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Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo - Rapport du Secrétaire général (S/2024/741)

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I. Introduction et priorités de la Mission

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par laquelle celui-ci a créé la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et prié le Secrétaire général de lui rendre compte à intervalles réguliers de l’application du mandat de la Mission. On y retrace les activités de la Mission et les faits nouveaux s’y rapportant, pour la période allant du 16 mars au 15 septembre 2024.

2. La MINUK a toujours pour priorité de promouvoir la sécurité, la stabilité et le respect des droits humains au Kosovo et dans la région. Pour atteindre ses objectifs, elle poursuit sa collaboration constructive avec Pristina et Belgrade ainsi qu’avec l’ensemble de la population du Kosovo et tous les acteurs régionaux et internationaux. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) continuent de s’acquitter du mandat qui leur a été confié dans le cadre de la résolution 1244 (1999). La mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo maintient sa présence, conformément à la déclaration de la présidence du Conseil de sécurité en date du 26 novembre 2008 (S/PRST/2008/44) et au rapport du Secrétaire général en date du 24 novembre 2008 (S/2008/692). Les organismes, fonds et programmes des Nations Unies collaborent étroitement avec la Mission.

II. Principaux faits nouveaux sur le plan politique, y compris concernant le dialogue facilité par l’Union européenne

3. Au cours de la période considérée, l’application des accords facilités par l’Union européenne entre Belgrade et Pristina n’a que peu progressé. Les autorités du Kosovo ont pris une série de mesures qui ont eu des répercussions sur la vie quotidienne des Serbes du Kosovo et des autres communautés non majoritaires. Pristina a de nouveau affirmé que ces mesures étaient destinées à faire respecter l’état de droit et ne visaient pas particulièrement les Serbes du Kosovo. Néanmoins, à chaque fois que les autorités du Kosovo ont appliqué une mesure qui n’avait pas fait l’objet de consultations et d’un consensus avec les représentants des Serbes du Kosovo et dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina, de nombreux Serbes du Kosovo l’ont perçue comme antagoniste. Les autorités du Kosovo ont également fermé plusieurs institutions financées par la Serbie et ont fait part de leur intention de rouvrir le pont principal de Mitrovica à la circulation automobile, un projet qui suscite la contestation et qui a pris une allure de symbole.

4. La directive de la Banque centrale du Kosovo faisant de l’euro la seule monnaie légale pour les transactions en espèces a continué d’entraver les droits économiques et sociaux des Serbes et d’autres communautés non majoritaires du Kosovo, en particulier les Roms. En outre, le 20 mai, le Service de police du Kosovo a fermé des bureaux de la Caisse d’épargne postale serbe dans les quatre municipalités du nord et perquisitionné des bureaux de l’administration du trésor du Gouvernement de Serbie à Mitrovica-Nord. Le Directeur du Bureau pour le Kosovo-Metohija du Gouvernement serbe, Petar Petković, a affirmé qu’il s’agissait d’une escalade et d’une « attaque violente contre le dialogue ». À Pristina, le Ministre des affaires intérieures, Xhelal Sveçla, a déclaré que cette mesure avait été prise « pour établir la légalité ». Les résidents concernés doivent à présent franchir la frontière administrative pour percevoir leur salaire, leur pension et les aides sociales du Gouvernement serbe.

5. L’Union européenne a organisé six réunions à Bruxelles pour tenter de résoudre la question du dinar, mais aucun accord n’a été trouvé. La dernière réunion de ce type entre les négociateurs en chef et le Représentant spécial de l’Union européenne pour le dialogue entre Belgrade et Pristina et les autres questions régionales concernant les Balkans occidentaux, Miroslav Lajčák, s’est tenue le 15 mai.

6. Le 5 août, le Service de police du Kosovo a fermé les neuf bureaux de la poste de Serbie dans le nord du Kosovo au motif qu’ils opéraient sans licence. Ces fermetures ont entraîné la suppression de services financiers et postaux essentiels pour les résidents, tels que les transferts d’argent, le traitement de paiements en lien avec des institutions serbes, notamment dans le domaine de l’éducation et des soins de santé, la distribution de factures de services publics et le versement de prestations sociales. Dans le reste du Kosovo, les bureaux de poste gérés par les Serbes restent opérationnels, mais leurs services sont fortement réduits.

