Le docteur Joseph Dato, responsable de
la mission Tchétchénie, s'est rendu en Tchétchénie du 17 au 23 décembre
pour une mission d'évaluation. Premier expatrié, à l'exception de journalistes,
à entrer en territoire tchétchène, il raconte :
" J'ai quitté Nazran sans autorisation
espérant passer sans encombre les nombreux check points présents tout au
long du chemin. Après 11 check points et 5 heures de route, j'ai atteint
Goudermès. L'école du camp dans laquelle nous travaillions a été totalement
détruite par les bombardements, mais malgré cela nous retrouvons nos équipes
qui ont continué quasiment sans interruption leur programme de santé mentale
auprès des enfants. A Argoun, en arrivant à l'improviste j'ai trouvé
notre médecin en pleine séance avec les enfants. Depuis deux mois, malgré
les conditions précaires, malgré l'absence de salaires, ils n'ont pas
interrompu leur travail !
Ainsi sur 11 personnes répartis sur nos deux sites de Goudermès et d'Argoun, nous en retrouvons 9. L'infirmière d'Argun nous raconte qu'au moment des bombardements, le centre de santé de Médecins du Monde était le seul lieu de soins à fonctionner. C'est donc vers elle que blessés de guerre et patients affluaient avec pour seule possibilité de bander les plaies. Aujourd'hui, la ville est contrôlée par l'administration tchétchène sous contrôle russe, l'hôpital se remet en place, installé dans un appartement, sous forme de soins à domicile.
Pas très loin de Goudermès, j'ai rendu visite à un hôpital psychiatrique dans lequel Médecins du Monde intervenait : un cinquième de l'hôpital est encore debout, le reste a été bombardé. Sur les 160 patients, il n'en reste que 20 ! Où sont les 140 autres ? je ne sais pas. 5 patients sont morts dans l'hôpital. De faim.
Hopital psychiatrique de Darbankhi (Est de la Tchétchénie) détruit à 80% par les bombardements russes, hopital que nous avons dotés en médicaments et en produits d'hygiène.( il ne leur restait plus RIEN). Il ne reste que 20 patients (avant cette guerre 140). 5 patients sont morts de faim le mois dernier.
Cette incursion en territoire tchétchène m'a permis de voir le travail remarquable effectué par nos équipes. De façon plus opérationnelle, cela m'a permis de réapprovisionner en médicaments nos équipes. Aujourd'hui, les programmes ont donc totalement repris sur Argoun et Goudermès et seul le programme de Grozny est interrompu. "