Ce Rapport couvre la période du 30 novembre au 11 décembre 2003
Sommaire :
La sésamie qui réapparaît dans les bas-fonds et la forte pression aviaire obligent les exploitants des bas-fonds pluviaux, à anticiper des récoltes initialement prévues pour la fin décembre. La consommation de la production verte de ces bas-fonds a déjà commencé.
Les semis des cultures de décrue (bas-fonds et walo) se poursuivent pour les paysans qui arrivent encore à trouver des semences, mais la médiocrité des semences utilisées et les dégâts causés par les déprédateurs (sauteriaux, des cantharides et de la sésamie) se traduisent par plusieurs reprises de semis.
De nombreux paysans se sont investis dans la culture maraîchère, appuyés par des ONG (OXFAM, FLM).
Les prévisions de la mission FAO / CILSS / FEWS NET, soit 194 608 T brute pour une production nette de 145 791 T, doivent être revues à la baisse. Les déficits seront, en effet, assez importants dans les régions de décrue (Brakna, Gorgol et Assaba).
La pression acridienne est toujours vive dans le pays. Des essaims ont été observés à Nouakchott le 4 et le 7 décembre. Ils se dirigeaient vers les zones agricoles du sud. Les traitements sont en cours mais les moyens déployés sont insuffisants.
A l'exception de l'Assaba où la campagne de pare feux a été réalisée grâce à l'initiative de la délégation régionale du MDRE la situation est inchangée dans les autres wilayas où les feux de brousse se multiplient alors que des contrats sont déjà passés avec des exécutants.
Contrairement au prix des sorghos recherchés comme semences de la décrue, ceux des céréales pluviales et du niébé d'hivernage commencent à baiser. Les prix des denrées alimentaires importées et des viandes sont restés stables par rapport à novembre. Les spéculations de la Tabaski semblent avoir commencé avec la présence de courtiers sénégalais dans les marchés de bétail. Alors que les prix des ovins ont enregistré de fortes hausses, ceux des bovins et des caprins sont restés stables par rapport à novembre.
Les prix des poissons sont toujours élevés bien que la pêche soit ouverte. Outre que les prises sont réduites à cause des forts vents qui soufflent sur la mer, les mareyeurs préfèrent vendre aux grossistes qui alimentent les exportateurs qui offrent des prix plus intéressants et payent souvent en devises.
Les niveaux de l'insécurité alimentaire continuent de baisser dans les zones rurales même si cette baisse pourrait être de courte durée. Ceux des bidonvilles sont toujours élevés, mais aucune action n'y est encore entreprise.
I : CONDITIONS NATURELLES ET LES FACTEURS DE PRODUCTION
I A : Les conditions pluviométriques
La saison froide s'installe apportant ça et là des traces de pluies. Cette situation rassure les agriculteurs des bas fonds pluviaux tardifs et de la décrue mais inquiète les éleveurs qui craignent qu'elles ne fassent pourrir les pâturages.
I B : Les conditions pastorales
Les pâturages demeurent satisfaisants mais on continue de signaler des feux de brousse dans les zones pastorales. La campagne des pare feux, officiellement lancée, n'a pas commencé, bien que l'exécutant soit déjà identifié.
La santé animale s'améliore grâce aux vaccinations entreprises par les éleveurs eux-mêmes. La production laitière continue de baisser car de nombreuses femelles ont mis bas avant terme.
I C : Les facteurs de production agricole par typologie
La confiance affichée en novembre par les exploitants des bas-fonds s'émousse à cause de la multiplication des apparitions de la sésamie sur les cultures en maturation. Certains ont même commencé à récolter. Les niveaux d'infestation que l'on croyait réduits étaient seulement ralentis, par un bilan hydrique très élevé pour la saison.
Si les conditions naturelles demeurent favorables pour les cultures de décrue (bas-fonds et le walo) les effets de l'utilisation des semences de mauvaises qualités se font déjà sentir. De nombreux agriculteurs ont été obligés de reprendre leurs semis et certains ont finis par abandonner des champs qui « refusaient » de pousser.
La baisse de l'irrigué se confirme. Les paysans tentent de se rattraper dans le maraîchage.
I D : L' Evaluation des conditions dans les espaces agro-pastoraux
Malgré la multiplication des feux de brousse les conditions d'accès aux pâturages et aux eaux de surface demeurent encore bonnes, dans tout le pays. Le niveau de la sécurité alimentaire continue de s'améliorer en milieu rural tant pour les éleveurs que les agriculteurs du pluvial.
Pour les agriculteurs de la décrue de grosses inquiétudes s'installent en raison de l'intensification des dégâts de la sésamie et de l'apparition des essaims de criquets pèlerins dans les zones de production du sud. La baisse de la production laitière s'accentue et la hausse du prix des laits commercialisés en est un indicateur assez éloquent.
