Préface
À l'échelle mondiale, plus de deux milliards de personnes souffrent de carences en micronutriments, que l’on appelle la faim « cachée ». Ces carences, définies comme le manque d'un ou de plusieurs des vitamines et minéraux essentiels nécessaires à la croissance, au développement et au fonctionnement sains, affectent toutes les catégories d’âge et tous les groupes socio-économiques.
La faim cachée influe sur le développement socioéconomique des ménages et des pays. Ses conséquences à court et à long terme sont notamment la mortalité maternelle et infantile, l’aggravation des maladies, le retard mental et un mauvais développement cognitif et physique. Tous ces facteurs ont un impact négatif sur le PIB d’un pays. Comme l'affirment les séries Lancet de 2008 et 2013 sur la nutrition maternelle et infantile, le Consensus de Copenhague de 2012 et le Mouvement mondial pour le renforcement de la nutrition (SUN), la fortification en micronutriments est l'une des stratégies les plus rentables pour réduire la malnutrition.
Le riz est un aliment de base pour plus de trois milliards de personnes dans le monde et peut contribuer jusqu'à 70 pourcent de l'apport énergétique quotidien dans certains pays. Cela pose un problème nutritionnel : le riz blanchi est une bonne source d’énergie, mais est pauvre en micronutriments. Le rendre plus nutritif grâce à la fortification en vitamines et minéraux essentiels est une intervention éprouvée et rentable pour augmenter l'apport en micronutriments de la population en général. La consommation de riz fortifié augmente l'apport en micronutriments sans obliger les consommateurs à modifier leurs pratiques en matière d'achat, de préparation ou de cuisson.
Plusieurs programmes ont été mis en œuvre au Sénégal pour lutter contre les carences en micronutriments (MND), notamment la fortification obligatoire de la farine de blé, de l'huile de cuisson et du sel, la supplémentation en vitamines et en minéraux, la fortification à domicile à l'aide de poudre de micronutriments et la promotion de la diversité alimentaire au niveau des ménages. Les MND persistent toutefois et il reste encore beaucoup à faire pour résoudre ce problème au Sénégal.
Au Sénégal, la fortification du riz présente un grand potentiel pour réduire la prévalence de carence en fer et des autres MND, puisqu’il est la céréale la plus consommée, avec une consommation estimée à 198g1 par personne et par jour. Reconnaissant le potentiel du riz en tant que véhicule de fortification, le Programme Alimentaire Mondial considère que la fortification du riz est l'une des stratégies qui va permettre de prévenir et de lutter contre les MND chez les consommateurs et est donc en train de prendre des mesures pour évaluer la faisabilité et l'acceptabilité d'inclure le riz fortifié dans son panier alimentaire.
La présente analyse de la situation s'appuie sur l'analyse de 2016 appuyée par l’Initiative pour la fortification des aliments (FFI) et l'Alliance mondiale pour une nutrition améliorée (GAIN) en présentant les données et les informations les plus récentes issues d'entretiens récents menés au Sénégal en octobre et novembre 2018. Cette analyse vise à donner aux décideurs une compréhension globale des facteurs qui influenceront la faisabilité et la durabilité de la fortification du riz en tant qu’intervention destinée à améliorer le statut en micronutriments de la population sénégalaise. Elle permet une actualisation des données sur l'état actuel de la malnutrition dans le pays et une analyse de valeur détaillée de la chaîne de valeur du riz au Sénégal. Elle évalue les différentes options de prestation et les moyens d'intégrer la fortification du riz dans la chaîne d'approvisionnement du riz sénégalais, tout en estimant l'impact potentiel d'une telle intervention sur la santé publique.
Le présent rapport est une collaboration entre le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et Nutrition International (NI) et vise à informer le gouvernement, le secteur privé et la société civile du potentiel de l'introduction de la fortification du riz en tant que stratégie de santé publique pour prévenir les MND au Sénégal.