Isolda Agazzi
GENEVE, 21.06.07 (InfoSud) Après plusieurs tentatives de paix infructueuses, une conférence de réconciliation devait s'ouvrir le 14 juin à Mogadiscio, mais elle a été reportée d'un mois. Les Somaliens de tous les clans pourront y participer. La Suisse met à la disposition Julian Hottinger, un de ses experts en médiation.
"La situation en Somalie dépasse l'imaginable : vivons-nous vraiment sur la même planète ?" s'insurge Ghanim Alnajjar, l'expert indépendant sur la Somalie venu présenter son rapport à la dernière session du Conseil des droits de l'homme, en juin à Genève. "La communauté internationale a trop longtemps négligé ce pays. Le moment est venu d'agir."
Justement, une conférence nationale de réconciliation devait s'ouvrir le 14 juin à Mogadiscio, mais elle a été repoussée d'un mois. Censée être portée par les Somaliens eux-mêmes, elle est soutenue par la communauté internationale.
"Depuis la chute de Siyad Barré en 1991, il y a eu quinze processus de réconciliation, mais ils se sont tous soldés par un échec. Cependant, aujourd'hui toutes les factions somaliennes semblent prêtes à négocier, avec le soutien des principaux pays de la région : l'Ethiopie, l'Erythrée, le Kenya et Djibouti. Une charte fédérale de transition a été âprement négociée entre 2002 et 2004 et elle va constituer la base de discussion", explique Julian Hottinger, expert en médiation du gouvernement suisse, mis à la disposition du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour aider à organiser la conférence.
Pour Hassan Shrike Sheik, du Réseau des défenseurs des droits de l'homme de la corne orientale de l'Afrique, qui s'exprimait lors d'une table ronde organisée en marge du Conseil des droits de l'homme à Genève "la conférence va se tenir à Mogadiscio, alors que les autres avaient eu lieu hors du pays. Cela veut dire que tout le monde pourra y participer - femmes, vieillards, bergers et paysans. Elle sera le produit de la société civile, alors qu'avant c'étaient les seigneurs de la guerre qui désignaient leurs représentants. Regardez le Somaliland, qui a adopté le même processus participatif et o=F9 la paix tient toujours !"
Une conférence pour quoi faire?
Pour Julian Hottinger, "le but de la conférence est de bâtir un Etat qui sera probablement fédéral dans un pays o=F9 le chaos règne depuis 1991. Il y a bien un gouvernement fédéral de transition, mais il manque de légitimité, car il représente surtout le clan Daarod. La conférence vise donc à élargir sa représentativité en y incluant les quatre autres clans." Les tribunaux islamiques aussi ? "Oui, mais sous leur identité clanique - ils sont issus de la tribu Hawiya et ont étudié pour la plupart au Moyen-Orient, ce qui explique leurs positions plus conservatrices - et non religieuse."
On se souvient qu'en juin 2006 les chefs des tribunaux islamiques s'étaient emparés du pouvoir à Mogadiscio et qu'en janvier 2007 le gouvernement fédéral de transition, avec l'appui des troupes éthiopiennes, avait réussi à les renverser.
Pas de paix sans les droits de l'homme
Pour Hassan Shrike Sheik, "le processus de paix doit être intimement lié à la recherche de la vérité et à la lutte contre l'impunité. Les violeurs des droits de l'homme ne doivent pas devenir les chefs de demain. Les mauvais éléments doivent être éloignés alors que les bons, qui se trouvent souvent à l'étranger doivent avoir leur chance."
Ghanim Alnajjar, l'expert de l'ONU, appelle toutes les victimes à réclamer le droit à la vérité. "La paix en Somalie ne doit pas être bâtie sur l'impunité."
Qui va venir sous l'arbre à palabres?
Pour Julian Hottinger, "la conférence peut durer des mois. Il est extrêmement laborieux de parvenir à un consensus entre des clans qui se sont toujours affrontés et qui, de plus, ont une tradition essentiellement orale."
Mais Ghanim Alnajjar est confiant : "Oui, il y a un espoir pour la Somalie ! Depuis le 11 septembre le pays a été traité comme un repaire de terroristes et a souvent été comparé à l'Irak. Or, les deux situations ne sont pas du tout les mêmes. La Somalie est une société clanique et la paix y est possible. Pourvu d'y inclure tous les clans." Mais alors que la conférence a été renvoyée d'un mois - et ce pour la troisième fois consécutive - il va falloir s'armer de beaucoup de patience sous l'arbre à palabres de Mogadiscio.