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Trente-neuvième rapport du procureur de la cour pénale internationale au Conseil de sécurité de l’organisation des Nations unies en application de la résolution 1593 (2005)

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RÉSUMÉ ANALYTIQUE

Le présent rapport expose les activités menées par le Bureau du Procureur (le « Bureau ») concernant la situation au Darfour au cours de la période allant de février à juillet 2024.

Le Darfour est aujourd’hui confronté à une véritable tragédie humaine, à une crise humanitaire sans précédent, marquée par des allégations de crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour ») commis à grande échelle. Au cours de la période considérée, le Bureau a intensifié sa collecte d'informations et d'éléments de preuve concernant, entre autres, les crimes liés au genre, les crimes contre les enfants, le ciblage aveugle des populations civiles, les attaques contre les camps de personnes déplacées, les meurtres, les pillages et le bombardement ou le ciblage de biens de caractère civil.

Ces allégations font l’objet d'une enquête ciblée et active du Bureau du Procureur depuis l'annonce faite en juillet 2023 par le Procureur Karim A.A. Khan, KC, à la suite du déclenchement des hostilités à Khartoum le 15 avril 2023 entre les Forces armées soudanaises (« FAS ») et les Forces de soutien rapide (« FSR ») et les groupes armés qui leur sont associés.

L’enquête du Bureau, qui se concentre principalement sur les crimes présumés (y compris les crimes liés au genre et les crimes contre les enfants) commis à Al Geneina et dans les zones environnantes du Darfour occidental, a progressé rapidement au cours des six derniers mois - complétée par des efforts plus récents du Bureau pour suivre et préserver les preuves relatives aux crimes commis à El Fasher. Les progrès réalisés sont dus principalement :

  • au déploiement d’un grand nombre d’enquêteurs sur le terrain au Tchad et dans d’autres pays, qui a permis de renforcer le dialogue avec les communautés touchées et de recueillir des témoignages et d'autres formes de preuves. Dans les camps de réfugiés de l’est du Tchad, le Bureau a entendu des appels répétés et urgents à la justice et a été alerté sur l’absolue nécessité de renforcer l’aide humanitaire. Le Bureau remercie les autorités tchadiennes pour la coopération qu’elles lui ont apportée dans le cadre de ces déploiements ;
  • à l’envoi d’une mission à Port-Soudan afin d’échanger avec les autorités nationales compétentes, ce qui a permis de renforcer la coopération ;
  • à l’instauration pour la première fois d’un dialogue entre le Bureau du Procureur et les chefs tribaux des communautés arabes du Darfour, afin de permettre la communication d’informations pertinentes pour les enquêtes; à la réception continue de réponses à l’appel public à la fourniture d’informations et à la coopération lancé par le Procureur Khan en juin concernant les allégations de crimes internationaux commis au Darfour, y compris à Al Geneina et El Fasher ;
  • à un engagement sans faille avec les partenaires de la société civile au Soudan et dans les pays tiers en vue de renforcer la coopération, le soutien et l’apprentissage mutuel concernant les approches en matière de documentation et des moyens permettant de fournir des informations au Bureau à l’appui de ses enquêtes ; et
  • au recueil et à l’analyse en cours de preuves vidéo, audio et autres preuves documentaires par le Bureau, par l’utilisation notamment de techniques d’enquête avancées à partir de sources ouvertes, en s’appuyant sur la coopération d’un éventail de plus en plus diversifié de partenaires extérieurs.
    Prises ensemble, ces mesures ont permis de réaliser des progrès significatifs dans le recueil et l’analyse des éléments de preuve, ainsi que dans la qualification juridique des faits en rapport avec les allégations de crimes internationaux commis actuellement au Darfour. Au cours de la prochaine période considérée, le Bureau entend prendre des mesures ciblées afin de combler les lacunes restantes en matière de preuves, en vue de présenter, en temps voulu, des demandes de mandats d’arrêt à la Chambre préliminaire de la Cour.

