
Dans un exposé présenté au Conseil de sécurité de l’ONU, la Directrice générale adjointe de la FAO fait le point sur la crise alimentaire qui frappe le pays
Rome/New York – Il faut intervenir sans tarder, et notamment assurer un accès humanitaire immédiat et sans entraves, pour contrer la famine qui gagne du terrain au Soudan, où près de 25 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. C’est le message qu’a adressé la Directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Mme Beth Bechdol, aux participants à une réunion du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York.
La FAO était invitée à présenter, devant le Conseil de sécurité, un compte rendu sur la situation terriblement préoccupante au Soudan, le troisième plus grand pays d’Afrique étant le théâtre d’un conflit armé qui perdure et de déplacements forcés de populations qui le plongent dans une crise alimentaire sans précédent.
D’après la dernière analyse du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), la moitié de la population – soit 24,6 millions de personnes – souffre d’une insécurité alimentaire aiguë. Il s’agit d’une augmentation de 3,5 millions de personnes depuis juin 2024.
Le plus récent rapport de l’IPC, une initiative multipartite qui vise à améliorer l’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition et la prise de décisions, est le pire jamais établi pour le pays. La famine généralisée et la malnutrition aiguë ont déjà fait des dizaines de milliers de morts dans un pays où près des deux tiers de la population dépendent de l’agriculture.
Lors de la première année du conflit, c’est-à-dire pendant la campagne agricole 20232024, la production de cultures essentielles telles que le sorgho, le mil et le blé a subi un recul de 46 pour cent par rapport à l’année précédente. Cette baisse de production correspond à un volume de denrées qui aurait permis de nourrir quelque 18 millions de personnes pendant un an et représente une perte économique comprise entre 1,3 et 1,7 milliard d’USD.
L’accès restreint des organisations humanitaires exacerbe la situation, tandis que le climat de violence et l’instabilité économique qui règnent dans le pays perturbent les marchés, ce qui fait grimper les prix des aliments de base à des niveaux inabordables.
Après avoir rappelé, lors de la réunion tenue aujourd’hui, que c’était la quatrième fois qu’une situation de famine avait été confirmée dans un pays au cours des 15 dernières années, Mme Bechdol a souligné le rôle déterminant qui incombait au Conseil de sécurité au titre de la résolution 2417, qui met en évidence le lien entre les conflits et la faim.
«Nous devons agir de toute urgence pour remédier à la famine au Soudan», a affirmé Mme Bechdol.
«Si nous n’intervenons pas maintenant, collectivement et à grande échelle, des millions de vies seront encore davantage en péril […], tout comme la stabilité de nombreux pays de la région», a-t-elle ajouté.
Selon Mme Bechdol, il convient de prendre en priorité, avec le soutien du Conseil de sécurité, les mesures suivantes: 1) exercer une influence politique pour mettre un terme aux hostilités et alléger les souffrances de la population soudanaise; 2) assurer un accès humanitaire immédiat et sans entraves, et réouvrir les voies d’approvisionnement commerciales dans de bonnes conditions de sécurité pour remédier aux pénuries actuelles dans les zones les plus touchées par la faim, comme indiqué dans une déclaration récente de la FAO et de ses partenaires du système des Nations Unies; et 3) fournir une assistance humanitaire multisectorielle, notamment une aide agricole d’urgence, indispensable pour assurer la production alimentaire locale, renforcer la résilience et empêcher une catastrophe humanitaire plus grave encore.
L’action de la FAO au Soudan
L’année dernière, grâce à la FAO et à ses partenaires locaux, plus de 2,7 millions de personnes dans 11 États ont reçu plus de 5 000 tonnes de semences de sorgho et de mil; des semences de gombo ont également été distribuées en priorité dans les camps accueillant des personnes déplacées à l’intérieur du pays.
En outre, près de 600 000 ménages agropastoraux ont pu, grâce aux services de vaccination du bétail, aux aliments pour animaux et aux services vétérinaires qui leur ont été fournis, maintenir en vie et en bonne santé leurs animaux, qui constituent une source vitale de nutrition et de revenu.
Cependant, il reste des défis à relever.
Les risques accrus en matière de sécurité auxquels sont exposés les prestataires de services de transport, par exemple, entravent l’accès aux communautés vulnérables, et on observe toujours un décalage entre la réception des financements et le calendrier agricole, ce qui limite la capacité de la FAO d’agir aux moments les plus critiques.
Au cours des 12 prochains mois, comme l’a indiqué Mme Bechdol, la FAO entend intensifier son intervention pour prêter secours à 14,2 millions de personnes, notamment aux agriculteurs, aux éleveurs et aux pêcheurs, en mettant à leur disposition les semences, les aliments pour animaux et le matériel de pêche qui leur permettront de produire eux-mêmes les aliments nutritifs dont ils ont besoin. Pour y parvenir, l’Organisation aura besoin de 156,7 millions d’USD en 2025.
«Parmi celles et ceux qui sont touchés par le conflit, qu’ils soient dans un camp de déplacés ou dans leur communauté d’origine, nul ne veut dépendre de l’aide alimentaire. Chacun souhaite subvenir aux besoins de sa famille et retrouver sa dignité. Si nous tardons à fournir ce soutien, nous risquons d’aggraver l’insécurité alimentaire», a affirmé Mme Bechdol.