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Sudan

Soudan : Malnutrition à Kalma - Juin 2005

Dans ce camp qui détient le triste record d'être le plus grand du monde, la malnutrition s'installe en ce début de saison des pluies.

La chaleur est écrasante sur ce camp aux cases aussi fragiles que ceux qui les habitent. Ils sont plus de 140 000 déplacés tassés dans ces petites cabanes faites de bâches de plastiques et de tissus fatigués. Le blocus économique mis en place sur le camp de Kalma par le gouvernement fin mai a isolé encore un peu plus cette population angoissée et dans un état de santé précaire. Depuis déjà deux mois, nos équipes ont constaté de plus en plus de cas de malnutrition. Blandine Contamin, responsable du desk urgence, explique « La distribution alimentaire est loin d'être régulière et les rations distribuées sont souvent lacunaires ; l'exemple flagrant est la distribution du mois de mai qui a été reportée au moi de juin et ensuite complètement annulée privant ainsi cette population d'une distribution mensuelle... L'ensemble des ONGs présentes à Kalma fait du lobbying au près des agences des Nations unies en charge de la distribution. On dresse le drapeau attention malnutrition. » Pourquoi, alors que l'aide alimentaire est très présente au Darfour, y a-t-il ces problèmes de malnutrition à Kalma ? Blandine esquisse quelques explications : « Le camp de Kalma est sous très grande pression, le gouvernement cherche à démanteler le camp, à relocaliser certains déplacés sur d'autres sites et là l'instrument alimentaire est très important : affamer une population c'est aussi l'inciter à se déplacer. » Mais elle précise que la malnutrition est apparue dans le camp avant le blocus économique de mai, les raisons politiques n'expliquant donc pas tout.

Parfois les rations sont incomplètes et manquent notamment de sel ce qui peut être fatal en cas de déshydratation pour les nouveau-nés, les femmes enceintes ou encore les personnes âgées (l'essentiel de la population du camp). Notre équipe est en permanence sur le qui-vive. Dans le secteur 8 de ce camp, là où tous les nouveaux arrivants passent, nous avons dressé une tente afin de pouvoir les examiner, de les vacciner et d'évaluer leur état de santé, notamment celui des enfants. C'est un dépistage médical systématique incluant également un dépistage nutritionnel qui nous donne par conséquent une indication sur les courbes de la malnutrition sévère et modérée. « Depuis le début du mois, la tendance est à la hausse à nouveau de la malnutrition sévère au sein de notre clinique : Les enfants sont pour la plupart malades et malnutris. Les cas très sévères de malnutrition et de pathologies associées sont gardés en observation dans notre clinique pour leur prise en charge purement médicale et traités au plan nutritionnel chaque jour par une personne d'Action contre la Faim. Les autres sont référés au centre nutritionnel d'ACF. A la malnutrition s'ajoutent les pathologies habituelles aux situations de crise en milieu précaire : diarrhées sanglantes, aiguës et infections respiratoires accentuées par l'arrivée de la saison des pluies et de ses conséquences dramatiques sur les conditions de vie dans le camp (latrines saturées, terrain inondé, accès boueux ». Laurent Joseph, responsable de la mission, dresse un constat pessimiste « Le Soudan s'installe dans une crise durable : le Sud s'efface de nos mémoires, le Darfour à l'Ouest est violemment secoué tandis qu'à l'Est des tensions sont déjà apparues... Et les principales victimes restent les civils. »

Valérie Dupont

Le programme de Médecins du Monde dans le camp de Kalma

Contexte

La province du Darfour au Soudan est divisée en trois Etats - Darfour Nord, Sud et Ouest. La moitié nord saharienne est parcourue par des nomades chameliers. Au centre et au sud, différentes tribus et populations paysannes cohabitent et se déchirent pour l'eau quand la sécheresse fait rage. Dans ce pays dont les ressources sont rares, l'eau et l'espace sont devenus des enjeux fondamentaux, plus particulièrement depuis la grande sécheresse et la famine des années 1980.

Des infrastructures insuffisantes, l'augmentation de la population (la province compte 6 millions d'habitants, deux fois plus qu'il y a 20 ans) n'ont fait qu'exacerber des tensions palpables depuis des décennies. Après une guerre meurtrière en 1985-1988, qui avait opposé les Fours aux tribus arabes du Soudan, et la prise de pouvoir par ces derniers, l'insécurité n'a pas cessé et les tensions entre tribus se sont poursuivies. Le 25 février 2003, un Front de libération du Darfour (FLD) déclenche l'insurrection. Il prend, en mars 2003, l'appellation d'Armée de libération du Soudan (ALS). Il est rapidement rejoint par le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MEJ).