Les progrès réalisés par le Bureau au cours de cette période ont été possibles grâce à la coopération des victimes et des survivants, ainsi que des États et des acteurs non étatiques, de nouveaux partenariats noués par le Bureau afin de diversifier les sources d’information utiles à ses enquêtes. À cet égard, le Bureau a mis un accent particulier sur le dialogue avec les organisations de la société civile, notamment en contribuant au renforcement de leurs capacités à recueillir des informations susceptibles d’être utilisées ultérieurement dans le cadre de procédures judiciaires. Le Bureau continue également de collaborer avec un certain nombre d’États clés afin d’obtenir des réponses aux demandes d’assistance transmises dans un délai favorable à la mise en œuvre de son mandat.

Après l’appel lancé en vue de recueillir des preuves supplémentaires sur les crimes commis au Darfour occidental et alors que l’enquête sur les faits commis dans cette région continuait de s’accélérer, le Bureau a reçu des informations concernant la détérioration de la situation au Darfour Nord et dans sa capitale, El Fasher, et a collaboré avec ses partenaires afin de préserver les preuves pertinentes.

Des activités d’enquête supplémentaires ont également été entreprises afin de renforcer les éléments de preuve recueillis concernant les individus faisant déjà l’objet de mandats d'arrêt.
Ces avancées ont été possibles grâce à l’instauration de nouveaux partenariats et de nouvelles voies de coopération, ainsi que l’accès à de nouveaux témoins dans le cadre des affaires contre MM. Al Bashir, Hussein et Harun.

Outre les activités menées en vue de faire avancer ses enquêtes, le Bureau a poursuivi les efforts déployés dans le cadre du procès en cours contre M. Ali Muhammad Ali Abd-AlRahman (« M. Abd-Al-Rahman »), le premier tenu devant la Cour en réponse au renvoi effectué par le Conseil de sécurité par la Résolution 1593 (2005). La présentation par la Défense de ses moyens est sur le point de s’achever, un témoin supplémentaire devant déposer en septembre 2024, après quoi les parties et les participants soumettront leurs conclusions et observations finales, en espérant qu’une décision sera rendue dans le courant de l’année 2025.

Tout en œuvrant à l’avancée de ses propres enquêtes et poursuites, le Bureau a également fourni, au cours de la période considérée, une assistance significative et concrète aux autorités nationales qui enquêtent sur les crimes commis au Darfour. Le Bureau a ainsi pu répondre à une demande d’assistance et apporter un soutien significatif aux efforts des services répressifs d’un État partie dans le cadre de leur enquête sur un individu soupçonné de jouer un rôle important dans les crimes qui sont actuellement commis au Darfour. Conformément à sa nouvelle politique en matière de complémentarité et de coopération, lancée en avril de cette année, le Bureau a entrepris de renforcer son soutien aux procédures nationales, traduisant ainsi de manière concrète la coopération à double sens avec les autorités nationales qu’il met en oeuvre dans toutes les situations.

Des progrès ont été constatés concernant l’attitude des autorités soudanaises, qui ont répondu à un certain nombre de demandes d’assistance en souffrance et délivré des visas d’entrée au Soudan aux membres du personnel du Bureau du Procureur au cours de la période considérée. Ces progrès restent à consolider, mais le Bureau salue les mesures concrètes prises par les autorités soudanaises au cours des six derniers mois.

Dans cette optique, le Bureau poursuivra, au cours de la prochaine période considérée, son travail et les efforts déployés en vue de juger les auteurs des crimes présumés commis au Darfour conformément à la Résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité des Nations unies, en se concentrant sur les objectifs suivants :

