SC/15963
Après l’examen du quatrième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Nigéria (S/2024/559) et l’adoption de conclusions sur ce rapport, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa Présidente, les messages suivants:
À toutes les parties au conflit armé au Nigéria:
- Exprime sa profonde préoccupation face à l’augmentation notable du nombre des violations confirmées durant la période considérée, condamne fermement toutes les violations et les exactions qui continuent d’être commises contre des enfants par toutes les parties au conflit au Nigéria, note que les groupes armés étaient responsables de la grande majorité des violations confirmées dans le rapport; exhorte toutes les parties au conflit à prévenir et à faire cesser immédiatement toutes les violations et exactions commises contre des enfants, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les attaques contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus d’accès humanitaire, et exhorte les parties à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international applicable;
- Note que l’équipe spéciale de pays (surveillance et information) a été davantage en mesure d’approcher les enfants qui avaient quitté les groupes armés, note toutefois avec préoccupation que le travail a été entravé par des problèmes d’accès et de sécurité rencontrés dans les zones où les groupes armés opèrent et que les informations figurant dans le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Nigéria ne rendent donc pas pleinement compte des effets du conflit sur les enfants au Nigéria;
- Demande à toutes les parties de continuer d’appliquer ses conclusions précédentes concernant le Nigéria (S/AC.51/2023/2);
- Souligne qu’il importe d’appliquer le principe de responsabilité concernant toutes les violations et exactions commises contre des enfants dans un conflit armé, d’en traduire les auteurs en justice et de les faire répondre de leurs actes sans retard injustifié, notamment par la conduite systématique et diligente d’enquêtes approfondies et indépendantes et, s’il y a lieu, l’ouverture de poursuites judiciaires et des condamnations; de veiller à ce que toutes les victimes et personnes rescapées aient accès à la justice et à des services de protection complets, non discriminatoires, qui tiennent compte des questions relatives au genre, à l’âge et au handicap, y compris des services psychosociaux et des soins de santé;
- Insiste sur le fait que, lors de la planification et de l’application des mesures en faveur des enfants dans les situations de conflit armé, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et les vulnérabilités et les besoins particuliers des filles et des garçons, ainsi que ceux des enfants déplacés ou en situation de handicap, doivent être dûment pris en compte;
- Condamne fermement le grand nombre et l’augmentation marquée de cas d’enlèvement d’enfants par Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », souligne que les filles subissent de manière disproportionnée les conséquences de ces enlèvements, lesquels sont souvent accompagnés de viols, et d’autres formes de violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment l’exploitation sexuelle et le mariage forcé des filles, ainsi que leur recrutement et leur utilisation, y compris dans des rôles de combat ou pour des tâches auxiliaires, telles que le nettoyage, la cuisine ou la collecte de renseignements; demande instamment à toutes les parties au conflit, en particulier à Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et au groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », de libérer immédiatement et sans condition préalable tous les enfants qui leur sont associés, de les remettre aux acteurs civils compétents en matière de protection de l’enfance, conformément aux protocoles établis, et, en coordination avec les autorités nigérianes compétentes, de continuer de prévenir les différentes parties prenantes, y compris l’ONU, avant de libérer les enfants détenus, de façon qu’elles disposent d’assez de temps pour élaborer des programmes adaptés, demande que les enfants soient traités avant tout comme des victimes et exhorte toutes les parties à empêcher l’enlèvement d’enfants ainsi que le réenrôlement et l’utilisation des enfants libérés, conformément aux obligations que leur impose le droit international, y compris, le cas échéant, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;
- S’inquiète profondément de ce que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association réelle ou présumée, ou de celle de leurs parents ou de leurs proches avec des groupes armés, notamment de ce que des enfants soient détenus avec des adultes, et salue la libération des 181 enfants détenus durant la période considérée; souligne que les enfants qui ont été recrutés par des groupes armés et qui sont accusés d’avoir commis des crimes pendant un conflit armé doivent être traités avant tout comme des victimes, et que leur placement en détention ne doit être utilisé qu’en dernier recours et pour la durée la plus courte possible, conformément au droit international applicable, et réaffirme qu’il importe que tous les acteurs respectent les droits des enfants au Nigéria, y compris, s’il y a lieu, au regard de la Convention relative aux droits de l’enfant et de son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, auxquels le Nigéria est partie, prend également note des Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris);