7. Le 30 août, le Service de police du Kosovo a fermé les quatre derniers bureaux municipaux et un bureau de district régional gérés par le Gouvernement serbe dans le nord du Kosovo et fouillé un bâtiment de l’hôpital sous gestion serbe dans le district de Mitrovica-Nord. Le gouvernement du Kosovo a confirmé la fermeture, déclarant que les bureaux concernés étaient des « institutions parallèles et illégales d’autoadministration locale » dont l’existence violait les lois et la constitution du Kosovo.

8. L’Union européenne et le Quint (Allemagne, États-Unis d’Amérique, France, Italie et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) ont exprimé leur préoccupation et leur déception concernant les fermetures des bureaux municipaux et des bureaux de poste et demandé à Pristina de s’abstenir de prendre toute mesure unilatérale. Les États-Unis et l’Union européenne ont fait valoir que les questions relatives aux structures sous gestion serbe au Kosovo devaient être résolues dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina. La Représentante spéciale du Secrétaire général pour le Kosovo a déclaré que de telles actions sapaient les efforts déployés pour maintenir la sécurité, la stabilité et la paix.

9. En réaction à la fermeture des institutions dans le nord du Kosovo, le 6 septembre, des activistes serbes ont bloqué la circulation à trois points de passage entre la Serbie et le Kosovo, ne laissant passer que des véhicules médicaux et des personnes munies de documents de voyage serbes. Les manifestants ont demandé que le Service de police du Kosovo se retire du nord du Kosovo, que les Serbes du Kosovo qui avaient été arrêtés soient libérés, que les « Albanais du Kosovo ayant commis des crimes » soient arrêtés et que la communauté internationale sanctionne le gouvernement du Kosovo. Ils ont également demandé que la MINUK et la Force internationale de sécurité au Kosovo s’acquittent du rôle que leur conférait la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Le 6 septembre, les autorités du Kosovo ont fermé les points de passage concernés et conseillé à tous les résidents d’éviter de voyager en Serbie. Les activistes serbes ont levé leurs barrages le 7 septembre, après quoi les autorités du Kosovo ont rouvert les points de passage concernés.

10. La pétition visant à lancer le processus de destitution des maires dans les quatre municipalités du nord à majorité serbe ayant porté ses fruits, les élections se sont tenues le 21 avril. Toutefois, le seuil minimum fixé pour la destitution, à savoir 50 % des personnes inscrites sur les listes électorales, n’a pas été atteint. Le parti de la Liste serbe avait annoncé un boycott, déclarant qu’il doutait de l’exactitude des listes électorales et qu’il était préoccupé par la présence prévue de caméras dans les centres de vote, et, partant, que le seuil fixé pour que la destitution prenne effet n’était pas réaliste. L’Union européenne et le Quint ont déploré le faible taux de participation.

11. Dans les semaines qui ont suivi, les maires de Zubin Potok et de Zvečan/Zveçan, dans le nord du Kosovo, qui exerçaient leurs fonctions dans des locaux de substitution depuis les violentes manifestations de mai 2023, se sont installés dans les bâtiments municipaux.

12. Le 11 juillet, des Serbes du Kosovo employés par des institutions financées par la Serbie dans la municipalité de Štrpce/Shtërpcë, dans le sud du Kosovo, ont été convoqués par la police afin d’être interrogés et ont été accusés d’« atteinte à l’ordre constitutionnel ».

13. Le 3 août, sur ordre du Bureau du Procureur spécialisé du Kosovo, le Service de police du Kosovo a arrêté cinq Serbes du Kosovo pour des crimes de guerre présumés. Le Ministère des affaires étrangères de Serbie a condamné ces arrestations, affirmant qu’elles procédaient d’une campagne plus large visant à « intimider et à expulser le peuple serbe ». Les accusés ont été placés en détention provisoire pendant 30 jours. Une manifestation pacifique a eu lieu le 5 août dans le village de Pasjane/Pasjan, où des centaines de Serbes du Kosovo se sont rassemblés pour protester contre les arrestations, critiquer la communauté internationale pour son inaction et demander la protection de la Force internationale de sécurité au Kosovo.

