I. Introduction
1. Dans sa lettre datée du 25 janvier 2017, le Président du Conseil de sécurité a informé le Secrétaire général que le Conseil avait décidé de dépêcher une mission dans la région du bassin du lac Tchad (Cameroun, Tchad, Niger et Nigéria) du 1er au 7 mars 2017. La mission était codirigée par les Représentants permanents de la France, du Sénégal et du Royaume -Uni. On trouvera dans les annexes I et II la composition de la mission et l’énoncé de son mandat.
II. Cameroun
2. Les membres du Conseil de sécurité se so nt rendus au Cameroun du 2 au 3 mars. À leur arrivée à Yaoundé, ils ont été accueillis par le Ministre des relations extérieures et par la Coordonnatrice résidente et Coordonnatrice de l ’action humanitaire des Nations Unies, Mme Najat Rochdi. En soirée, ils ont assisté à un diner organisé par le Ministre délégué aux relations extérieures, des membr es de la communauté diplomatique et des chefs d ’organismes des Nations Unies. Le 3 mars, les membres du Conseil ont tenu des réunions à Yaoundé avec l ’équipe de pays des Nations Unies et plusieurs responsables nationaux, notamment le Président et le Premier Ministre, ainsi que d’importants membres du Gouvernement. Après une conférence de presse, ils se sont rendus à Maroua, dans la région de l ’Extrême-Nord, où ils ont rencontré le gouverneur et d ’autres responsables locaux, des chefs religieux, des responsables militaires, un représentant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ainsi que plusieurs déplacés et des réfugiés, dont deux anciens otages de Boko Haram. Au début de chaque réunion, le Royaume -Uni, en tant que cochef de file et Président du Conseil de sécurité pendant le mois de mars, a exposé l’objet de la visite et sollicité le point de vue des différents interlocuteurs sur la situation et les difficultés rencontrées.
A. Yaoundé
Réunion avec le Président
3. Lors de sa rencontre avec les membres du Conseil de sécurité, le Président Paul Biya, accompagné des Ministres des relations extérieures, de l’administration territoriale et de la défense, a expliqué que le Cameroun affrontait Boko Haram depuis 2013 dans une guerre qui avait essaimé à partir du Nigéria. Il en a souligné le coût humain élevé, plus de 2 000 civils et 250 militaires ayant été tués depuis le début des violences. Il a déclaré que l ’armée camerounaise était à la pointe du combat contre Boko Haram, dont le coût financier éno rme s’était élevé à 343 milliards de francs CFA pour deux ans (équivalant à 558 millions de dollars des États-Unis), ce qui représentait près de 2 % du PIB. Le Président a noté que Boko Haram avait certes été affaibli par les résultats de la Force multinat ionale mixte (FMM), mais le groupe restait opérationnel. Il a informé le Conseil que plusieurs infrastructures avaient été détruites, provoquan t le déplacement de plus de 200 000 civils et l’arrivée de quelque 86 000 réfugiés en provenance du Nigéria. Il a indiqué que de tels mouvements faisaient peser une lourde charge sur le Gouvernement, s’agissant de la construction de nouvelles écoles et de la fourniture de l’aide alimentaire et des services sociaux de base. Il a demandé le soutien de la communauté des donateurs pour améliorer la capacité de résilience des populations, en particulier des femmes et des enfants. Tout en saluant les résultats de la Conférence humanitaire d’Oslo pour le Nigéria et le lac Tchad, il a relevé que l’attention exclusive portée sur les besoins humanitaires devait désormais céder la place à un engagement actif en faveur de la relance économique, de la création de moyens de subsistance et de la reconstruction. Il a ajouté qu ’il était nécessaire de mettre en oeuvre des programmes de d émobilisation, de déradicalisation et de réinsertion des ex-combattants de Boko Haram, pour que s ’ouvre une ère d’espoir.
Le Président Biya a remercié l’Organisation des Nations Unies pour son action, notant que la visite du Conseil attestait de l ’excellence de la coopération avec l’Organisation.
4. Les cochefs de file du Conseil de sécurité ont informé le Président de l ’objet de la mission, à savoir appuyer et saluer les efforts entrepris par le Cameroun pour lutter contre le terrorisme et rendre hommage à c eux qui ont sacrifié leur vie. Les membres du Conseil ont salué la signature, le 2 mars 2017, de l ’Accord tripartite entre le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les Gouvernements camerounais et nigérian et ont félicité le Cameroun d’avoir généreusement accueilli de nombreux réfugiés. Ils ont également souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la crise, les défis environnementaux, la question des droits de l ’homme et la nécessité d’accroître les investissements et d’encourager le développement dans la région de l ’Extrême-Nord, et ont sollicité des éléments d ’information sur les mesures prises par le Gouvernement à cet égard. Le Président a indiqué que son pays comptait sur l ’appui de la communauté internationale au plan militaire, notamment en ce qui concernait la fourniture de matériel et la formation des troupes. Il a également relevé que les attaques de Boko Haram et les opérations anti -insurrectionnelles qui en résultaient se traduisaient par un coût économique considérable pour le pays, ajoutant que les quelque 200 000 personnes déplacées du fait des combats devaient retrouver une vie normale. Le Président a déclaré que la population camerounaise avait contribué financièrement à un fonds d’urgence en faveur de la lutte contre Boko Haram et que le Gouvernement avait mis en place des groupes d ’autodéfense qui contribuaient à la collecte de renseignements. Il a noté que le Tchad, le Niger et le Nigéria consacraient également d’immenses efforts à la lutte contre Boko Haram. Il a demandé à la communauté internationale d ’aider la région à éliminer le groupe, notamment après son allégeance à l’EIIL/Daech, qui constitue une menace pour la paix et la sécurité mondiales. Le Président a adressé ses remerciements sincè res à l’ONU pour son appui au Cameroun.
5. Le Ministre des relations extérieures a informé les membres du Conseil que certains déplacés, essentiellement des femmes et des enfants, avaient bénéficié d’une aide de l’État, par l’entremise du fonds de secours créé pour aider les déplacés et la population locale. Il a ajouté qu ’avec l’appui de la communauté humanitaire des Nations Unies, le Gouvernement avait établi le Plan d ’aide humanitaire de 2017, dont les besoins étaient estimés à 360 millions de dollars. S’agissant de l’Accord tripartite, il a indiqué que le Cameroun remplirait ses obligations et veillerait à ne pas refouler les réfugiés.