L'offre en céréales pluviales s'améliore dans les marchés de Nouakchott et dans ceux des zones rurales des Hodhs, de l'Assaba, du Guidimakha, du Gorgol et du Brakna. Comparée aux périodes post récoltes antérieures, elle est cependant moins importante, car les importations céréalières du Mali sont surtout orientées vers les zones frontalières ou les grandes villes et les exploitants du pluvial, inquiétés par l'évolution de la sésamie et du criquet pèlerin, retiennent encore leur production. Les commerçants ne sont pas non plus empressés de vendre des céréales traditionnelles alors que le marché est bien alimenté par les céréales (blé, riz) des opérations d'urgence.
I D1 : Les zones de bonnes conditions (le centre du pays)
Ce sont les zones du centre du Tagant (ord de la moughataa de Moudjéria et sud-ouest de celle de Tidjikja) celles du nord-est du Brakna (sud de la moughataa de Magta Lahjar et sud-est de celle d'Aleg) du nord du Gorgol (Moughataa de Monguel, M'bout) du centre de l'Assaba. Les éleveurs disposent encore de bons pâturages et ne seront pas obligés d'entreprendre des transhumances anticipées. Avec le froid les superficies exploitées en bas-fonds, sont dans un phénologique satisfaisant et on n'y signale pas encore la présence de la sésamie. Les ménages continuent de bénéficier du programme d'urgence et de l'appui des ONGs.
Toutefois ces bonnes conditions ne peuvent avoir que des effets minimes sur la sécurité alimentaire nationale du fait de la faiblesse des superficies exploitées.
I D2 : Les zones de moyennes conditions (le sud du pays)
Les impacts des bonnes conditions naturelles qui ont prévalu (forte inondation, longue période de submersion des sols) et des efforts déployés par le gouvernement pour la protection du walo (clôture de protection tout au long de la limite nord du walo) pourraient malheureusement se réduire. En effet les échecs répétés des semis et l'intensification des signes de la sésamie dans les cultures de décrue ne sont guère rassurants.
Dans le walo entièrement défriché et semé, les espaces nus sont très importants du fait de l'avortement des semis et des dégâts causés par les déprédateurs (sauteriaux, cantharides, termites).
Dans les bas-fonds et derrière les barrages la situation est identique et l'apparition de la sésamie dans les bas-fonds pluviaux au stade de maturation a découragé de nombreux paysan qui ont renoncé à la culture et pris le chemin de l'exode.
Dans ces zones où la culture pluviale se réduit d'année en année et où l'exploitation de l'irrigué a été limitée par les capacités des exploitants à accéder au crédit agricole, l'accès alimentaire est fortement tributaire du programme d'urgence. Certes les conditions pastorales demeurent satisfaisantes même si des feux de brousse sont signalés ça et là et celles de l'exploitation écologique sont les meilleures depuis 1996. Cependant, les conditions actuelles d'accès sont céréales sont difficiles et les perspectives, à court terme, ne sont guère rassurantes en raison des contraintes évoquées plus haut.
I D3 : Les zones de mauvaises conditions (quartiers périphériques des villes)
Les capacités d'accès alimentaire sont de plus en plus limitées dans les quartiers périphériques des centres administratifs ruraux et des bidonvilles de Nouakchott, Nouadhibou, Kiffa et Kaëdi. Bien que FEWS NET continue de signaler cette situation, depuis plusieurs mois déjà, aucun programme d'appui n'est encore développé en leur faveur.
II : CONDITIONS ALIMENTAIRES ET LES PERSPECTIVES
Les perspectives alimentaires se sont améliorées pour les exploitants du pluvial qui ont fini de récolter et pour les éleveurs. Toutefois, en raison de la faiblesse des capacités régionales de la couverture annuelle des besoins à partir de leurs productions locales (1 à 5 mois selon les wilaya) et du cumul des dettes contractées pendant les mauvaises années précédentes, cette amélioration pourrait être de courte durée.
Les importations céréalières des régions de Nioro et de Kayes au Mali s'intensifient en direction des villes. Ceci nous autorise à considérer que l'offre en céréales traditionnelles ne va réellement s'améliorer dans les zones rurales frontalières qu'avec les récoltes des bas-fonds pluviaux où plus tard lorsque les céréaliers urbains auront fini de constituer leurs stocks.
La poursuite des programmes d'urgence renforce la sécurité alimentaire dans les zones bénéficiaires. Les craintes de la déstabilisation des marchés à cause des futures distributions alimentaires prévues dans le cadre du programme d'appui du Gouvernement des Etats-Unis (4.9 millions de Dollars américains) se réduisent, car il apparaît, de plus en plus, que les récoltes seront moins bonnes que les prévisions établies.
III : LA DISPONIBILITE ET L'ACCESSIBILITE ACTUELLES AUX PRODUITS ALIMENTAIRES
III A : La situation nationale.
La disponibilité actuelle est bien assurée par les importations commerciales, les aides d'urgence et les récoltes du pluvial. La couverture des besoins alimentaires saisonniers est cependant fortement dépendante des capacités des populations à accéder à l'une de ses sources. L'accessibilité s'améliore grâce aux récoltes et à la bonne exécution du plan d'urgence.
