I. Introduction
1. Soumis en application de la résolution 2654 (2022), par laquelle le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu’au 31 octobre 2023 et m’a prié de lui présenter un rapport sur la situation au Sahara occidental avant la fin de la période couverte par le mandat, le présent rapport rend compte des faits nouveaux survenus depuis la publication, le 3 octobre 2022, de mon précédent rapport (S/2022/733) et décrit la situation sur le terrain, l’état d’avancement des négociations politiques sur le Sahara occidental, l’application de la résolution 2654 (2022), les difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Mission et les mesures prises pour les surmonter.
II. Faits nouveaux récents
2. La situation au Sahara occidental a continué à se caractériser par des tensions et des hostilités de faible intensité entre le Maroc et le Front populaire pour la libération de la Saguía el-Hamra et du Río de Oro (Front POLISARIO). La situation actuelle a gravement entravé les opérations de la MINURSO, en particulier ses efforts en matière de logistique et de réapprovisionnement.
A. Faits nouveaux d’ordre opérationnel
3. La plupart des tirs de part et d’autre du mur de sable signalés à la MINURSO par les parties sont restés concentrés dans le nord du territoire, près de Mahbas. La MINURSO n’a souvent pas été en mesure de confirmer de manière indépendante le nombre et le lieu des tirs signalés et leurs conséquences ont continué de faire l’objet d’affirmations divergentes par les parties.
4. À la demande de l’Armée royale marocaine et sous son escorte, la MINURSO a visité depuis novembre 2022 des lieux où des tirs se seraient produits à proximité du mur de sable et, dans plusieurs cas, a observé des traces de munitions de mortier explosées. Pour des raisons de sécurité, ces visites ont souvent eu lieu plusieurs jours après les faits présumés, ce qui ne permet pas aisément de déterminer de façon concluante ce qui s’est passé.
5. En décembre, les médias ont rapporté que l’Armée royale marocaine concentrait des véhicules et des forces près de sa base à Bir Anzarane (à environ 150 kilomètres de la base d’opérations de la MINURSO à Oum Dreyga et à 75 kilomètres du mur de sable). Une patrouille terrestre de la MINURSO qui s’est rendue sur place le 12 décembre n’a détecté aucun signe de concentration de troupes ou de véhicules, mais a observé une nouvelle bande d’atterrissage de 3,2 kilomètres de long. L’analyse des images satellite a confirmé que la bande d’atterrissage avait été construite après la reprise des hostilités en 2020. La MINURSO a également observé sur les images satellite des bâtiments qui semblaient être des hangars pour avions, ainsi qu’un périmètre délimité par des barrières physiques comprenant des tours de garde et des murs extérieurs. Le 22 décembre, la MINURSO a envoyé une visite de liaison dans le sous-secteur concerné de l’Armée royale marocaine pour soulever la question et a été informée que la bande d’atterrissage était une installation civile construite par une entreprise civile et qu’elle ne servait aucune finalité militaire. Lors de sa première visite de liaison au commandement sud de l’Armée royale marocaine à Agadir (Maroc) les 18 et 19 juillet 2023, le nouveau commandant de la force de la MINURSO s’est enquis de la bande d’atterrissage et de signalements plus généraux relatifs à des constructions militaires dans la région. Dans une lettre adressée le 2 août au commandant de la force de la MINURSO, le général de corps d’armée Mohammed Berrid, nouvellement nommé inspecteur général et commandant de la zone Sud de l’Armée royale marocaine, a indiqué que la construction du « nouvel aérodrome » avait commencé en avril 2021 dans le cadre des « projets de développement » lancés par le Gouvernement du Maroc.
6. La MINURSO a continué de recevoir des informations faisant état de frappes menées par l’Armée royale marocaine à l’aide de drones aériens à l’est du mur de sable.
7. Le 1er novembre 2022, la MINURSO a été informée par le Front POLISARIO et les médias locaux qu’une attaque aérienne avait eu lieu dans une zone connue pour la présence de mineurs d’or artisanaux à Mijek, au cours de laquelle six civils auraient trouvé la mort. Le 3 novembre, une équipe d’enquêteurs de la MINURSO s’est rendue sur les lieux où elle a observé les restes calcinés de cinq personnes et un véhicule détruit. La Mission a été informée par des interlocuteurs locaux du Front POLISARIO qu’une sixième personne blessée par la frappe était décédée à l’hôpital de Zouerat (Mauritanie). Selon des informations locales, quatre autres personnes ont été blessées pendant la frappe. La MINURSO a également pu déterminer que deux autres frappes avaient touché une zone voisine où la MINURSO a pu observer des véhicules détruits, dont l’un avait une plaque d’immatriculation mauritanienne, mais aucun décès n’a été signalé par les interlocuteurs locaux du Front POLISARIO.
8. Le 13 janvier 2023, une équipe d’enquêteurs de la MINURSO s’est rendue sur le site d’une attaque aérienne qui aurait eu lieu le 12 janvier à Tifariti et au cours de laquelle un civil aurait été tué. L’équipe a pu voir la dépouille d’un individu et un véhicule détruit.