  • Prendre les mesures nécessaires à l’achèvement du procès d’Abd-Al-Rahman.
    • o Après l’audition du dernier témoin de la Défense en septembre 2024, le Bureau soumettra son mémoire en clôture et présentera ses conclusions selon le calendrier établi par la Chambre de première instance.
  • Poursuivre la collecte d’éléments de preuve susceptibles de faire avancer les enquêtes concernant les crimes commis en 2023 et les crimes en cours.
    • o Compte tenu de la dynamique actuelle et de la collecte attendue de preuves supplémentaires, le Bureau sera en mesure de poursuivre et de finaliser ses travaux sur la qualification juridique qui doit être donnée aux actes commis et l’analyse des éléments de preuve recueillis concernant les principaux axes d’enquête. Ce travail servira de base à la rédaction des demandes de mandats d’arrêt concernant les principaux suspects, qui seront présentées en temps utile à la Chambre préliminaire.
    • o La coopération continue des victimes, des témoins et de tous les partenaires sera essentielle au cours de la période à venir pour permettre de nouvelles avancées notables dans ces enquêtes.
  • Consolider les progrès accomplis dans les affaires Al Bashir, Hussein et Harun.
    • o Le Bureau reste déterminé à œuvrer pour que soient jugées les affaires en cours contre ces trois suspects qui sont toujours en liberté. Les efforts visant à recueillir des éléments de preuve essentiels auprès des témoins se poursuivront afin d’étayer les dossiers relatifs à ces affaires.
    • o Parallèlement, le Bureau déploiera tous les efforts et prendra toutes les mesures supplémentaires nécessaires pour localiser les suspects, notamment en s’assurant du soutien et de la coopération des États à cet effet. Afin de soutenir cet effort et d’autres initiatives en ce sens dans toutes les situations portées devant la Cour, le Bureau a mis en place une section spécialisée dans la localisation des suspects et la centralisation des informations.
  • Intensification du dialogue avec les États et les autres partenaires à l'appui de toutes les enquêtes sur le Darfour.
    • o La coopération est essentielle à l’accomplissement de progrès tangibles dans tous les axes d’enquête. Au cours de la prochaine période considérée, le Bureau redoublera d’efforts afin de s’assurer du soutien et de l’assistance de ses partenaires en matière d’échange d'informations et de preuves de facilitation des missions d’enquête, de soutien opérationnel et logistique, et de soutien analytique.
  • Maintenir et renforcer le dialogue avec les communautés touchées et les organisations locales au Tchad, au Darfour et ailleurs.
    • o Le Bureau intensifiera son engagement auprès des organisations de la société civile et les communautés touchées au cours de la prochaine période considérée afin de soutenir ses efforts d’enquête, en s’appuyant sur les échanges passés.
    • o D’autres missions de sensibilisation seront menées dans les camps de réfugiés au cours de la période considérée, en vue de renforcer les relations avec les personnes ayant survécu aux crimes commis au Darfour et de poursuivre les échanges menés récemment avec les dirigeants des communautés arabes du Darfour en vue d’établir un dialogue constructif et permanent entre le Bureau et les dirigeants de ces communautés.
  • Renforcer les mécanismes d’assistance dans le cadre des initiatives de complémentarité prises par les États qui enquêtent sur les auteurs présumés de crimes.
    • o Le renforcement de la complémentarité, tout comme la coopération, demeurent une priorité pour le Bureau, dont l’objectif est d’amener les auteurs de crimes relevant du Statut de Rome à rendre des comptes. Le Bureau continuera, dans la limite de ses moyens et de son mandat, à répondre favorablement aux demandes formulées par les États et à les aider, ainsi que les organisations chargées d’enquêter sur la situation au Darfour, en partageant des informations, des pistes et d’autres formes de soutien.

Dans la poursuite de ces objectifs, le Bureau aura besoin du soutien continu et renforcé de tous ses partenaires, y compris les organisations de la société civile, les partenaires internationaux et les autorités nationales. Avec l’aide et le soutien des États, notamment par la mise à disposition de ressources et de financements, le Bureau entend s’acquitter rapidement de son mandat en obtenant des résultats tangibles permettant de poursuivre les auteurs des crimes commis.

Une catastrophe humaine se déroule actuellement au Darfour, où les attaques contre les civils sont à l’origine de grandes souffrances, dont les conséquences touchent en premier lieu les femmes et les enfants. Il est essentiel que leur douleur ne soit pas exacerbée par notre indifférence. Notre objectif commun, notre engagement collectif, doit être de veiller à faire en sorte que chaque individu, qu’il vive au Darfour, au Tchad ou ailleurs, ait le sentiment que son sort nous importe et que la protection de ses droits appelle à la même urgence que pour tout autre individu dans le monde.