- Se dit gravement préoccupé par les meurtres d’enfants et les atteintes à leur intégrité physique, en particulier à la suite de tirs croisés, de bombardements et de l’emploi de restes explosifs de guerre, d’engins explosifs improvisés et d’armes blanches, tout en notant une baisse générale du nombre d’enfants tués ou mutilés par rapport à la précédente période considérée, et invite les autorités à intensifier leurs efforts en matière de déminage d’engins explosifs, de sensibilisation aux risques et d’assistance aux victimes, et demande à toutes les parties de se conformer aux obligations que leur impose le droit international humanitaire, en particulier les principes de distinction, de proportionnalité et d’humanité, ainsi que l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire autant que faire se peut les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil;
- Se déclare vivement préoccupé par la nette augmentation des cas de viols confirmés et d’autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants durant la période considérée, en particulier contre des filles après leur enlèvement, notamment sur les enfants déplacés, exhorte toutes les parties au conflit armé à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle ou fondée sur le genre, perpétrés contre des enfants par leurs membres, insiste sur l’importance d’amener les personnes qui commettent des violences sexuelles contre des enfants à répondre de leurs actes, souligne que les filles ont continué d’être extrêmement exposées au viol et à d’autres formes de violence sexuelle et fondée sur le genre, y compris l’exploitation sexuelle et le mariage forcé, note avec inquiétude que le mariage forcé est utilisé comme une stratégie d’adaptation néfaste visant à dissuader les groupes armés d’enlever des filles non mariées et à soulager la détresse économique, et que le risque de violence sexuelle est aggravé par l’insuffisance ou la limitation des services de base et des moyens de subsistance; note que la stigmatisation, la peur des représailles, la contrainte des normes sociales, l’absence ou la faible accessibilité des services, l’impunité et les problèmes de sécurité font que les signalements de violences sexuelles restent très en deçà du nombre réel; souligne qu’il importe de fournir aux personnes victimes ou rescapées de violence sexuelle liée au conflit des services spécialisés intégrés, non discriminatoires et adaptés à leur âge, notamment un soutien psychosocial et des soins de santé mentale et des services de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’une assistance juridictionnelle et des aides à des moyens de subsistance, et d’offrir des solutions de rechange sûres aux filles qui refusent de rester ou de retourner auprès de leurs « maris » affiliés à Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et au groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique »;
- Condamne fermement les attaques commises contre des écoles et des hôpitaux dans le nord-est du Nigéria et attribuées au groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », ainsi que les hostilités et les violences perpétrées par Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et ce groupe, qui ont continué d’entraver fortement l’accès des enfants à l’éducation et aux soins de santé; se félicite de la mise en place par le Nigéria du National Safe Schools Response Coordination Centre (Centre national de coordination des interventions pour la sécurité des écoles), demande à toutes les parties de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter comme tel le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaque contre ces institutions et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable, en s’appuyant sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, signée par le Gouvernement nigérian en mai 2015, conformément à la résolution 2601 (2021), note l’effet néfaste que les attaques contre les écoles et leur utilisation peuvent avoir sur l’exercice du droit à l’éducation, et note également les effets négatifs des changements climatiques;
- Se déclare particulièrement inquiet que de nombreux enfants dans les conflits armés, en particulier les filles, n’aient pas accès à l’éducation en raison, entre autres, des attaques commises contre les écoles ou de la crainte d’être pris pour cible; constate en outre avec préoccupation que les enlèvements d’étudiants contre rançon, tendance constatée au-delà de la région nigériane du nord-est et jusque dans le nord-ouest du pays, se sont poursuivis;
- Condamne fermement le grand nombre et la forte augmentation des cas d’enlèvements d’enfants par Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », notamment à des fins de recrutement et d’utilisation, de mariage forcé et d’autres formes de violence sexuelle, et contre rançon; exhorte toutes les parties concernées, en particulier ces deux groupes, à mettre immédiatement un terme aux enlèvements d’enfants et à toutes les violations et exactions commises contre les enfants enlevés, note que les filles subissent de manière disproportionnée les conséquences de ces enlèvements, notamment le mariage forcé à des combattants, et exhorte vivement toutes les parties à libérer immédiatement, sans condition préalable, tous les enfants se trouvant dans leurs rangs et à les remettre aux acteurs civils de la protection de l’enfance;
