9930e séance – après-midi
CS/16080
5 juin 2025
Venue faire le point, cet après-midi au Conseil de sécurité, sur la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) relative à l’élimination du programme d’armes chimiques de la Syrie, la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement s’est réjouie des possibilités qu’offre la « nouvelle réalité politique » dans le pays pour faire progresser ce dossier. Mme Izumi Nakamitsu a qualifié de « louable » la coopération des nouvelles autorités syriennes avec le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), rejointe dans cet avis par l’ensemble des membres de l’organe, à l’exception notable de la Fédération de Russie.
Tout en saluant le dialogue continu des autorités syriennes intérimaires avec l’OIAC, la haute fonctionnaire n’a pas manqué de rappeler que, ces 11 dernières années, cette organisation chargée de mettre en œuvre la Convention sur les armes chimiques a signalé un total de 26 questions en suspens liées à la déclaration syrienne, dont 19 restent non résolues. Elle a une nouvelle fois fait part de la « grave préoccupation » du Secrétariat technique de l’OIAC quant au contenu de ces questions en suspens, qui concernent « de grandes quantités d’agents de guerre chimique et de munitions chimiques potentiellement non déclarées ou non vérifiées ».
À titre d’illustration de la coopération de Damas, Mme Nakamitsu a fait état de l’envoi en Syrie de deux équipes d’experts du Secrétariat technique de l’OIAC, le premier entre le 12 et le 21 mars, le second du 14 au 25 avril, précisant qu’un nouveau déploiement est en préparation. À l’occasion du premier déploiement, a-t-elle indiqué, l’équipe de l’OIAC a pu effectuer des visites initiales dans cinq sites à Damas et ses environs, notamment les installations de Barzé et de Jamraya du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS). Lors du deuxième déploiement, sept sites ont été visités, conformément à la liste des priorités du Secrétariat technique.
La Haute-Représentante a fait savoir que trois échantillons prélevés dans l’un des sites visités sont actuellement analysés en laboratoire. Elle a ajouté que la visite effectuée en avril a aussi permis à l’équipe de l’OIAC de rencontrer les représentants des autorités intérimaires syriennes, ainsi que deux experts syriens qui leur ont fourni « de nouvelles informations qui n’avaient pas été révélées par les anciennes autorités syriennes ».
Après avoir remercié les autorités syriennes intérimaires pour le soutien apporté lors de ces déploiements et pour les assurances apportées en vue des activités futures de l’OIAC en Syrie, Mme Nakamitsu a averti que la tâche à accomplir « ne sera pas facile et nécessitera le soutien de la communauté internationale ». Elle a souligné, à cet égard, l’importance de ressources supplémentaires de la part des États parties à la Convention et des acteurs internationaux concernés, avant d’exhorter les membres du Conseil à s’unir et à faire preuve de leadership en apportant l’appui nécessaire à cet « effort sans précédent ».
Cet appel a été repris par la plupart des membres du Conseil, en particulier par quatre des cinq membres permanents du Conseil. Prenant acte des progrès enregistrés, notamment dans la collecte d’échantillons, le Royaume-Uni a plaidé pour qu’un soutien technique, financier et logistique soit fourni à l’OIAC afin qu’elle s’acquitte de son mandat en Syrie, indiquant avoir déjà versé plus d’un million de dollars pour appuyer ses missions. Sur la même ligne, les États-Unis se sont faits l’écho des demandes de « contributions financières vitales » exprimées par le Directeur général de l’OIAC, M. Alfredo Arias. La Chine a, elle, salué le travail de l’OIAC et les « interactions positives » avec le Gouvernement syrien, tandis que la France soulignait le professionnalisme et l’impartialité des équipes de l’Organisation.
D’une manière générale, les délégations ont applaudi la volonté de coopération manifestée par le nouveau pouvoir syrien. À l’instar de nombre d’autres membres du Conseil, la Slovénie a invité les autorités intérimaires à rester engagées dans cette « voie prometteuse » et à prendre toutes les mesures nécessaires pour remplir pleinement leurs obligations au titre de la Convention. Elle a insisté sur l’urgence de cartographier, sécuriser et détruire avec précision tout site non déclaré lié au développement, à la production ou au stockage d’armes chimiques. En mettant en œuvre ses obligations au titre de la Convention, la Syrie pourra recouvrer ses droits et prérogatives d’État partie, qui ont été suspendus en 2021, a fait valoir la France, non sans rappeler les « immenses espérances » soulevées par la chute, en décembre dernier, du régime de Bachar el-Assad.
La Fédération de Russie a fait entendre un autre son de cloche en dénonçant la « politisation » des travaux de l’OIAC et en estimant que le changement de gouvernance en Syrie n’est pas de nature à favoriser les enquêtes en cours. À l’appui de ses dires, la délégation a relevé qu’une partie significative du territoire syrien est passée sous le contrôle de différents groupes armés et que beaucoup de sites militaires ou importants d’un point de vue industriel ont été soit détruits soit largement endommagés, à la suite des frappes de la coalition occidentale ou d’Israël.
