Résumé
La maladie à coronavirus (COVID-19) a eu des répercussions énormes sur les plans économique, social et environnement, ce qui a fortement affecté la capacité des pays en développement à investir dans la réalisation des objectifs de développement durable. Mais l’expérience de la COVID-19 a toutefois montré que les pays qui avaient davantage progressé dans la réalisation des objectifs de développement durable ont été mieux à même de faire face à l’impact de la pandémie. Des crises comme celle de la pandémie de COVID-19 mettent en évidence les fragilités du système économique et social mondial en place auxquelles le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur les changements climatiques étaient censés remédier. Les coûts élevés de la COVID-19, de la guerre en Ukraine et des changements climatiques montrent à quel point il est important pour les pays de s’engager sur la voie d’une transformation structurelle qui rende possible un développement durable. La meilleure sortie de crise consisterait à atteindre les objectifs d’ici à 2030 comme il était initialement prévu.
Le présent rapport doit informer les échanges lors du débat de haut niveau du Conseil en juillet 2023, ainsi que ceux du forum politique du haut niveau sur le développement durable à sa réunion en septembre 2023. Il est complété par le rapport 2/20 23-08618 du Secrétaire général intitulé « Progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable : vers un plan de sauvetage pour les peuples et la planète » (A/78/80-E/2023/64). Il devrait être lu en parallèle avec le rapport du Secrétaire général intitulé « Tendances et scénarios à long terme : incidences sur la réalisation des objectifs de développement durable » (E/2023/89).
I. Introduction
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Le présent rapport passe en revue les stratégies auxquels les pays pourraient avoir recours pour se relever plus rapidement de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 1 . Une analyse et des recommandations générales y sont proposées pour alimenter les discussions lors du débat de haut niveau du Conseil économique et social en 2023. Le rapport a été enrichi par des contributions substantielles des entités du système des Nations Unies et il est complété par le rapport du Secrétaire général intitulé « Progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable : vers un plan de sauvetage pour les peuples et la planète » (A/78/80-E/2023/64). Il devrait être lu en parallèle avec le rapport du Secrétaire général intitulé « Tendances et scénarios à long terme : incidences sur la réalisation des objectifs de développement dur able » (E/2023/89).
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La COVID-19 a eu des effets dévastateurs sur le plan économique. En 2020, l’économie mondiale s’est contractée de 4,9 % en raison de l’impact de la pandémie. Après avoir progressé de 6,1 % en 2021, l’économie mondiale devait, avant le début du conflit en Ukraine, connaître une croissance de 4,1 % en 2022 et de 3,5 % en 2023. Toutefois, les retombées négatives persistantes de la pandémie, ainsi que la guerre en Ukraine, ont fait retomber la croissance mondiale à 3,1 % en 2022, avec une augmentation de 2,3 % prévue en 2023. En outre, les pays les moins avancés ont connu certains des pires résultats sous l’effet des crises mondiales. La croissance économique moyenne de 2,5 % enregistrée dans les pays les moins avancés au cours de la période 2020-2022 est loin d’atteindre l’objectif annuel de 7 %, fixé dans l’objectif de développement durable no 8. En conséquence, la pandémie a conduit à l’exacerbation des inégalités mondiales entre les pays.
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En outre, le taux d’inflation mondial devrait passer de 7,5 % en 2022 à 5,2 % en 2023, principalement en raison de la baisse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie et du ralentissement de la demande mondiale, tout en restant bien supérieur à la moyenne de 3,1 % enregistrée pour la période 2000-2019. La persistance d’une inflation élevée dans les pays en développement qui abritent un grand nombre de pauvres constitue un obstacle supplémentaire à l’éradication de la pauvreté. Les banques centrales ont réagi en relevant les taux d’intérêt pour maîtriser l’inflation, ce qui a entraîné des pressions à la baisse sur la croissance économique.
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Dans l’ensemble, ces facteurs ont eu un impact négatif sur la réalisation des objectifs de développement durable. Le taux de pauvreté mondial est passé de 8,5 % en 2019 à 9,3 % en 2020 à cause de la COVID-19, réduisant à néant plus de quatre années de progrès. Selon les prévisions actuelles, 8,4 % de la population mondiale, soit environ 670 millions de personnes, pourraient encore vivre dans l’extrême pauvreté d’ici à la fin de 2022. Ce chiffre devrait tomber à 575 millions d’ici à 2030, soit une baisse de moins de 30 % par rapport à 2015 (A/78/80-E/2023/64). Le nombre de nouvelles personnes qui tomberont dans l’extrême pauvreté dans les pays en situation de surendettement ou présentant un risque élevé de surendettement est estimé à 175 millions d’ici à 2030, dont 89 millions de femmes et de filles.
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Quelque 768 millions de personnes ont également souffert de la faim en 2021, contre 589 millions en 2015. Les retards de croissance et les cas d’émaciation d’enfants ont augmenté pendant la pandémie en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires. L’indice des prix alimentaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) était en août 2022 supérieur de 45 % à ce qu’il était avant la pandémie. Selon la FAO, 670 millions de personnes pourraient souffrir de la faim d’ici à 2030, soit environ 8 % de la population mondiale, ce qui représente une augmentation de 78 millions de personnes par rapport au scénario prépandémique.