Les apports de l'élevage et de la cueillette continuent de renforcer ces effets. Toutefois ceux de l'élevage sont, cette année, de moins en moins importants du fait de la persistance de quelques maladies du cheptel qui ont réduit la production de lait.
L'intensification des signes de la présence de la sésamie et l'apparition, dans le sud du pays, des essaims de criquets pèlerins, fait peser de lourdes menaces sur les cultures de décrue. La situation acridienne inquiète le gouvernement qui a demandé l'aide de ses partenaires.
III B : La situation actuelle dans les pays limitrophes
Les récoltes céréalières dans le nord des régions de Kayes et Koulikoro du Mali qui sont frontalières au Sud de la Mauritanie, sont exceptionnellement bonnes. Cette zone est la principale source d'approvisionnement des céréaliers de l'Assaba, du Guidimakha, du Brakna et de grandes villes.
Plus à l'est les populations des deux Hodhs sont fortement impliquées dans les systèmes productifs des régions maliennes frontalières. Les conditions de transport s'étant nettement améliorées, avec la fonctionnalité d'une bonne partie de la route goudronnée qui relie les deux pays, on s'attend à l'intensification des échanges. Par contre, bien que la production agricole pluviale du Sénégal soit bonne, les échanges avec ce pays sont encore réduits.
III B1 : L'offre de denrées de base et l'évolution des prix
L'offre en denrées de base importées est toujours satisfaisante et leurs prix sont restés stables par rapport au mois de novembre. Les prix des céréales pluviales ont connu une légère baisse alors que ceux du sorgho de décrue continuent leur hausse (Graphique I).
Graphique 1 : Evolution des prix d'aout decembre 2003 à Nouakchott |
Source : FEWS NET Mauritania |
III B2 : L'évolution du prix du bétail et des viandes
Les prix des ovins continuent leur hausse. De 25600 UM en novembre, le mouton moyen est passé à 26800 UM. On peut déjà sentir les effets de la fête du mouton, car de nombreux courtiers mauritaniens et sénégalais ont envahi les marchés de moutons. Par contre ceux des bovins et des caprins ont amorcé une sensible baisse. La vache laitière moyenne vendue à 120,000 UM a perdu 20,000 UM et la chèvre, à 14000 UM a perdu 1000 UM.
Le prix du kg de viande ovine a enregistré une hausse de 100 UM passant de 800 à 900 UM. La forte demande sénégalaise dont les poissonniers payent en devises et la hausse du prix des viandes ont accentué la consommation du poisson et entraîné la hausse de leurs prix.
III B3 : L'accès alimentaire
Les récoltes des bas-fonds pluviaux ont commencé. Couplées avec les distributions du programme d'urgence elles renforcent la sécurité alimentaire des ménages agricoles dans les zones bénéficiaires. L'accès alimentaire des ménages pastoraux s'améliore avec la hausse de leur pouvoir d'achat.
Dans les périphéries des centres administratifs ruraux et dans les bidonvilles des grandes villes, l'accès alimentaire des ménages à faibles revenus est de plus en plus aléatoire.
IV : LES ZONES ET LES GROUPES ACTUELLEMENT VULNERABLES
La progressive intensification des échanges, avec les céréaliers maliens, permet d'espérer que les paysans du sud des deux Hodh, de l'Assaba, du Guidimakha et du Gorgol, pourront profiter des excédents commercialisés, dés lors que leur pouvoir d'achat le leur permet. Du fait que ces espaces sont ceux de l'extrême et de la haute pauvreté du pays, ces pouvoirs d'achat y sont très réduits. Même si nous notons une régression conjoncturelle de ces niveaux, l'insécurité alimentaire touche de nombreux ménages d'agriculteurs et son évolution future est fortement dépendante de celle des bas-fonds.
Les agriculteurs du walo et des bas-fonds sont, comme ceux de l'irrigué, toujours en insécurité alimentaire. Les perspectives de la décrue qui a mal germé et qui est affecté par les sauteriaux, les cantharides, les termites et les mauvaises semences, ne sont guère rassurantes.
Les ménages pauvres des périphéries des centres administratifs ruraux et ceux des bidonvilles sont toujours en situation de haute insécurité alimentaire.
Recommandations
Au vu de la situation actuelle, FEWS Net Mauritanie réitère ses recommandations de novembre.
- Les futurs programmes d'aide alimentaire doivent être adaptés au contexte actuel.
- Les dispositions de lutte contre l'invasion acridienne doivent s'intensifier, tout comme celles de la lutte contre la sésamie soit développé. Les expériences de la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) et de OXFAM GB pourraient servir de base d'approche.
- Que des programmes des pare-feux soient entrepris à temps.
- Que des actions d'appui à la diversification alimentaire, par le biais de la promotion des cultures maraîchères soient prises au profit des ménages des ruraux (exemple de OXFAM GB dans l'Aftout).
- Que programmes d'aide soient développés pour les habitants des périphéries des centres administratifs ruraux et des bidonvilles (Nouakchott et Nouadhibou.