14. Le gouvernement du Kosovo a soulevé la question de l’ouverture du pont principal de Mitrovica. Le 30 mai, le commandant régional adjoint du Service de police du Kosovo a déclaré que ce pont serait ouvert « très prochainement » à la circulation automobile, en réponse à quoi des membres de la communauté internationale ont réaffirmé que cette question devait être examinée dans le cadre du dialogue facilité par l’Union européenne. Le pont sur la rivière Ibar/Ibër est fermé aux véhicules depuis 2014. La Force internationale de sécurité au Kosovo a réagi en déclarant qu’elle continuerait d’assurer la sécurité et de patrouiller sur le pont principal et à proximité de celui-ci, et demandé à son tour que cette question fasse l’objet d’un accord dans le cadre du dialogue. Le 17 juillet et le 2 août, le Premier Ministre du Kosovo, Albin Kurti, a rencontré les ambassadeurs du Quint et le Chef du Bureau de l’Union européenne au Kosovo et présenté le plan du gouvernement pour la réouverture du pont.

15. Le 7 août, de nombreux Serbes du Kosovo se sont rassemblés pacifiquement à Mitrovica-Nord pour protester contre le projet de réouverture du pont. Le lendemain la municipalité de Mitrovica-Nord a organisé un débat ayant pour thème « la coopération interethnique, l’administration municipale au service de la sécurité communautaire, la coopération entre les institutions et la société civile », auquel peu de Serbes du Kosovo ont participé. Le même jour, une altercation a eu lieu entre le
Service de police du Kosovo et les dirigeants de Démocratie serbe, après que des ouvriers ont commencé à peindre par-dessus le drapeau serbe sur une place publique à Mitrovica-Nord. Le chef de Démocratie serbe et son adjoint ont été arrêtés, puis relâchés peu après.

16. Le 11 août, le Président de la Serbie, Aleksandar Vučić, a déclaré que Pristina prévoyait d’ouvrir le pont par la force et demandé instamment à la Force internationale de sécurité au Kosovo de ne pas permettre que celui-ci soit ouvert de manière « unilatérale ». La Représentante spéciale du Secrétaire général a souligné qu’il convenait d’« éviter toute mesure unilatérale susceptible d’accroître les tensions, de mettre en péril la stabilité et de saper la confiance entre les communautés ». Le 13 août, alors qu’il était interrogé sur la proposition de l’Union européenne d’inscrire cette question à l’ordre du jour de la prochaine réunion de dialogue à Bruxelles, M. Kurti a répondu que la question du pont avait été résolue en 2016-2017 et que celui-ci « devait être ouvert ». Le même jour, plus de 400 femmes des quatre municipalités du nord ont adressé une lettre à la Force internationale de sécurité au Kosovo, l’exhortant à ne pas autoriser l’ouverture du pont pour des raisons de sécurité.

17. Dans ce contexte, le dialogue facilité par l’Union européenne a continué de stagner. Le 17 mars, le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a marqué l’anniversaire de l’Accord sur la voie de la normalisation des relations et de l’Annexe relative à sa mise en oeuvre, notant que les deux parties avaient réalisé des progrès « très limités » dans l’acquittement de leurs obligations.

18. Le 26 juin, M. Borrell a présidé des réunions bilatérales de haut niveau avec M. Kurti et avec M. Vučić à Bruxelles afin de poser les bases d’une réunion trilatérale ultérieure. Toutefois, la réunion trilatérale n’a pas eu lieu. M. Borrell a ensuite déclaré que M. Kurti n’était pas prêt pour cette réunion et qu’il avait posé trois conditions pour que Pristina « participe plus avant au processus de normalisation au sens large », à savoir : a) la signature, et, partant, la formalisation, de l’Accord ; b) le retrait de la lettre transmise le 13 décembre 2023 par l’ancienne Première Ministre de Serbie, Ana Brnabić, au Service européen pour l’action extérieure ; c) la remise aux autorités judiciaires du Kosovo des auteurs des faits survenus à Banjska/Banjskë. Selon M. Borrell, M. Vučić était disposé à participer à la réunion trilatérale, mais non à satisfaire pleinement aux conditions de M. Kurti, ce qu’il a justifié par l’existence de contraintes constitutionnelles, tout en indiquant qu’il était prêt à étudier d’autres possibilités.

19. Une réunion de suivi s’est tenue le 2 juillet à Bruxelles entre les négociateurs en chef et M. Lajčák, l’objectif principal étant de discuter de la finalisation du plan de séquencement de l’Annexe relative à la mise en oeuvre de l’Accord. Les discussions n’ont permis aucun progrès.

