PREAMBULE
APRES L'URGENCE
Suite au tsunami du 26 décembre dernier en Asie du sud, Action contre la Faim, déjà présente au Sri Lanka depuis 1996 et en Indonésie depuis 1997, a immédiatement mis en place des programmes d'urgence : en l'espace de 15 jours, 5 avions chargés de 150 tonnes de matériel ont décollé en direction de l'Asie du sud. Des programmes de première urgence de collecte des corps, d'assainissement des rues et des camps, de distribution d'eau potable, d'éducation à l'hygiène... ont été mis en place dès les premiers jours.
40 volontaires et 250 employés locaux sont actuellement sur place en Indonésie et, de 6 avant la catastrophe, ils sont aujourd'hui une trentaine de volontaires et 150 employés locaux au Sri Lanka. Ces professionnels de l'humanitaire travaillent sans relâche depuis le 26 décembre afin de fournir une aide de qualité, adaptée au plus près des besoins des populations. Cette assistance vient aujourd'hui en aide à près de 90 000 Sri-lankais et plus de 100 000 Acehnais.
3 mois après la catastrophe, l'urgence a fait place à une phase de réhabilitation. Cette seconde phase, prévue sur le moyen terme, a pour objectif de redonner une autonomie alimentaire et économique aux populations touchées par le tsunami tout en évitant de créer un assistanat susceptible de nuire à la reprise des activités par les populations elles-mêmes. Plus longue et plus complexe, cette seconde phase interfère avec de nombreux domaines (relance des capacités de production des artisans et des agriculteurs, accès à une eau en quantité et en qualité suffisante de façon pérenne, surveillance alimentaire...) mais également avec de plus larges problématiques liées au contexte de ces deux pays et à la situation humanitaire générale. De nombreux défis sont donc encore aujourd'hui à relever avant que les populations touchées par le tsunami du 26 décembre dernier retrouvent une autonomie pérenne.
Face à cela, la connaissance d'Action contre la Faim tant du Sri Lanka que de l'Indonésie prend plus que jamais son sens pour fournir une aide adaptée aux personnes les plus vulnérables, dans le respect de sa charte d'intervention.
Grâce au soutien de milliers de donateurs (70 000 dons reçus), Action contre la Faim a pu réagir très rapidement et a aujourd'hui les moyens financier, matériel et humain de mettre en place des programmes ciblés à long terme. Face à cet élan de générosité sans précédent, par souci de transparence et afin que l'on n'oublie pas, une fois l'urgence passée, le désarroi des centaines de milliers de victimes, Action contre la Faim fait aujourd'hui un premier bilan de ses activités sur le terrain en Indonésie et au Sri Lanka.
Jean-Christophe Rufin
Président d'Action contre la Faim
SRI LANKA - DE L'URGENCE DE L'EAU AUX PROBLEMATIQUES DE RE-LOCALISATION
LE DEFI DES 3 PREMIERS MOIS : FOURNIR UNE AIDE DE QUALITE MALGRE L'URGENCE
Une urgence: l'eau et l'assainissement
Déjà présente depuis 1996 à Batticaloa, Jaffna et Trincomalee (côte est), Action contre la Faim a tout de suite pris la mesure des événements et a réagi dans les heures qui ont suivi le tsunami. L'urgence était à l'assainissement des lieux de la catastrophe et à l'approvisionnement en eau potable de la population locale afin d'éviter toute propagation d'épidémies. Volontaires expatriés et employés nationaux ont participé, dans les premiers jours, au ramassage des cadavres, avant d'installer des points d'eau potable et des latrines dans les centres de regroupement. Par camion citerne, l'eau a été acheminée et chlorée quotidiennement vers de gros réservoirs consacrés à l'eau de boisson. D'autres installations ont permis à chacun de disposer d'eau de lavage, de cuisson... Dans le même temps, de véritables « camps de transit » ont commencé à se construire pour accueillir les familles jusqu'à ce qu'elles puissent reconstruire leur maison. Action contre la Faim s'occupe, dans certains de ces camps, de mettre au point les installations d'eau et d'assainissement qui permettent et permettront aux rescapés de vivre dignement dans des conditions sanitaires adéquates.
