À l’attention des Représentants permanents des États Membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
Madame, Monsieur le Représentant permanent,
En amont de la 58 ème session ordinaire du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ci-après « CDH » ou « Conseil »), qui se tiendra du 24 février au 4 avril 2025, nous, les organisations non gouvernementales soussignées, vous écrivons afin d’exhorter votre délégation à soutenir l’élaboration et l’adoption d’une résolution forte sur la situation des droits humains au Soudan du Sud.
La résolution devrait, entre autres éléments, prolonger le mandat du mécanisme d’enquête existant, la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud (CHRSS , selon son acronyme anglais), dans son intégralité, pour deux ans, et demander à la CHRSS de faire régulièrement rapport au Conseil, notamment quant à la présence de facteurs de risque d’atrocités criminelles.
Lors de sa 55 ème session, en avril 2024, le Conseil a adopté la résolution 55/1, par laquelle il a renouvelé le mandat de la CHRSS avec une marge de voix accrue (21 pour, 8 contre) par rapport à avril 2023 (lorsque la résolution 52/1 avait été adoptée par 19 voix contre 9). Ce résultat était conforme aux attentes exprimées par la société civile dans une lettre commune. Dans celle-ci, la société civile avait souligné que la CHRSS est « seul mécanisme ayant pour mandat de recueillir et de conserver des élé ments de preuve concernant les violations du [droit international] » dans le but de garantir la reddition des comptes et « traitant les questions relatives aux droits humains de façon globale ». Les signataires ont souligné que « les conditions qui ont poussé le CDH à mettre en place la [CHRSS], en 2016, n’[avaient] pas fondamentalement changé » et que de graves violations, la violence et l’impunité restaient omniprésentes dans le pays.
La lettre avait été rendue publique alors que l’incertitude entourait les préparatifs des premières élections nationales du pays, qui devaient avoir lieu en décembre 2024. Des questions cruciales restaient en effet sans réponse, notamment sur le type d’élection, l’inscription des électeurs et des partis politiques, la délimitation des circonscriptions et la gestion des litiges électoraux. Des tâches fondamentales nécessaires pour que les citoyens se rendent aux urnes n’étaient pas remplies. L’absence d’une masse critique de conditions préalables, ainsi que les graves restrictions imposées à l’espace civique et démocratique, avaient conduit la société civile à souligner les facteurs de risque de violence s et de violations associés à l’incapacité du Soudan du Sud à organiser des élections libres, équitables, sûres et crédibles.
Un an plus tard, et près de 14 ans après l’indépendance du Soudan du Sud, en 2011, le pays n’a toujours pas connu d’élections. En septembre 2024, le Gouvernement d’unité nationale de transition revitalisé (RTGoNU) a annoncé que la Constitution de transition du Soudan du Sud serait modifiée pour prolonger de deux ans les dispositions de gouvernance transitoire (et donc la période de transition) décrites dans l’Ac cord revitalisé de 2018 sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud (R -ARCSS). En conséquence, les élections nationales ont été reportées. Elles sont désormais censées avoir lieu en décembre 2026, et la période de transition est censée prendre fin en février 2027. Dans un communiqué, le ministre en charge des Affaires ministérielles a déclaré que la prolongation intervenait en « réponse aux recommandations des institutions électorales et du secteur de la sécurité ». Les analystes ont cependant souligné l’incapacité et la réticence du RTGoNU à créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections. L’ONU a qualifié le report d’« inévitable, mais regrettable » et exhorté les dirigeants sud-soudanais à prendre de toute urgence des mesures pour atteindre les objectifs fixés dans le R-ARCSS.
Il s’agit de la deuxième prolongation consécutive de la période de transition. En août 2022, la période de transition et les modalités de gouvernance associées avaient déjà été prolongées de deux ans, et les élections reportées de décembre 2022 à décembre 2024. Ce nouveau report reflète l’échec des dirigeants sud-soudanais à mettre en œuvre le R-ARCSS et à honorer leur engagement d’ouvrir une nouvelle ère pour le pays. La frustration des citoyens s’est notamment cristallisée dans une déclaration de la société civile sud-soudanaise : « Notre peuple est appelé à faire un choix impossible : soit se précipiter dans une série de processus de transition qui n’ont pas été suffisamment préparés […] et qui ont le potentiel d’exacerber le conflit, soit accepter une nouvelle prolongation d’un accord de transition qui maintient au pouvoir des dirigeants qui n’ont pas réussi à instaurer une paix durable dans le pays ».
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