Les combats et les massacres de civils reprennent en force, menés par les milices Janjawids soutenues officieusement par le gouvernement soudanais. Un cessez-le-feu humanitaire a été signé le 8 avril 2004 entre le gouvernement du Soudan et les deux groupes rebelles. Cet accord requérait "un accès humanitaire rapide et absolu aux populations nécessiteuses de Darfour", et devait être suivi par des négociations en vue d'un "règlement définitif du conflit". Cependant les combats perdurent et un règlement rapide du conflit semble difficilement envisageable. Depuis février 2003, la situation au Darfour est une véritable catastrophe humanitaire avec 300.000 morts, 400.000 réfugiés au Tchad, et 1.85 million de déplacés à l'intérieur du pays (avril 2005).

Des soins de santé primaires d'urgence - Kalma

Suite à plusieurs missions exploratoires, et après de longues démarches administratives la mission de Médecins du Monde a démarré ses activités le 17 juillet 2004 dans le camp de Kalma (17 Km de Nyala, dans le sud du Darfour). Un dispensaire (d'abord sous tentes mais qui ont été remplacées en avril 2005 par des structures semi-permanentes plus hygiéniques et plus solides) offre des soins de santé primaire (en avril 2005 300 consultations en moyenne par jour étaient assurées par des médecins expatriés et locaux) la prise en charge des urgences qui peuvent, si besoin est, être gardées jusqu'à 72 heures au sein d'une unité d'hospitalisation de court séjour.

Le très fort taux de mortalité infantile nous a fait porter une attention particulière sur la santé reproductive : consultations pré- et postnatales, ouverture d'une maternité totalement équipée (depuis début 2005, 4 à 5 accouchements en moyenne ont lieu chaque jour dans la clinique), consultations en planning familial. Un poste destiné à la vaccination de routine a également été mis en place dès le démarrage du programme. En dehors du dispensaire, l'équipe a mis en place un centre de dépistage nutritionnel et médical dans la zone où sont accueillis les nouveaux arrivants, ainsi que deux centres de traitement de la diarrhée, qui n'ont pas désempli depuis leur ouverture en mars 2005. Un laboratoire construit et équipé par Médecins du Monde permet quant à lui de procéder à plus de 250 examens par jour dans des délais très rapides.

En janvier 2005 21 agents de santé ont été formés dans le cadre d'un projet de santé communautaire. Ils sont chargés de faire des visites « à domicile » dans le camp et d'organiser des séances d'éducation à la santé au sein de la communauté.

Par ailleurs une clinique dite mobile est ouverte depuis septembre 2004, 3 fois par semaine, dans un autre camp de déplacés de 11 000 personnes, le camp de Dereij situé à la périphérie de Nyala.

Plus de 150.000 personnes déplacées se sont regroupées sur le camp de Kalma fuyant les exactions et la violence des combats et des bombardements. Leur sécurité et leur protection n'y sont cependant pas assurées. Les violences persistent à l'extérieur comme à l'intérieur du camp : pressions, humiliations, vols, viols, meurtres sont rapportés de manière récurrente. Tout concourt à entretenir un climat d'insécurité et d'intimidation envers les déplacés. Affaiblies, les familles sont dans un état de dénuement total, et sont confrontées à des conditions de vie et d'hygiène déplorables ainsi qu'à une urgence nutritionnelle criante. Les besoins alimentaires sont en effet loin d'être satisfaits (rations alimentaires distribuées incomplètes, retards dans les distributions) et la situation reste extrêmement préoccupante. Médecins du Monde intervient sur le volet de la malnutrition par la détection des cas de malnutrition sévère et modérée et leur transfert dans les structures adéquates.

Nos équipes sont également vigilantes sur l'application du Droit International Humanitaire et sur le respect des droits fondamentaux des populations civiles. Notre « Chargé » de la Protection (protection officer) a pour mandat notamment de s'assurer de l'accès des déplacés à l'aide humanitaire.

L'équipe, composée de 18 expatriés, dont 4 médecins, 4 infirmières et 3 sages-femmes travaille en étroite coopération avec une équipe soudanaise de 140 personnes et fait face à des conditions de travail difficiles. Sur le camp, les abris des déplacés faits de branches et de toiles en plastique sont précaires et résistent mal, selon la saison, aux brûlures du soleil, aux tempêtes de sable ou aux fortes pluies. Les risques épidémiques demeurent, en raison d'une situation sanitaire très précaire (nombre insuffisant de latrines, qualité et quantité d'eau potable non satisfaisantes) et la situation est encore plus préoccupante avec l'arrivée de la nouvelle saison des pluies. La surveillance des maladies à potentiel épidemique (diarrhées aqueuses (y compris choléra) et sanglantes, méningite, rougeole, diphtérie, coqueluche) fait en effet partie intégrante du travail de nos équipes sur place ; un centre d'isolement (3 bâtiments en semi-dur) est notamment prêt pour faire face à une éventuelle épidémie.

Un autre programme a également ouvert également depuis janvier 2005 à Malakal situé dans la région du Haut Nil. Ce programme vise à améliorer l'accès à des soins chirurgicaux de qualité par la réhabilitation et l'équipement du bloc chirurgical et l'accompagnement/formation du personnel soudanais.