20. Le 13 septembre, M. Vučić a annoncé que la Serbie prendrait une série de mesures en réponse à celles prises par Pristina « contre les institutions serbes ». Il a également listé plusieurs conditions nécessaires pour faire avancer le processus de dialogue avec Pristina. Ainsi, il a demandé la réintégration des Serbes du Kosovo dans les structures policières et judiciaires du Kosovo ainsi que la tenue d’élections locales dans le nord du Kosovo. En outre, il a appelé à la création de l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe et à la réouverture des services financiers et postaux sous gestion serbe qui avaient été fermés et demandé que les unités d’opérations spéciales du Service de police du Kosovo se retirent du nord du Kosovo. Le 16 avril, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a recommandé que le Kosovo soit invité à devenir membre du Conseil et que l’organisation surveille qu’il s’acquitterait de plusieurs engagements et obligations après son adhésion. Elle a noté que la création de l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe constituerait « une étape importante » s’agissant de garantir la protection des droits des Serbes du Kosovo et devrait être considérée « comme un engagement faisant suite à l’adhésion ».

21. M. Vučić avait déclaré auparavant que la Serbie envisagerait de quitter le Conseil de l’Europe si le Kosovo y était admis et promis de « lutter » contre la demande d’adhésion de ce dernier. À la suite de cette déclaration, le porte-parole du Service européen pour l’action extérieure a déclaré que le lobbying de la Serbie contre la candidature du Kosovo à des organisations internationales violait clairement l’Accord de 2023.

22. En amont de la réunion du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe des 16 et 17 mai, l’Allemagne et la France ont souligné l’importance pour Pristina, dans le cadre de sa demande d’adhésion à l’organisation, de progresser de manière tangible vers la création de l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe. Dans une lettre conjointe adressée à M. Kurti, le Chancelier de l’Allemagne, le Président de la France et la Première Ministre de l’Italie ont demandé au Kosovo de transmettre le projet de statut de l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe proposé par l’Union européenne à la Cour constitutionnelle du Kosovo pour que celle-ci l’examine. Il était en outre précisé dans la lettre que la proposition de M. Kurti tendant à préparer un nouveau projet de statut à envoyer au Conseil de l’Europe pour examen « risquait de compromettre encore davantage le dialogue facilité par l’Union européenne ». La candidature du Kosovo au Conseil de l’Europe reste en attente.

23. Plusieurs restrictions à la liberté de circulation ont été mises en place par Belgrade et Pristina. Le 17 avril, des centaines de personnes du Kosovo, dont des policiers, ont été arrêtées pendant plusieurs heures à différents points de passage de la frontière serbe. Le Ministère de l’intérieur de la Serbie a annoncé que quatre personnes, dont le Directeur adjoint du Service de police du Kosovo, avaient été arrêtées. Elles ont été libérées le jour suivant. La Présidente de l’Assemblée nationale de Serbie a déclaré que cette mesure était destinée à défendre l’ordre constitutionnel de la Serbie. M. Kurti a qualifié ces actions de « représailles contre les civils du Kosovo », au lendemain du vote de l’Assemblée parlementaire en faveur de l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe. Le porte-parole du Service européen pour l’action extérieure a déclaré que les « mesures unilatérales et non coordonnées » de Belgrade violaient l’Accord de 2011 sur la liberté de circulation.

24. Le 13 mai, les autorités du Kosovo ont empêché le patriarche Porfirije et sept autres hiérarques de l’Église orthodoxe serbe d’entrer au Kosovo pour assister à la Sainte Assemblée des évêques de l’Église orthodoxe serbe au Patriarcat de Peć, dans la municipalité de Pejë/Peć. Les autorités du Kosovo ont déclaré qu’elles avaient refusé l’entrée sur leur territoire aux personnes concernées parce que « la Serbie continue de violer l’Accord de Bruxelles ». Le Quint et l’Union européenne ont déclaré que cette décision était contraire au plan Ahtisaari. Le 26 juin, M. Petković s’est vu refuser l’autorisation de se rendre au Kosovo pour la fête nationale serbe de la Vidovdan.

25. Le 9 mai, le Ministère de l’intérieur du Kosovo a lancé un processus visant à remplacer les permis de conduire délivrés par la Serbie aux personnes résidant au Kosovo par des permis délivrés par le Kosovo. Il a indiqué que 6 509 demandes de nouveaux permis avaient été reçues, dont 5 732 provenant du nord du Kosovo.

26. Le 16 août, la Présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, a annoncé que les prochaines élections générales régulières au Kosovo se tiendraient le 9 février 2025. Ce serait la première fois que les élections ne sont pas anticipées depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo en 2008.