LOMÉ, le 9 juin (IRIN) - Les tentatives entreprises pour constituer un gouvernement d'union nationale aux lendemains des élections présidentielles controversées du 24 avril dernier sont restées vaines après que le président élu, Faure Gnassingbe, ait rejeté les exigences de la coalition de l'opposition pour sa participation au nouveau gouvernement.
« Le président a rejeté l'ensemble de nos propositions...En agissant de la sorte, il refuse le dialogue. C'est, du moins, l'impression qu'il nous donne », a déclaré Yawovi Agboyibo, leader de la coalition des six partis de l'opposition lors d'une entrevue accordée à IRIN mercredi dernier.
Les leaders de la coalition ont rencontré le président lundi soit pour présenter leurs propositions en vue de former un « gouvernement de transition et d'union nationale ». Ils ont notamment exigé l'annulation du scrutin présidentiel du 24 avril dernier. Selon l'opposition, celui-ci aurait été entaché de nombreuses irrégularités.
Dans un communiqué du président diffusé à la radio togolaise mardi, le porte-parole de Faure Gnassingbe a déclaré que la rencontre avait été organisée pour désigner les candidats au poste de Premier ministre. Il ne devait en aucun cas y être débattu de la formation d'un nouveau gouvernement.
« L'opposition exige que le gouvernement togolais annule les pouvoirs constitutionnels du président de la République et de l'Assemblée nationale. Le chef de l'Etat a fait savoir qu'il s'opposait catégoriquement à cette proposition », a expliqué Pascal Bodjona.
Selon l'opposition, les élections auraient été entachées de nombreuses irrégularités, des allégations dont s'est fait l'écho le Parlement européen. Le Canada et les Etats-Unis ont eux aussi émis des réserves sur la validité du scrutin.
Toutefois la communauté internationale dans son ensemble a reconnu la victoire de Gnassingbe qui a recueilli 60 % des suffrages. Une victoire qui lui a notamment valu les félicitations du chef de l'Etat du Nigeria, Olusegun Obasanjo, actuel président en exercice de l'Union Africaine.
Au Togo, pourtant, les résultats du scrutin du 24 avril ont provoqué des soulèvements, violemment réprimés, de part et d'autre du pays, par les forces de sécurité gouvernementales.
Selon Bodjona, Gnassingbe espérait sortir le pays de l'impasse politique dans lequel il se trouve actuelle en accordant à l'opposition le poste de Premier ministre.
« La répartition n'était pas égale. Il s'agit donc d'un véritable sacrifice pour notre parti. Ce n'est vraiment pas juste pour nos partisans. », a déclaré Bodjona.
« Mais le président l'a affirmé : il souhaite que le peuple togolais travaille ensemble pour ramener la paix dans le pays....Il place les intérêts de la nation avant ceux du parti », a-t-il ajouté lors d'une entrevue accordée à IRIN, la semaine dernière.
Certains diplomates ont cependant affirmé que, tandis que les débats pour la réconciliation s'étaient ouverts, les forces de sécurité gouvernementales continuaient de persécuter les militants de l'opposition.
Depuis le 24 avril, près de 35 000 partisans de l'opposition se sont réfugiés dans les pays voisins (Ghana ou Bénin). Parmi les nouveaux arrivants, on compte beaucoup de jeunes hommes qui déclarent avoir fui leur pays pour échapper aux descentes nocturnes des forces de sécurité et de la milice gouvernementales, qui fouillent chaque habitation à la recherche des militants de l'opposition.
Pourtant, le gouvernement nie l'existence d'un « problème de nature humanitaire » au Togo. Lundi dernier, les autorités ont même proposé de « gracier » et, à terme, de « dédommager » tous les réfugiés.
Gnassingbe a promis qu'un gouvernement de réconciliation nationale serait formé dans un futur proche. A ce sujet, la déclaration présidentielle affirmait que « l'institution promise par le chef de l'Etat [...] prendrait les mesures nécessaires pour mettre en place le processus de réconciliation et permettre aux militants de l'opposition d'être graciés et, à terme, dédommagés ».
Membre du comité central du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti au pouvoir, Richard Attipoe a récemment déclaré à IRIN que certains réfugiés craignaient en fait d'être arrêtés par les forces de sécurité en raison des infractions qu'ils auraient commises.
« Pendant la période de violence qui a suivi les élections, beaucoup d'entre eux se sont livrés à des actes de vandalisme et ont incendié des habitations... Ils ont donc eu peur d'être arrêtés », a-t-il expliqué.
« Il existe aussi des raisons économiques à ce déplacement de population -- pour beaucoup de ces jeunes gens sans emploi, les camps de réfugiés sont une solution, et une transition possible vers la France, l'Espagne ou même les Etats-Unis », a-t-il ajouté.
Attipoe a également fait part à IRIN de ses craintes quant à la possible survenance de troubles au sein même des camps.
Par ailleurs, la presse ghanéenne a révélé mercredi que, selon les forces de sécurité, les armes découvertes la semaine dernière à Accra, la capitale ghanéenne, devaient être par la suite acheminées vers le Togo. Elles comprenaient entre autres des fusils AK-47s et des grenades.
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