- Se dit gravement préoccupé par les refus d’accès humanitaire, y compris les attaques, les enlèvements, les meurtres de membres du personnel humanitaire et les menaces dont ils font l’objet, les perturbations et le pillage de fournitures humanitaires et les actes d’ingérence dans des opérations humanitaires, note que ces incidents ont perturbé l’acheminement de l’aide humanitaire à des milliers d’enfants, et que les groupes armés ont multiplié des actes d’hostilité contre le personnel et les biens humanitaires; demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, ainsi qu’aux principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire, les engage à respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial de l’aide humanitaire et à respecter également le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans distinction préjudiciable;
À Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et au groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique »:
- Condamne énergiquement les violations et les exactions que Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » continuent de commettre contre des enfants, et engage instamment ces deux groupes à prévenir et à faire cesser immédiatement toutes celles perpétrées contre des enfants au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad, à libérer immédiatement et sans condition tous les enfants qui leur sont associés, à empêcher de nouveaux meurtres et atteintes à l’intégrité physique, enlèvements, viols et autres formes de violences sexuelles, ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants, et notamment à ne pas recruter à nouveau des enfants ayant été libérés, et à respecter les obligations que leur imposent le droit international humanitaire et le droit international des droits humains;
- Condamne vivement le fait que le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » et Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad prennent pour cibles des écoles, des hôpitaux et leur personnel, causent des dégâts aux établissements scolaires ainsi qu’aux structures médicales et humanitaires et détruisent des infrastructures connexes;
- Exhorte ces deux groupes à mettre un terme à l’enlèvement d’enfants, aux viols et autres formes de violence sexuelle, en particulier celles visant spécifiquement les filles, et à remettre immédiatement tous les enfants enlevés aux acteurs civils compétents en matière de protection de l’enfance;
- Rappelle que, par sa résolution 2368 (2017), le Conseil de sécurité a réaffirmé les mesures relatives au gel des avoirs, à l’interdiction de voyager et à l’embargo sur les armes qui s’appliquent à toutes les personnes et entités, dont le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » et Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad, visées au paragraphe 1 de sa résolution 2083 (2012);
- Se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité et au Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés toute information pertinente susceptible de les aider à imposer de nouvelles sanctions aux auteurs de violations;
À la Force civile mixte:
- Salue le rôle constructif que la Force civile mixte continue de jouer, en coopération avec le Gouvernement nigérian, dans l’application du plan d’action de 2017 visant à prévenir et à faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants, note que la Force a été radiée des listes figurant dans les annexes du rapport de 2021 du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés (A/75/873-S/2021/437); se félicite de la création d’unités de protection de l’enfance dans toutes les formations de la Force civile mixte dans l’État de Borno et du lancement d’activités de sensibilisation parmi les membres de la Force et de la communauté; exhorte la Force, avec l’appui constant de l’ONU, à s’acquitter des obligations que lui impose le plan d’action, à savoir la formation de ses unités aux droits de l’enfant et la mise en place de mécanismes devant permettre d’amener les responsables à répondre de leurs actes, et à pérenniser les progrès accomplis par l’exécution du plan d’action, et demande à la Force de remédier à toute violation commise;
Aux notables locaux et aux chefs religieux:
- Souligne le rôle important que jouent les notables locaux et les chefs religieux pour ce qui est de renforcer la protection des enfants touchés par les conflits armés et est conscient du rôle important qu’ils jouent dans la mobilisation visant à mettre fin aux violations et aux exactions commises contre des enfants, notamment les mariages d’enfants, les mariages précoces et les mariages forcés;
- Exhorte les notables locaux et les chefs religieux à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres d’enfants et les atteintes à leur intégrité physique, les viols et les autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des établissements scolaires et hospitaliers, tout en continuant de militer pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec le Gouvernement nigérian, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la réintégration, dans leurs communautés respectives, des enfants touchés par le conflit armé, notamment en menant des campagnes de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.
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