9. Le 29 janvier, la MINURSO a reçu des informations par l’intermédiaire du Front POLISARIO et des médias sociaux selon lesquelles une attaque aérienne avait eu lieu le 24 janvier à Bir Lahlou, attaque qui aurait entraîné la mort de trois person nes de nationalité mauritanienne. Le 1er février, une équipe d’enquêteurs de la MINURSO s’est rendue sur les lieux où elle a constaté la présence de cadavres de trois personnes aux côtés d’un véhicule détruit. Elle a retrouvé un permis d’exploitation minière délivré par la Mauritanie. Auparavant, le 27 décembre 2022, le Président de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, avait exhorté les orpailleurs mauritaniens à respecter les règles visant à sauver des vies et à ne pas s’exposer au danger.
10. Le 1er septembre 2023, selon certaines informations, une attaque de drone lancée par l’Armée royale marocaine à Bir Lahlou aurait fait quatre victimes, dont un commandant militaire régional du Front POLISARIO. Le 2 septembre, dans un communiqué, le Front POLISARIO a annoncé une période de deuil de trois jours en mémoire des victimes.
11. Dans des lettres qui m’étaient adressées le 14 octobre (S/2022/797, annexe), et par la suite le 17 juillet 2023, le Secrétaire général du Front POLISARIO a accusé le Maroc d’avoir « recouru à toutes sortes d’armes, notamment des drones aériens, pour tuer brutalement non seulement des dizaines de civils sahraouis mais également des civils de pays voisins, qui transitaient » par le territoire sahraoui.
12. Dans une lettre qu’il m’a adressée le 30 juin 2023, le Représentant permanent du Maroc auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York a accusé le Front POLISARIO de mettre en pratique son « nouveau modus operandi, notamment l’usage de véhicules banalisés, l’engagement de combattants déguisés en civils », « son objectif étant de tromper la vigilance des unités de l’Armée royale marocaine et ternir leur image en cas de pertes subies ».
13. Les restrictions imposées par le Front POLISARIO à la liberté de circulation ont continué d’empêcher la MINURSO d’assurer de manière sûre et fiable des opérations de logistique, de maintenance et de ravitaillement à destination des bases d’opérations situées à l’est du mur de sable. Dans une lettre adressée à mon Représentant spécial pour le Sahara occidental le 26 janvier, le Front POLISARIO a fait part de son évaluation des multiples risques associés à la guerre en cours pou r la sécurité et la sûreté du personnel de la MINURSO, qui fournissaient des motifs raisonnables de penser que la conduite de convois terrestres restait très risquée et donc déconseillée dans de telles circonstances.
14. Le 17 mars 2023, alors que les réserves de carburant des bases d’opérations situées à l’est du mur de sable atteignaient un niveau critique, mon Représentant spécial a écrit aux parties pour les informer de l’intention de la Mission de déployer un convoi terrestre de Smara à Mehaires le 22 mars, en dernier recours, pour réapprovisionner ses bases d’opérations et maintenir les opérations de la MINURSO à l’est du mur de sable. Le même jour, l’Armée royale marocaine a répondu en soutien au convoi. Le 20 mars, le coordinateur du Front POLISARIO auprès de la MINURSO a écrit à mon Représentant spécial pour souligner que toute action unilatérale menée au mépris des multiples risques liés à la guerre en cours dans le territoire constituerait une grave menace pour la sécurité et la sûreté du personnel de la MINURSO.
15. Le convoi est parti le 22 mars. À l’approche de Mehaires, une vingtaine d’éléments armés du Front POLISARIO ont bloqué la voie et arrêté le convoi, insistant sur le fait qu’il ne pouvait pas continuer et qu’il devait retourner à Smara. Après avoir discuté avec le chef du groupe, le convoi a passé la nuit dans le désert et est retourné à Smara le lendemain, sans livrer sa cargaison à l’équipe qui se trouvait sur le site de Mehaires.
16. À la suite d’échanges de haut niveau avec mon Envoyé personnel, mon Représentant spécial et des membres du Conseil de sécurité, le Secrétaire général du Front POLISARIO m’a écrit le 29 mars pour m’informer que, en signe de bonne volonté et pour aider à surmonter certains des problèmes logistiques que rencontraient la MINURSO, le Front POLISARIO était disposé à accorder à la Mission un passage sûr, à titre exceptionnel et provisoire pour qu’elle effectue un convoi logistique terrestre afin de réapprovisionner ses bases d’opérations situées à l’est du mur de sable.
17. Entre avril et juin, la MINURSO a ensuite effectué cinq mouvements distincts de convois terrestres de réapprovisionnement vers ses bases d’opérations situées à l’est du mur de sable, à Agüenit, Mehaires, Mijek et Tifariti, afin de livrer du carburant et d’autres fournitures générales d’entretien ainsi que le matériel de génie dont elle avait besoin de toute urgence. Le 13 septembre, un convoi supplémentaire a pu être acheminé à la suite d’un nouvel échange diplomatique avec le Front POLISARIO.