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Russia

Tchétchénie - MSF adresse une lettre ouverte aux 41 Etats membres du Conseil de l'Europe

27 Janvier 2000 - Tchétchénie - MSF adresse une lettre ouverte aux 41 Etats membres du Conseil de l'Europe, à l'occasion d'une réunion d'urgence tenue aujourd'hui à Strasbourg, leur demandant de reconnaître l'état de guerre en Tchétchénie.
Mesdames, Messieurs les Députés,

Aujourd'hui encore, la population civile tchétchène est soumise à l'acharnement des forces russes qui, depuis près de 6 mois, bombardent de manière massive et indiscriminée l'intégralité du territoire. Il n'existe à ce jour aucune région o=F9 les civils puissent vivre à l'abri des attaques russes, des combats ou de l'arbitraire qui règne dans les zones "reconquises". Les garçons de plus de 10 ans sont aujourd'hui menacés d'arrestation par les autorités russes. La nature des opérations militaires empêche également toute action de secours humanitaire indépendante de se mettre en place, y compris pour la prise en charge des blessés, des malades et des personnes les plus vulnérables à l'intérieur de la Tchétchénie.

La fermeture intermittente et arbitraire des voies d'évacuation, la crainte des arrestations, la peur des rapatriements forcés depuis l'Ingouchie, mais aussi les nombreuses attaques contre les réfugiés et la présence de mines limitent considérablement les possibilités de fuite des populations qui souhaitent quitter la République.

Ces opérations militaires s'apparentent à une punition collective qui fait de chaque civil un suspect.

Cette violence, justifiée par la Russie au titre de la lutte anti-terroriste, n'a rencontré aucune opposition de la part des autres Etats membres de la communauté internationale. Contre toute évidence, les Etats n'ont pas mis fin à ce mensonge qui prive la population de tout droit à la protection et à l'assistance, et l'enferme dans un face à face mortel avec l'armée. Aucun gouvernement n'a encore officiellement reconnu l'état de guerre. La situation en Tchétchènie n'a pas non plus été abordée par le Conseil de sécurité des Nations unies qui valide ainsi la position russe.

Médecins Sans Frontières dénonce la complicité des Etats qui, en refusant de reconnaître l'existence d'un conflit armé, renoncent à leurs responsabilités et évitent l'application du Droit humanitaire au profit des victimes.

Au Rwanda déjà, la reconnaissance extrêmement tardive du génocide par les Etats avait laissé sans défense les populations victimes des massacres.

C'est pourquoi, au moment o=F9 le Conseil de l'Europe tient une réunion d'urgence sur la Tchétchénie, Médecins Sans Frontières demande expressément aux Etats membres de sortir enfin de la rhétorique.

Nous demandons en particulier aux Etats du Conseil de l'Europe :

- de reconnaître officiellement l'existence du conflit armé en Tchétchénie et de rappeler ainsi la Russie à son obligation de respecter le droit humanitaire qui en découle ;

- la saisine du Conseil de Sécurité pour qu'il débatte enfin de la situation en Tchétchénie ;

- la saisine de la Commission internationale d'établissement des faits (CIEF), chargée par les Etats, y compris la Russie, d'enquêter sur l'existence de crimes de guerre ;

- la saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme, chargée de sanctionner les violations de la Convention européenne des droits de l'Homme.

- de soutenir les demandes déjà formulées par MSF sur le plan humanitaire concernant l'arrêt des bombardements indiscriminés, le non-refoulement des réfugiés aux frontières, le libre accès des civils aux secours et le déploiement d'observateurs internationaux dans les zones contrôlées par les forces armées.

Persuadé que vous accorderez à ces demandes la plus grande attention, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les Députés en l'assurance de notre plus haute considération.

Philippe Biberson
Président

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