BILAN TOTAL DES ACTIVITES D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT1
Activités dans les 4 bases d'Action contre la Faim au Sri Lanka : Batticaloa, Trincomalee, Jaffna et Ampara.
- Latrines, douches, aires de lavage : 341 pour 9925 bénéficiaires,
- Points d'eau réhabilités, nettoyés, construits : 31 190 bénéficiaires,
- Approvisionnement en eau potable : 200 000 litres / jour,
- Formation à l'hygiène et distribution de kits d'hygiène pour 22 325 personnes.
Nombre total de bénéficiaires des activités d'eau et d'assainissement : 74 240 personnes.
La qualité de l'aide : un principe majeur de l'aide à la réinstallation des familles
Au milieu du chaos qui a suivi les premières semaines de la catastrophe, l'important était d'anticiper d'ores et déjà le retour des déplacés et les moyens de leur réinstallation. Des enquêtes de sécurité alimentaire ont donc été conduites dans nombre de zones pour évaluer avec précision ce dont les populations rescapées avaient besoin pour reprendre leur activité, se réinstaller et ainsi retrouver leur autonomie. Une fois le processus de retour des déplacés enclenché, les équipes d'Action contre la Faim ont commencé à distribuer des kits (de nettoyage, d'hygiène, d'outils, de pêche...) à chaque famille bénéficiaire. Ces distributions ont pour but d'aider les populations à retrouver leur autonomie tout en évitant de créer un assistanat susceptible de nuire à leur développement. Malgré l'urgence, Action contre la Faim n'intervient qu'en fonction des besoins réels des bénéficiaires en mettant en place non pas des distributions aveugles, mais des distributions adaptées en fonction de situations suivies quotidiennement par nos équipes. Dans un contexte aux multiples acteurs et devant l'étendue de la catastrophe, la tentation était de se jeter trop vite dans une action quantitative mais aux conséquences souvent peu pérennes.
BILAN DES DISTRIBUTIONS DE SECURITE ALIMENTAIRE2
Activités dans les 4 bases d'Action contre la Faim.
- Distributions liées à la relance d'activités génératrices de revenus (kits de pêches, ...) pour 5305 bénéficiaires,
- Distributions de kits d'aide à la reconstruction (outils, ustensiles de nettoyage, ustensiles de cuisine...) pour 9432 bénéficiaires.
Nombre total de bénéficiaires des activités de sécurité alimentaire : 14 737 personnes.
AUJOURD'HUI ET DANS LES MOIS A VENIR, DE NOMBREUX DEFIS A RELEVER
Prévisions
La situation se stabilise aujourd'hui sur la côte est du Sri Lanka : le chaos des premières semaines et les difficultés de coordination font place à une aide plus réfléchie et plus ciblée. La situation humanitaire est plus claire et Action contre la Faim profite de ce moment, 3 mois après la catastrophe, pour faire le bilan de son action sur le terrain afin de s'assurer que personne n'a été oublié et de se projeter dans les mois à venir. Nos équipes sont toujours actives dans les camps de transit comme dans les villages pour accompagner le retour des déplacés. A l'heure actuelle, l'aide fournie par Action contre la Faim atteint près de 90 000 personnes. Dans les mois à venir, l'association continuera à maintenir, voir développer, son soutien au processus de retour des déplacés en s'adaptant le plus possible au rythme de ces populations et à leurs besoins. Ce support passera notamment par : - le développement des programmes d'eau et d'assainissement dans les lieux de retour des populations (construction de puits, de latrines...), - par des programmes voués à rétablir la sécurité alimentaire des familles par un support à l'activité économique tant de la pêche que dans d'autres activités génératrices de revenus (artisanat, relance agricole...) ou par des programmes de « cash for work » (réhabilitation de routes...)
Des points qui restent à clarifier
L'avancée des programmes reste liée à l'avancée de certaines problématiques plus générales qui freinent aujourd'hui le bon déroulement de l'aide sur le terrain.
