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Benin-Togo : Des réfugiés togolais continuent d'affluer au Bénin

AGAME, le 7 juillet (IRIN) - Des nombreuses personnes continuent de fuir le Togo chaque jour pour se réfugier au Bénin, plus de deux mois après les émeutes qui ont suivi la proclamation des résultats très controversés de l'élection présidentielle et provoqué l'exode de dizaines de milliers de togolais, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Entre 20 et 60 réfugiés togolais continuent de demander l'asile après avoir traversé la frontière d'Hilacondji, ont indiqué mardi des responsables du HCR.

Pour la plupart, il s'agit de jeunes gens qui craignent d'être enlevés ou arrêtés la nuit, ont-ils ajouté.

Dans le camp du HCR à Agamé, dans la localité de Lokossa, Benjamin Ahou, 41 ans, est guérisseur traditionnel. Il expliqué comment il a fuit son domicile de Bé Aklassou, à Lomé, parce qu'il craignait d'être arrêté.

Selon lui, la police pensait qu'il avait fait usage de ses pouvoirs surnaturels pour protéger les militants de l'opposition.

« La semaine avant mon départ du Togo, ma femme n'a dit que des individus suspects s'étaient présentés à mon domicile en mon absence », a ajouté Ahou.

« J'ai eu si peur que j'ai amené ma famille chez mes beaux-parents au village. A mon retour, le dimanche, j'ai constaté que ma maison a été saccagée. Alors j'ai vraiment compris que je figurais sur une liste noire et j'ai fui pour refuge au Bénin ».

La vie n'est pas facile à Lomé, a indiqué Ahou. « On surveille tout le monde. Il suffit que tu sortes la nuit et, pour une raison ou pour une autre, tu peux te faire kidnapper, agresser ou battre à mort ».

Un sentiment de peur qui persiste

Malgré les assurances données par le nouveau gouvernement du président Faure Gnassingbe d'aider et de garantir la sécurité des personnes qui retourneront au Togo, seuls quelques-uns des 38 000 réfugiés installés au Bénin et au Ghana au cours des dix dernières semaines sont revenus chez eux.

Comme Ahou, de nombreux autres réfugiés togolais sont récemment arrivés dans les camps du HCR du Bénin, mais les forces de sécurité et des miliciens continuent de poursuivre les opposants au président Gnassingbe.

Agé de 39 ans et diplômé des écoles de commerce françaises et américaines, le nouveau président a été élu le 24 avril. Il succède à son père défunt, Gnassingbe Eyadema, un militaire qui a dirigé le Togo pendant 38 ans.

Mais selon l'opposition, le scrutin présidentiel a été entaché d'irrégularités et la proclamation des résultats à donné lieu à de violentes manifestations politiques.

D'après une organisation des droits de l'homme proche de l'opposition, près de 800 personnes ont trouvé la mort pendant les manifestations de rues organisées par les militants de l'opposition en colère et après la répression des forces de sécurité.

Bien que le calme soit revenu au Togo, le sentiment de peur persiste.

Selon le HCR, très peu de réfugiés sont retournés au Togo par crainte des représailles.

Rien qu'au mois de juin, plus 3 000 nouveaux réfugiés sont arrivés au Bénin et au Ghana, précise le HCR.

Au total, 38 942 réfugiés togolais ont été enregistrés, 23 221 vivant actuellement au Bénin, et plus de 15 000 au Ghana.

A en croire le HCR, 62 pour cent de ces réfugiés sont hébergés chez des parents ou des amis. Les autres vivent dans des camps. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) a lancé cette année un appel de fonds de 1 million de dollars pour le financement de programmes d'éducation, d'assainissement et de soins médicaux pendant 18 mois, en faveur de 8 000 enfants togolais vivant dans des familles ghanéennes.

Le nouveau gouvernement exhorte les réfugiés à rentrer

Le retour des réfugiés est un des points importants de la plate-forme de gouvernement présenté le week-end dernier par le nouveau Premier ministre, Edem Kodjo.

« Le gouvernement s'attellera à résoudre la douloureuse question des réfugiés », a déclaré le Premier ministre le 2 juillet en présentant son programme de gouvernement à l'Assemblée nationale.

Le Premier ministre a également promis de nouvelles lois et mesures « pour aider les togolais à transcender le passé et à aller au-delà de leurs récriminations pour tenter de recréer l'harmonie et retrouver un destin commun».

Pour promouvoir la réconciliation nationale, Kodjo a affirmé qu'il comptait lutter contre le sentiment de méfiance qui existe entre le peuple togolais et l'armée qui, pendant des décennies, a étroitement été contrôlée par le clan Eyadema.

Mais l'appel du Premier ministre aux réfugiés ne semble pas avoir eu un écho favorable auprès des 8 000 Togolais vivant dans les camps de réfugiés d'Agamé et de Comé, dans le sud-ouest du Bénin.

« Nous avons appris sur les ondes que le Premier ministre Edem Kodjo a déclaré qu'il va négocier le rapatriement des réfugiés. Mais comme moi je suis poursuivi, je en peux pas rentrer maintenant », a indiqué Denis Amouzou, un agent commercial de 30 ans.

Kodjovi Sipokpé a 26 ans. Il est imprimeur et vivait à Hedjranahoue, un quartier de Lomé. Selon lui, il a fait partie de la garde rapprochée du leader de l'opposition Gilchrist Olympio. « Moi je ne peux même pas approcher la frontière, a plus forte raison la traverser », a-t-il fait remarquer.

Blandine Wakesso, 20 ans, élève en classe de première, affirme avoir représenté l'opposition dans un bureau de vote. Mais après la proclamation des résultats du scrutin qui, selon l'opposition, a été entaché d'irrégularités, elle a érigé des barricades et jeté des pierres aux forces de l'ordre.

« Avec ce gouvernement, , je ne peux pas retourner au Togo. De toutes les façons, nous voulons le changement», a-t-elle déclaré.

Pour certains collaborateurs de Gnassingbe, de nombreux réfugiés ont choisi d'aller dans les camps parce qu'on y distribue des vivres gratuitement ou pour une hypothétique demande d'asile et une vie plus confortable aux Etats-Unis ou en Europe.

Selon Fatima Issifou, représentante du HCR au camp de réfugiés d'Agamé, de nombreux jeunes parmi ceux qui ont fui le Togo après les combats de rues contre les forces de l'ordre ont, en effet, tenté de convaincre le HCR de les envoyer vivre en Europe.

« Il n'y a pas un jour où je ne reçois pas une vingtaine de jeunes demandant si le HCR peut les aider à rejoindre un frère ou ami en Europe », a-t-elle indiqué.

Mais dans les consulats de France, d'Allemagne et des Etats-Unis, à Cotonou, la capitale du Bénin, les autorités consulaires soulignent qu'il n'y a pas eu d'augmentation significative du nombre de demandes de visa, au cours de ces dernières semaines.

De nombreux réfugiés pensent que, après quatre décennies de pouvoir autoritaire de Gnassingbe père, il y a très peu de chance que leur vie s'améliore sous le régime du fils, soutenu par l'armée.

« J'ai sacrifié toute ma vie ; nous avons de tout temps vécu dans la médiocrité. Mieux vaut essayer de refaire sa vie ailleurs », a confié Kuami Affagnon, 25 ans, qui était venu solliciter l'intervention du HCR pour rejoindre son frère en Italie.

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