La conjonction de plusieurs facteurs a conduit à la crise humanitaire complexe que connaissent actuellement le Nigéria et la région du Lac Tchad : un conflit, la pauvreté et le changement climatique, fléaux auxquels vient s’ajouter la menace omniprésente de Boko Haram. Ce mouvement armé qui cible expressément l’instruction s’est déjà distingué en attaquant et détruisant des écoles dans un environnement où le travail éducatif était déjà éminemment difficile.
La session de réflexion thématique sur le Nigéria et la région du Lac Tchad sur l’éducation en situation d’urgence humanitaire s’inscrira dans la perspective de la Conférence Humanitaire d’Oslo consacrée à cette même région, dont elle viendra soutenir les objectifs. Les discussions seront aiguillées vers les investissements et partenariats stratégiques susceptibles d’assurer une action d’urgence efficace, tout en permettant de restaurer et renforcer les systèmes éducatifs, selon les lignes définies dans l’Agenda 2030. L’engagement de la communauté internationale en faveur des objectifs de développement durable ne pourra déboucher sur des résultats sans inclure dans cet effort les questions relatives aux enfants et aux jeunes affectés par des conflits et des déplacements de populations.
Les difficultés rencontrées par l’action éducative dans le Bassin du Lac Tchad.
Le Nigéria, le Tchad, le Cameroun et le Niger comptent au total 14 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire et qui se trouvent déscolarisés, dont 10,5 millions pour le seul Nigéria.
Dans le bassin du Lac Tchad, 3,36 millions d’enfants et d’adolescents en âge scolaire (de 3 à 17 ans) sont touchés par le conflit et ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence. 75 000 d’entre eux sont des réfugiés (HCR). Les différentes crises, l’insuffisance des ressources, les inégalités socio-économiques, l’insécurité, la sévère pénurie de locaux, le phénomène chronique des déplacements de populations, la surexploitation des capacités institutionnelles et humaines ont exacerbé les faiblesses des structures éducatives, en termes d’accessibilité comme de qualité de l’enseignement dispensé. Or la déficience scolaire a beaucoup aggravé la vulnérabilité des enfants et des adolescents, et accru les risques qu’ils ne soient recrutés par des groupes armés (NGA HNO 2017).
Avant la crise, la région de Diffa, au Niger, enregistrait les taux d’enrôlement les plus faibles du pays. Dans les zones les plus périphériques du Tchad et du Cameroun, les difficultés sont considérables lorsqu’il s’agit de dispenser à tous les enfants, filles et garçons, un enseignement de qualité. Dans l’Extrême Nord camerounais et dans l’État d’Adamawa, au Nigéria, les chiffres de la non-scolarisation atteignaient 35 %, et même 44,6 % dans l’État de Borno. Les paramètres entrant ici en jeu sont le sexe, l’appartenance ethnique, la situation géographique et l’éventuel handicap. Ainsi une fille issue d’une famille très pauvre du nord-est nigérian a-t-elle très peu de chances d’être scolarisée.
Les enseignants et les étudiants ont été retenus en captivité et intimidés, blessés, voire assassinés.
Dans le nord-est du Nigéria, au moins 611 enseignants ont été délibérément tués depuis 2009, et 19 000 autres contraints à la fuite. Plus de 2 000 personnes, dont beaucoup de femmes, ont été enlevées par Boko Haram, souvent dans les locaux des écoles, tandis que des milliers d’étudiants et de professeurs étaient blessés, parfois au cours d’attentats-suicides. Au Niger, trois attaques sur des écoles ont été rapportées dans la région de Diffa entre juin et novembre 2016.
De nombreux établissements sont hors d’usage en raison de dégâts ou de destructions totales, ou parce qu’ils abritent des familles déplacées, ou encore sont occupés par des groupes armés ou des forces de sécurité. Dans le nord-est du Nigéria, 1 500 écoles ont été détruites depuis 2015.
Aujourd’hui, dans le seul État de Borno, 1 073 écoles (56 %) restent fermées, et quatre sont utilisées à des fins militaires par les forces de sécurité nigérianes. À l’heure actuelle, dans l’Extrême Nord camerounais, 10 établissements primaires et secondaires sont toujours occupés dans un but militaire et 144 autres ont fermé en raison de l’insécurité.
Même si l’accès aux écoles publiques reste possible, la langue d’enseignement pose problème, ce qui empêche les enfants nigérians de poursuivre leur scolarité.
Des cadres réglementaires inappropriés lorsqu’il s’agit de la relation entre apprentissage formel et non formel, limitent, pour les enfants et les adolescents, les possibilités d’une transition vers une scolarité formelle. Concevoir des programmes d’enseignement accéléré, y affecter des ressources et les mettre en œuvre, constitue un défi majeur pour le secteur éducatif des quatre pays concernés.