Dans ces conditions, « parler de collecte de nouveaux échantillons sur ces sites ne semble pas relever du possible », a-t-elle affirmé, avant de conseiller au Secrétariat technique de l’OAIC de se concentrer sur une analyse détaillée des matériaux collectés au cours des années précédentes. Observant par ailleurs que ce sont les Occidentaux qui ont « imposé leurs décisions » à l’OIAC et que ces arrangements ont longtemps prévalu s’agissant de la rédaction des rapports, elle a jugé qu’« on ne peut pas faire confiance à cette organisation ».
Plusieurs membres ont également exprimé la crainte que des groupes terroristes exploitent les lacunes sécuritaires de la Syrie et s’emparent d’armes chimiques. Face à ce risque, la Chine a appelé la communauté internationale à rester vigilante, se disant préoccupée par l’intégration d’anciens éléments terroristes dans les forces armées syriennes. Par la voix de l’Algérie, les A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana) se sont alarmés des menaces persistantes de l’EIIL, soulignées par 10 attentats dans le nord-est de la Syrie le mois dernier, avant de saluer la première opération syrienne anti-Daech menée à Alep.
Le représentant de la Syrie, quant à lui, a assuré que son pays est désormais un « partenaire fiable » de l’OIAC et de la communauté internationale. En attestent l’engagement pris par son gouvernement de détruire tous les restes du programme d’armes chimiques développé sous le régime précédent, ainsi que l’aide fournie aux équipes de l’OIAC déployées sur son territoire. Il a souhaité que les États Membres se mobilisent pour soutenir les efforts conjoints de la Syrie et de l’OIAC. La « nouvelle Syrie » pourra ainsi s’acquitter de toutes ses obligations au titre de la Convention et « clore ce dossier une fois pour toute », a-t-il promis.
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La situation au Moyen-Orient (S/2025/330)
Exposé
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a noté que, depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur la question de l’élimination du programme d’armes chimiques syrien, une « nouvelle réalité politique » a continué de se mettre en place en Syrie. Dans ce cadre, a-t-elle souligné, l’occasion est donnée d’obtenir des éclaircissements attendus de longue date sur l’étendue et la portée de ce programme, de débarrasser le pays de toutes les armes chimiques, de normaliser les relations entre la Syrie et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de garantir le respect à long terme de la Convention sur les armes chimiques.
Rappelant que, ces 11 dernières années, l’OIAC a signalé un total de 26 questions en suspens liées à la déclaration syrienne, dont 19 restent non résolues, Mme Nakamitsu a fait part de la « grave préoccupation » du Secrétariat technique de l’OIAC quant au contenu de ces questions en suspens, « car il concerne de grandes quantités d’agents de guerre chimique et de munitions chimiques potentiellement non déclarés ou non vérifiés ». Elle a cependant salué le dialogue continu des autorités syriennes intérimaires avec l’OIAC en vue de régler ces questions en suspens.
Après avoir fait état de l’envoi en Syrie de deux équipes d’experts du Secrétariat technique de l’OIAC, le premier entre le 12 et le 21 mars, le second du 14 au 25 avril, Mme Nakamitsu a annoncé qu’un nouveau déploiement est en préparation. À l’occasion du premier déploiement, a-t-elle précisé, l’équipe de l’OIAC a pu effectuer des visites initiales dans cinq sites à Damas et dans ses environs, notamment les installations de Barzé et de Jamraya du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS). Lors du deuxième déploiement, sept sites ont été visités, conformément à la liste des priorités du Secrétariat technique de l’OIAC. Elle a ajouté que trois échantillons ont été prélevés dans l’un des sites visités et sont actuellement analysés par les laboratoires désignés par l’OIAC. La visite effectuée en avril a aussi permis à l’équipe de l’OIAC de rencontrer les représentants des autorités intérimaires syriennes, ainsi deux experts syriens qui leur ont fourni « de nouvelles informations qui n’avaient pas été révélées par les anciennes autorités syriennes ».
Remerciant les autorités syriennes intérimaires pour le soutien apporté lors de ces déploiements, la haute fonctionnaire a indiqué que des discussions ont également eu lieu sur les exigences relatives à la conduite en toute sécurité des futures activités de l’OIAC en Syrie. Si l’engagement des nouvelles autorités syriennes à coopérer pleinement et en toute transparence est « louable », la tâche à accomplir « ne sera pas facile et nécessitera le soutien de la communauté internationale », a-t-elle affirmé, soulignant l’importance de ressources supplémentaires de la part des États parties à la Convention sur les armes chimiques et des acteurs internationaux concernés. Dans cet esprit, elle a exhorté les membres du Conseil à s’unir et à faire preuve de leadership en apportant l’appui nécessaire à cet « effort sans précédent ».
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