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Selon les estimations de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le déficit d’emplois au niveau mondial s’élevait à 473 millions de personnes en 2022 et environ 2 milliards de personnes occupaient un emploi informel. Le nombre total d’heures hebdomadaires travaillées en 2022 est resté inférieur de 1,4 % à son niveau du quatrième trimestre 2019, après ajustement pour tenir compte de la croissance démographique, ce qui équivaut à 41 millions d’emplois à temps plein. La pandémie de COVID-19 a également eu une incidence sur la réalisation de l’objectif 5 en creusant le fossé entre les genres, notamment dans les pays en développement, où les femmes ont connu des baisses plus marquées que les hommes en matière d’emploi et de participation à la vie active. De nombreuses femmes, en particulier celles qui ont des enfants en bas âge, assumer des tâches supplémentaires pour s’occuper d’eux, et elles se heurtent à des obstacles importants pour réintégrer le marché du travail.
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La pandémie de COVID-19 a également paralysé de nombreux systèmes éducatifs dans le monde, ce qui a eu un impact majeur sur les progrès réalisés au niveau mondial sur la voie de l’objectif 4. En 2020, 1,5 milliard d’élèves dans 188 pays n’ont pas pu aller à l’école à cause de la pandémie, et l’enseignement a encore été perturbé au cours de l’année 2021. Les fermetures d’écoles causées par la COVID-19 et l’inefficacité relative de l’enseignement à distance ont entraîné des pertes éducatives importantes chez les enfants, en particulier dans les pays en développement qui étaient les plus en retard dans la réalisation de l’objectif 4. En raison des fermetures d’écoles, d’après les estimations, cette génération d’élèves risque de perdre 17 000 milliards de dollars de revenus au cours de sa vie en valeur actuelle, soit environ 18 % du produit intérieur brut (PIB) mondial de 2022. Cet impact est le plus grave dans les pays les plus pauvres qui n’ont pas les ressources nécessaires pour offrir à tout le monde des possibilités d’enseignement à distance équitables et de bonne qualité.
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Pour la plupart des pays, les changements climatiques ont un coût de plus en plus élevé. Au cours des dix dernières années, les tempêtes, les incendies de forêt et les inondations ont causé à eux seuls des pertes représentant environ 0,3 % du PIB mondial, selon les données de la compagnie d’assurance Swiss Re. Selon le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent dans des zones très vulnérables aux changements climatiques, ce qui renforce leur besoin d’adaptation.
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Une analyse récente menée par S&P Global Ratings suggère que les pertes de production économique sous l’effet des risques climatiques pourraient atteindre 3,7 % du PIB mondial d’ici à 2030. Cela constituerait une énorme perte potentielle cumulée de la production mondiale si les pays continuaient sur la même lancée qu’aujourd’hui en ce qui concerne les politiques de lutte contre les changements climatiques. L’évaluation des vulnérabilités menée par S&P montre également que les impacts régionaux des risques climatiques sont les plus prononcés en Asie du Sud (10 % à 18 % du PIB menacé d’ici à 2030) et qu’ils sont également élevés en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ainsi qu’en Afrique subsaharienne. Les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire inférieur risquent de subir des pertes de production économique 3,6 fois plus importantes en moyenne que les pays à revenu intermédiaire supérieur et à revenu élevé. Les pertes économiques risquent également d’être plus importantes et plus durables pour les pays en développement, qui ont une capacité d’adaptation moindre, des institutions plus faibles et moins de moyens financiers, et dont la part de responsabilité dans le problème des changements climatiques mondiaux est invariablement bien moins importante. D’après l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, le besoin en investissements énergétiques mondiaux serait de 5 700 milliards de dollars par an jusqu’en 2030, ce qui équivaut à environ 6 % de la production mondiale, soit un niveau nettement supérieur au niveau d’investissement estimé à 1 000 milliards de dollars en 2021.
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Toutefois, le coût paralysant du financement de la dette pour de nombreux pays en développement a entravé leur redressement après la COVID-19, les contraignant à réduire les dépenses de développement, y compris pour les objectifs de développement durable, et limitant leur capacité à répondre à d’autres chocs. En 2022, on a estimé que 25 pays en développement avaient consacré plus de 20 % de leurs recettes publiques totales au service de la dette extérieure. En novembre 2022, 37 des 69 pays les plus pauvres du monde présentaient un risque élevé de surendettement ou étaient déjà en situation de surendettement, tandis qu’un pays à revenu intermédiaire sur quatre, dans lesquels vit la majorité des personnes extrêmement pauvres, présentait un risque élevé de crise budgétaire. La hausse des taux d’intérêt dans les économies développées en réponse à l’inflation exerce également une pression supplémentaire sur les pays en développement qui dépendent des importations de denrées alimentaires et d’énergie et dont la balance des paiements donnait déjà des signes de déséquilibre en raison de la hausse des prix des produits de base.
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Des mesures doivent être prises d’urgence pour accélérer le relèvement dans les pays en développement en raison des graves séquelles économiques causées par la COVID-19, la guerre en Ukraine et les changements climatiques, pour faire face à la hausse des coûts d’emprunt et à l’aggravation des risques liés à la dette, pour combler le déficit de financement actuel de la réalisation des objectifs et pour enrayer l’engrenage de la pauvreté et sortir des modèles de croissance économique non durables créés par ces crises. C’est pourquoi le Secrétaire général a appelé à un plan de relance des objectifs de développement durable, pour au moins 500 milliards de dollars de prêts supplémentaires à long terme par les banques multilatérales de développement, à des conditions d’emprunt améliorées en augmentant leurs bases de capital libéré, en vue de stimuler massivement les perspectives de développement durable des pays en développement, en se concentrant sur les investissements dans les énergies renouvelables, la protection sociale universelle, la création d ’emplois décents, les soins de santé, l’éducation de qualité, les systèmes alimentaires durables, l’infrastructure urbaine et la transformation numérique. Un autre pilier essentiel de la proposition de relance des objectifs de développement durable du Secrétaire général consiste à convertir les prêts à court terme des pays en développement en dettes à long terme à des taux d’intérêt moins élevés.