine), d’entretiens avec des informateurs clés (EIC) et de discussions menées dans le cadre d’un atelier en présentiel qui a été organisé à Bruxelles les 12 et 13 novembre 2024 avec une diversité de participants.
Le présent rapport prend en compte les difficultés majeures de l’accès aux soins de santé ainsi que les lacunes les plus urgentes à combler dans les contextes affectés par l’utilisation d’EWIPA, telles qu’elles ont été identifiées par la recherche et par les participants de l’atelier, puis présente et met en lumière des mesures de réduction des risques et d’adaptation concrètes, ainsi que des outils, des orientations, des politiques et des approches de plaidoyer qui apportent des solutions et des stratégies essentielles pour progresser.