- réorganisation de la gestion de la crise
Le Sri Lanka connaît en ce moment une réorganisation administrative à l'échelle nationale de la gestion de la crise. De nouveaux interlocuteurs ont pris place, ce qui a entraîné un ralentissement de la procédure de délivrance des visas. Action contre la Faim fait donc face à un problème croissant pour envoyer de nouveaux volontaires sur le terrain et renouveler ses équipes en place.
- la réinstallation des populations déplacées : une question épineuse
La loi des « 100 mètres »
Depuis le mois de janvier, une incertitude plane sur la politique utilisée pour la réinstallation des familles déplacées par le tsunami. Pourront-elles se réinstaller là o=F9 elles vivaient ou devront-elles s'établir plus loin du bord de mer selon la loi dite des « 100 mètres » ? Cette loi, déjà existante au Sri Lanka mais rarement mise en application, interdit toutes nouvelles constructions à moins de 100 mètres du front de mer. L'application d'une telle loi aurait un large impact, particulièrement auprès des personnes qui vivent de la pêche et du tourisme. Les déplacés, constitués en grande majorité de pêcheurs, seraient ainsi re-localisés contre leur gré loin de leur implantation d'origine. Cette incertitude retarde aujourd'hui le processus de retour des familles rescapées qui, en attendant d'en savoir plus, restent dans des camps censés être provisoires.
Autre aspect de la question de la réinstallation des familles aujourd'hui en suspens : quel abri proposer aux déplacés le temps qu'ils reconstruisent leur maison ? Un habitat provisoire en dur, qui sous-entend que les déplacés vont rester longtemps dans les camps, ou des abris plus temporaires ? Cette question n'est toujours pas tranchée, et cela retarde d'autant la reconstruction. 150 000 personnes vivent aujourd'hui dans des camps et 250 000 autres dans des familles d'accueil.
Les organisations sur place, dont Action contre la Faim, navigue actuellement entre ces incertitudes : certains programmes en sont freinés, d'autres soudain moins adaptés ou au contraire deviennent prioritaires... Une clarification par les autorités gouvernementales est nécessaire pour le bon déroulement des opérations humanitaires.
Action contre la Faim au Sri Lanka avant le tsunami : - présence depuis 1996 dans le pays auprès des populations déplacées par le conflit opposant les séparatistes Tamouls au gouvernement. - programmes hydrauliques - programmes de sécurité alimentaire.
INDONESIE - ACEH - APRES L'URGENCE ... MISE EN PLACE D'UNE NOUVELLE LOGIQUE D'INTERVENTION
3 MOIS APRES : FIN DE LA PERIODE D'URGENCE ET MISE EN PLACE DE LA REHABILITATION
Dans les premières semaines, une urgence : résoudre les problèmes logistiques pour apporter une aide aux populations les plus isolées
Sur place le 2 janvier, et après une première phase d'évaluation auprès des populations sinistrées de la côte ouest d'Aceh, les équipes ont lancé des programmes d'aide alimentaire et d'eau et d'assainissement à Chalang, Lam'no, Teunom, Arrongang et Samatiga. L'accès à la zone était- et est toujours par endroit - extrêmement difficile et ne pouvait se faire que par hélicoptère ou bateau, les routes et les moyens de communication ayant été détruits par le raz de marée. Face à ces contraintes, le développement des interventions d'Action contre la Faim a suivi une stratégie précise faite d'implantations progressives de bases dédiées à la logistique (Medan, Banda Aceh, Meulaboh) afin que soient approvisionnés dans les meilleurs délais et de façon continue les programmes.
Bilan de l'activité d'Action contre la Faim à Aceh
40 expatriés et 250 employés locaux sont aujourd'hui à pied d'oeuvre dans la province d'Aceh, au Nord de l'île indonésienne de Sumatra. Des travaux d'eau et d'assainissement ont été effectués sur toutes ces bases. Au total, ce sont une centaine de latrines, plusieurs dizaines de douches et d'aires de lavage, de puits nettoyés, de sources réhabilitées, de forages traditionnels qui ont été réalisés. Des distributions alimentaires ont également été accomplies dans toutes ces zones rurales et ce, dès la mi-janvier. Le but de cette première phase était de répondre à l'urgence de la situation en apportant une aide directe aux victimes.