Cependant, les investissements dans le domaine éducatif représentent un potentiel de réinsertion des enfants dans une scolarité formelle, avec la possibilité pour eux d’acquérir une instruction de base et des savoir-faire vitaux, et ils contribuent à de plus amples efforts pour stabiliser et reconstruire les régions touchées.
Les ministères de l’Éducation des quatre pays coordonnent et mettent en œuvre leur action éducative. Les autorités responsables travaillent avec les agences de l’ONU et des ONG partenaires pour dispenser un enseignement de qualité. Elles s’efforcent en particulier de faciliter l’intégration pacifique des enfants déplacés des deux sexes dans les établissements scolaires des communautés qui les accueillent, de fournir des services éducatifs aux enfants et adolescents présents dans les camps de réfugiés (Tchad et Cameroun), et de proposer des programmes d’apprentissage accéléré et à distance aux enfants déscolarisés. Ces mêmes instances travaillent également à renforcer la sécurité dans les écoles.
Le secteur éducatif reste l’un de ceux les moins financés. Sur les 33,7 millions de dollars US requis par le Plan d’action humanitaire pour l’Éducation de 2016, le système éducatif n’a effectivement reçu qu’un faible pourcentage au Nigéria (26,1 %), au Tchad (73 % y compris le financement accéléré du fonds GPE), au Cameroun (7,7 %) et au Niger (13 %). Cette année, la somme nécessaire à l’action éducative d’urgence pour le Nigéria et le bassin du Lac Tchad se monte à 84 millions de dollars.
La violence et l’insécurité actuelles auront des répercussions dans les années à venir. Lorsqu’un enfant est déplacé durant plus de six mois, la probabilité est forte que cette situation se prolonge jusqu’à trois années ou davantage – avec le risque que l’enfant ne réintègre plus jamais l’école.
Possibilités et exigences fondamentales :
Pour éviter de voir émerger une nouvelle « génération perdue », il sera capital de satisfaire aux exigences suivantes :
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Donner la priorité au financement éducatif pour le Nigéria et la région du Lac Tchad. Un financement accru, à la fois souple et prévisible à long terme, sera nécessaire pour répondre aux besoins éducatifs des enfants et adolescents concernés par les déplacements de populations. Les gouvernements des États d’accueil et les enfants eux-mêmes ont besoin que les donateurs s’engagent sur une durée de trois à cinq ans. C’est là un point essentiel pour faire en sorte que ces enfants et adolescents restent scolarisés et pour assurer le développement à long terme du système éducatif. Le but, pour l’année 2017, est d’inclure dans cette action 2 millions de filles et garçons (dont 75 000 réfugiés) répartis dans toute la région (HRP).
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Protéger les enfants à travers la scolarisation : soutenir et systématiser les efforts existants, en créant des environnements d’apprentissage protecteurs, un soutien psycho-social quotidien dans l’espace scolaire, la préparation et la mise en application de plans d’urgence fondés sur l’école, et autres programmes reliant les efforts éducatifs et la protection de l’enfance au sein des communautés. Les investissements sont aussi nécessaires dans les infrastructures scolaires et pour le recrutement, la formation et le déploiement sur le terrain d’enseignants qualifiés, ainsi que la fourniture de matériel d’apprentissage et d’enseignement adéquats.
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Ne laisser aucun enfant sur le bord de la route. Développer et/ou lancer rapidement des programmes d’apprentissage appropriés et d’application flexible, permettant d’inclure dans l’action éducative les enfants et adolescents vulnérables et ceux les plus affectés par les conséquences du conflit. Ceci suppose notamment des programmes d’enseignement accéléré ou à distance, ou visant un apprentissage non formel.
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Protéger l’école : renforcer le plaidoyer qui permettra de faire cesser les attaques perpétrées contre les établissements, les équipements et les personnels éducatifs.
Encourager les gouvernements à souscrire à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et aux Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés, et à appliquer ces deux textes. -
Soutenir les gouvernements et leurs partenaires dans la reconstruction et le renforcement des systèmes éducatifs nationaux, dans l’esprit des engagements internationaux formulés dans l’Agenda 2030.
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Resserrer la collaboration entre les États et les acteurs du travail humanitaire et de développement, pour une meilleure efficacité de l’intervention d’urgence. Préparer des stratégies régionales, afin de faciliter une programmation durable à long terme, incluant le retour des enfants et adolescents réfugiés à une éducation de qualité, mais aussi la nécessité de disposer d’environnements scolaires protecteurs.
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Renforcer les systèmes de gestion des données et de l’information, et la communication, pour permettre une réponse efficace, une analyse en profondeur par secteur, tenant compte des facteurs liés au conflit et au sexe des enfants, en vue de préparer la transition, ainsi que des activités de planification du futur développement.
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