SITUATION GENERALE EN TCHETCHENIE
Cette mission a eu lieu en février 2005 et a constitué en un séjour en Tchétchénie d'une totalité de 20 jours, mis à profit pour faire des enquêtes auprès d'une ving-taine de familles et d'une quinzaine de soignants pour évaluer la situation sanitaire en Tchétchénie aujourd'hui et les obstacles rencontrés par les civils pour se faire soigner.Des entretiens ont aussi été effectués avec des organisations locales d'assistance et d'aide aux victimes de la guerre.
Détentions arbitraires, exécutions sommai-res
Les forces de l'ordre (militaires russes et milices tchétchènes pro-russes) continuent à se livrer à des arrestations arbitraires,en particulier au cours de ce qui est communément appelé "opérations de nettoyage" ciblées. Le principe est toujours le même :les représentants des forces de l'ordre font irruption dans les maisons,le plus souvent à l'aube. Il s'agit la plupart du temps d'équipes "mixtes", composées de Russes et de Tchétchènes faisant partie des forces de sécurité pro-russes. La per-sonne visée par l'opération est emmenée, l'arresta-tion étant souvent accompagnée de violences contre elle ou les membres de sa famille qui tentent de s'interposer.
La mère d'un jeune homme de 21 ans arrêté chez lui,dans un village à une trentaine de kilomètres de Grozny témoigne : "Le 7 novembre 2004 au matin, je m'étais levée très tôt, vers 3 heures,puisque c'était le ramadan et je préparais un repas pour le manger avant le lever du jour.Je suis entrée dans sa chambre pour le réveiller,mais en voyant qu'il dormait si bien,j'ai décidé de le laisser dormir encore un peu.Là,j'ai entendu du bruit. Des cris, des coups.Ils sont entrés dans la maison en hurlant. Ils sortaient de blindés,de camions militai-res.L'un d'eux m'a poussée,je suis tombée sur les marches de l'escalier devant la maison,il a posé sa chaus-sure sur ma tête et m'a gardée immobilisée comme cela pendant toute la durée de l'opération. J'ai quand même pu voir comment ils emmenaient mon fils,pieds nus et torse nu, en le tirant par les pieds et en lui cognant la tête sur les marches de l'escalier. Ils sont partis,j'ai essayé de leur courir après,mais en vain,il y avait des traces de sang sur la route. Depuis, je n'ai aucune nouvelle de lui, bien que je me sois adressée à toutes les instances. Partout on me dit que officielle-ment,mon fils n'a pas été arrêté."
De telles opérations se sont multipliées ces derniè-res semaines.
Données pour le seul district d'Atchkhoï-Martan (est de Grozny): - En juillet 2004 à Samashki,des représentants des forces de l'ordre sont venus dans une famille pour une perquisition dans une maison,ils ont tué le chef de famille et ses trois fils,sous les yeux de la mère. - Les 1 et 2 décembre 2004,une opération de net-toyage a eu lieu dans le village de Samashki,le pré-texte invoqué était un dépôt d'armes trouvée dans une maison.8 hommes ont été arrêtés.Ils ont tous été libérés après "vérification".
- Les 2 et 3 décembre 2004,un "nettoyage ciblé" a eu lieu à Sernovodsk,dans la nuit du 3 au 4 décem-bre,une femme a été arrêtée,puis libérée le 5. - Dans la nuit du 27 au 28 janvier 2005, dans le village de Novosharoï, un jeune homme a été emmené suite à un "nettoyage ciblé",l'été dernier, son frère avait déjà été arrêté dans les mêmes conditions. Une enquête est en cours, le jeune homme est inculpé pour terrorisme, on l'accuse d'avoir posé une bombe en novembre devant un convoi militaire.
- Dans le village d'Assinovka,une femme a été arrê-tée et emmenée dans la nuit du 19 janvier 2004.Sa famille n'a aucune nouvelle d'elle depuis.
Dans ce seul district, 18 personnes sont portées disparues depuis 1999,dont trois femmes.
Le problème des disparus / l'impunité.
Des milliers de personnes sont aujourd'hui portées disparues en Tchétchénie, après avoir été pour la plupart arrêtées et emmenées par des représen-tants des forces de l'ordre.
Le chiffre exact est difficile à connaître, mais il dépasse vraisemblablement 5 000. Des représen-tants des forces de l'ordre sont mis en cause dans seulement 2 des 50 enquêtes criminelles instruites pour disparitions. Il s'agit du colonel Youri Boudanov, condamné pour l'enlèvement et le meurtre d'une jeune femme en 2000,et du policier Sergueï Lapine, inculpé dans le cadre de l'affaire de la «disparition» d'un étudiant tchétchène, et des actes de torture dont celui-ci a été victime.
Les mines en Tchétchénie
Selon les chiffres du département militaire de la région fédérale du sud, 129 champs de mines ont été placés en Tchétchénie depuis 1999.Le nombre de mines qui risquent encore d'exploser est très élevé aujourd'hui.Sur le territoire de la seule ville de Grozny, il resterait encore 6 tonnes de mines menaçant d'exploser.
30% des champs cultivables seraient infestés de mines.
Ces indicateurs sont proportionnellement plus éle-vés que dans d'autres pays concernés par le pro-blème des mines,comme le Cambodge,l'Angola ou l'Afghanistan.
Selon des ONG locales, 3445 personnes ont été victimes de mines en Tchétchénie.777 d'entre elles en sont décédées.
(pdf* format - 371.6 KB)