BILAN DES DISTRIBUTIONS ALIMENTAIRES
Distribution alimentaire générale dans 12 zones (Lam'no, Teunom, Arrongang, Krueng Sabe, Samatiga, Chalang...)
Distributions constituées d'huile, de riz, de poissons, de biscuits et de nouilles soit environ 3000 tonnes de nourriture sur 3 mois.
Nombre total de bénéficiaires de l'aide alimentaire:
- Janvier : 26 631 personnes
- Février : 71 000 personnes
- Mars : 89 000 personnes
BILAN TOTAL DES ACTIVITES D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT
Latrines, douches, aires de lavage : 710 Points d'eau réhabilités : 310
Approvisionnement en eau potable : 42 000 litres / jour nombre de bénéficiaires des activités d'eau et d'assainissement : environ 20 000 personnes.
AUJOURD'HUI : DEBUT D'UNE NOUVELLE LOGIQUE D'INTERVENTION
Après 3 mois de programmes d'urgence, Action contre la Faim souhaite aujourd'hui mettre en place des programmes de réhabilitation davantage tournés vers le retour des populations déplacées sur leur zone d'origine et l'aide à leur réinstallation. Ce, dans le but de suivre au plus près les besoins et d'aider les populations d'Aceh à retrouver leur autonomie. Cette nouvelle orientation se concrétise par des programmes ayant un impact concret sur l'autonomie des familles à travers : - des activités génératrices de revenus (programmes de « cash for work » : nettoyage des champs...) pour les activités communautaires villageoises, - des programmes de relance des capacités de production agricole afin de garantir la sécurité alimentaire des familles, - des programmes d'eau et d'assainissement dans les camps auprès des populations qui y restent, mais également dans les villages pour celles qui se réinstallent. - un programme commun entre Action contre la Faim et l'Institut de Recherche et Développement afin d'apporter des solutions durables aux problèmes de qualité de l'eau des populations d'Asie victimes du tsunami. Ce programme se déroulera en deux temps : l'un consacré à l'étude des mécanismes de « pollution » naturelle et humaine de l'eau, et l'autre à la mise en place de solutions adaptées.
CONTEXTE HUMANITAIRE : UNE REGION EN PLEINE EBULLITION
De la même manière qu'au Sri Lanka, certaines questions transversales guident l'intervention d'Action contre la Faim sur place et sont révélatrices de la situation humanitaire actuelle du pays.
Une population extrêmement dynamique
La province d'Aceh est en pleine activité. Acehnais, Indonésiens, expatriés humanitaires... travaillent d'arrache-pied pour reconstruire les zones touchées et retrouver une activité économique normale. La détermination, le dynamisme et la motivation des populations d'Aceh pour se relever au plus vite est remarquable. De nombreuses routes, largement détruites par le tremblement de terre, sont en cours de reconstruction et certaines liaisons entre les villes de la côte ouest s'en trouvent donc un peu plus facilitées. Pour Action contre la Faim, présente sur 130 kilomètres de la côte ouest d'Aceh, la logistique est en effet un aspect fondamental. La majeure partie de nos bases n'est encore accessible que par hélicoptère et par bateau. Mais, si la tâche est encore immense, Aceh est sur la bonne voie.
Des discussions en cours pour rationaliser l'aide
Organisations non gouvernementales, agences des Nations unies et gouvernement indonésien se concertent actuellement afin de consolider les différentes évaluations effectuées ces dernières semaines. Cet état des lieux doit rapidement permettre de préciser la nature des besoins et d'assurer de façon concertée les activités de réhabilitation et de reconstruction. La date limite de la mise au point de cette stratégie était fixée au 26 mars, mais cette date a été repoussée d'au moins un mois afin de recueillir davantage d'informations.
Note:
1 Au 11 mars 2005.
2 Au 11 mars 2005
(pdf* format - 872 KB)