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Peru

L’État péruvien à l’assaut de la société civile, des ONG et de la coopération internationale

  • L’adoption d’une nouvelle loi « anti-ONG », qui vise à restreindre l’action de la société civile, est une agression intolérable contre les défenseur·es des droits humains.
  • Ce nouveau coup de force, qui viole les traités internationaux ratifiés par le Pérou, illustre une fois de plus la dérive autoritaire flagrante de l’État péruvien.

Paris, 21 mars 2025. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) rejette pleinement l’adoption par le Congrès de la République du Pérou, le 12 mars dernier, de la loi connue sous le nom de « loi anti-ONG ». La FIDH exhorte à ne pas promulguer cette loi et, le cas échéant, à l’abroger, car elle est contraire à la constitution et à la législation internationale.

Le texte en question est une modification de la loi de création de l’Agence péruvienne de coopération internationale (APCI) et introduit des dispositions qui portent gravement atteinte aux droits fondamentaux et aux principes démocratiques essentiels. En particulier, l’inclusion de l’article 21.c.2 sanctionne comme une « infraction très grave » l’utilisation de ressources de coopération technique internationale pour conseiller, assister ou financer des actions judiciaires, administratives ou de toute nature contre l’État péruvien.

Cette disposition, qui constitue un recul alarmant dans la garantie de l’accès à la justice, restreint le droit des organisations non gouvernementales (ONG) à assister légalement les citoyen·nes et les communautés vulnérables, en les empêchant de saisir les instances internationales lorsqu’elles estiment que l’État a violé leurs droits. Elle aura l’effet de laisser des milliers de personnes, victimes soutenues par les organisations, dans une situation de vulnérabilité encore plus grande.

La FIDH rappelle aux autorités que le droit à une protection judiciaire effective est consacré à l’article 139.3 de la Constitution péruvienne. L’interdiction pour les ONG de financer ou de participer à des actions légales contre l’État viole également le principe d’égalité et de non-discrimination, car elle entrave de manière disproportionnée l’accès à la défense légale.

De plus, l’exigence imposée aux organisations inscrites à l’APCI de soumettre l’agenda annuel de leurs activités pour une approbation préalable avant leur mise en œuvre constitue une restriction injustifiée à l’autonomie et à la liberté d’action des ONG. Ce contrôle préalable, ajouté à la faculté discrétionnaire de l’APCI de sanctionner, mine l’indépendance de la coopération internationale et porte atteinte au droit de libre association.

Les conséquences prévues en cas de non-respect incluent des avertissements, des amendes pouvant atteindre 730 000 dollars US, la suspension temporaire des avantages et l’annulation définitive de l’inscription dans les registres officiels, avec possibilité de dissolution judiciaire.

De plus, la loi adoptée dispose que les ONG ne pourront pas intervenir dans des aspects liés à la « politique intérieure » du pays, laissant à l’APCI le soin de définir quelles actions ou mesures mises en place dans le cadre de l’aide au développement entrent en conflit avec cette définition. Cela pourrait être interprété comme interdisant légalement des actions telles que le suivi des politiques publiques, le renforcement organisationnel pour exercer le droit à la mobilisation ou à la protestation, entre autres mesures similaires, considérées comme des actions politiques.

En outre, la FIDH avertit que ces modifications restreignent l’activité légitime et essentielle des ONG dans la défense des droits humains, affaiblissant ainsi le tissu démocratique et compromettant les engagements internationaux pris par l’État péruvien, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention américaine relative aux droits de l’homme.