DAMANA, le 30 août (IRIN) - Après
avoir vécu au jour le jour pendant cinq mois, les villageois de Damana
regardent avec émerveillement les épis de mil prêts à être cueillis dans
les champs et se prennent à rêver que la récolte de cette année mettra
un terme à leurs privations.
« Maintenant nous pouvons souffler,
Dieu merc », soupire Halilou Habou, l'un des 500 habitants de Damana,
un village situé à plus de 100 km à l'est de Niamey, la capitale nigérienne.
«Regarde tous ces épis, ils sont murs, prêts à être récoltés. Et dans une
semaine, dix jours tout au plus, je peux commencer à récolter le 'niébé'
-une sorte d'haricot blanc- aussi ».
En 2004, les effets conjugués de la sécheresse - la plus grave qu'ait connue le pays au cours des dernières années - et de l'invasion de criquets ont accentué la pauvreté au Niger et eu des conséquences désastreuses sur la population.
Selon une estimation des Nations Unies, près d'un tiers des 12 millions d'habitants du Niger est maintenant touché par la crise alimentaire qui frappe le second pays le plus pauvre de la planète, avec près de 2,5 millions de personnes identifiées comme étant extrêmement vulnérables et nécessitant une aide alimentaire.
Damana se situe juste en dessous du 14e parallèle qui traverse la région aride du Sahel, à la périphérie du désert du Sahara et que les experts considèrent comme une région souvent en proie à un déficit alimentaire.
« Le 14e parallèle est une zone très à risque, toujours précaire », a dit Seidou Bakari, le chef de la Cellule nationale de crise alimentaire du Niger.
Le village de Damana n'a pas bénéficié de la mise en place d'un centre de traitement pour les enfants mal nourris, mais ses habitants ont néanmoins été frappés par la crise alimentaire de cette année.
« Nous avons beaucoup souffert. Nous avons perdu beaucoup de nos bêtes. Mais cela fait une semaine que nous avons commencé à récolter le nouveau mil », a dit Habou, montrant de la main son champs de deux hectares, qui a produit des résultats allant au-delà de ses espérances.
« Chez nous en tout cas, le pire est passé ».
Pour beaucoup d'autres personnes souffrant de la faim au Niger, le calvaire n'est cependant peut être pas fini.
La semaine dernière, Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies a exhorté la communauté internationale à faire plus pour sauver des centaines de vies chaque jour et réunir les 40 millions de dollars américains restant sur les 81 millions de dollars demandés pour le Niger.
Mais ce qui a permis de soulager les populations - et dans le cas des villageois de Damana, les premières récoltes - c'est l'arrivée de pluies abondantes.
« Dans une bonne partie du Niger, les pluies en 2005 ont été plus abondantes que la normale, ce qui a entraîné de très bonnes conditions agricoles dans une grande partie de la région », a fait remarquer dans son dernier bulletin publié la semaine dernière le Réseau des systèmes d'alerte précoce pour la famine (FEWS NET), un organisme subventionné par les Etats-Unis.
Le ministre de l'agriculture et du développement nigérien, Labo Moussa reconnaît que l'avenir s'annonce prometteur pour le pays semi-désertique et enclavé.
« Les conditions météorologiques sont favorables pour une bonne campagne agricole, la situation pluviométrique est excédentaire par rapport à l'année dernière », a-t-il déclaré à la presse.
Selon les statistiques de son ministère, la récolte sera plus abondante cette année, puisqu'au moins 10 200 villages à travers le pays ont planté leurs semences à la fin du mois de juillet, contre 9 000 l'année dernière.
Non loin de Damana, se trouve le village de Tichola, où Issa Boubacar se frotte les mains à la vue de ses champs en fleur.
Cette année a été bénie par des pluies régulières et peu d'insectes mangeurs de récolte.
« J'aurai certainement entre 150 et 200 bottes de mil », a-t-il dit à IRIN, soit une récolte céréalière d'à peu près 3 à 5 tonnes. « Cela me permettra de vivre l'année prochaine sans difficulté avec ma petite famille de sept personnes ».
« Plus question de vendre le mil pour d'autres besoins. La crise alimentaire de cette année nous a appris à garder un œil sur nos réserves », a-t-il ajouté.
De retour à Damana, Hamsa, la femme d'Habou espère que la pénurie de nourriture a servi de leçon à son mari, mais pas celle qu'il croit.
Elle espère tout simplement qu'il a compris à quel point il serait insensé de prendre une seconde femme.
« Nos enfants et nous-mêmes avons trop souffert pour que mon mari se lance dans une aventure aussi folle », a dit Hamsa à IRIN.
« Il est temps qu'il comprenne qu'il faut être prévoyant dans la vie, et pense aux conséquences ».
[FIN]
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