Résumé
Ce rapport présente les résultats de l’évaluation du Programme d’Initiatives Locales d’Adaptation Durable aux effets des Changements Climatiques des communautés rurales vulnérables du Mali (PIL-ADCC) 2015-2019. Cette évaluation a été commanditée par l’Ambassade de Suède à Bamako.
Pertinence du programme
Le programme est globalement très pertinent, dans la mesure où il est basé sur, et répond à de véritables besoins des bénéficiaires directs et à ceux des différentes parties prenantes (membres du Réso Climat, autorités décentralisées et déconcentrées). L’introduction systématique des études de référence ou l’utilisation des notices environnementales est pertinent, mais il est souhaitable d’accroître l’utilité de ces documents en favorisant la collecte de données plus pertinentes pour la gestion des projets. Il est, enfin, nécessaire de renforcer la transparence du montage des projets auprès des bénéficiaires, l’accès à l’information et la capacité de participer aux processus de prises de décisions concernant leurs besoins étant une condition fondamentale pour augmenter la probabilité que les bénéficiaires sortent de la pauvreté.
Efficacité du programme
L’évaluation montre également que le PIL-ADCC est un programme globalement efficace. Il atteint des résultats directs importants en termes de transfert de compétences agricoles (maitrise de techniques de production agricole, de conditions d’utilisation de nouvelles semences améliorées, techniques maraichères), de compétences en matière de gestion de l’environnement, et il contribue à l’amélioration des conditions de vie des bénéficiaires durant la période de mise en œuvre des projets. Le PIL-ADCC est sensible au genre et produit des résultats démontrant des ébauches de changements de normes culturelles et sociales. Le programme produit des résultats non-négligeables en terme d’autonomisation des femmes et contribue à réduire les inégalités de genre. Il contribue, au moins durant la durée de vie des projets, à réduire la pauvreté dans les zones d’intervention.
Efficience du programme
Relativement efficient en termes de gestion du programme, de relation coûts-résultats et de communication interne, le PIL-ADCC souffre d’une faiblesse de son système de suivi qui ne lui permet pas de collecter des données de façon régulière au niveau des projets.
Durabilité du programme
L’évaluation s’interroge sur la capacité du programme à atteindre des résultats durables au-delà de la durée de vie des projets, les projets étant de trop faible taille et de trop courte durée pour garantir la sortie de la pauvreté. La taille, la durée et la nature des projets ne paraissent pas être en mesure de créer les conditions nécessaires pour répondre de manière durable aux contraintes structurelles dans lesquelles ils sont mis en œuvre (incapacité des autorités décentralisées et déconcentrées à assurer la diffusion des résultats et des bonnes pratiques des projets.)
Conclusions principales de l’évaluation
Nécessité de restructurer en profondeur le système de suivi. Le MFC et le Réso Climat doivent considérer la restructuration du système du suivi du programme comme étant une priorité absolue. Une attention particulière doit être portée sur l’établissement de responsabilités qui soient claires, en particulier au niveau de la collecte des données, et sur le développement d’outils de collecte de données. Il est essentiel de prévoir la mise en place de mécanismes ou de boucles de rétroaction devant permettre d’ajuster les projets durant leur mise en œuvre afin d’accroître leur efficacité et leur potentiel de durabilité.
Besoin de reconsidérer la capitalisation des acquis du programme. Le système de suivi ne permet pas de générer des données de façon régulière. De fait, il y a peu d’apprentissage sur l’engagement des bénéficiaires, sur les changements éventuels d’attitudes des différentes parties prenantes au programme, sur les conditions particulières dans lesquelles les résultats sont atteints (ou pas), et donc aucune capitalisation solide/pertinente possible. D’autre part, il est important que le programme futur ne considère pas la capitalisation comme étant un processus qui se déclenche à la fin des projets seulement, une fois que toutes les activités ont été mises en œuvre. Le travail de capitalisation, en tant que réflexion permanente sur chaque projet, mais aussi sur la coordination du programme, sur le travail des groupes thématiques et/ou sur les thématiques transversales doit donc être planifié comme activité consubstantielle à chaque aspect du programme et mis en œuvre de manière continue.
Il est nécessaire d’allonger la durée du programme et des projets. Allonger la durée de mise en œuvre des projets permettrait, tout d’abord, de mieux gérer les retards possibles dans les décaissements sans incidence sur les cycles de productions agricoles. Cela permettrait également de disposer de plus de temps pour travailler sur la diffusion des techniques au-delà des bénéficiaires directs des projets. De plus, cela accroîtrait le temps disponible pour la planification du suivi et le renforcement de capacités des parties prenantes devant être impliquées dans la collecte des données. Enfin, augmenter la durée des projets devrait permettre de renforcer les efforts de capitalisation des résultats.
Il y a une nécessité d’un véritable passage à l’échelle en termes d’investissement dans le programme et sa diversification. L’évaluation montre que les perspectives de durabilité se heurtent à des obstacles structurels que le programme n’aborde pas. Il est nécessaire, pour le futur programme, de mettre en évidence les liens entre développement communautaire basé sur l’agriculture, protection de l’environnement, résilience et développement économique: le passage à l’échelle, c’est-à-dire la diffusion effective des résultats des microprojets au-delà de leur stricte zone géographique de mise en œuvre, nécessite des investissements plus élevés accompagnés par des stratégies de développement économique au niveau communal et/ou communautaire. Le futur programme gagnerait à ouvrir les financements à d’autres organisations, ONG ou associations locales souvent plus petites mais dynamiques, qui ne sont pas membres du Réso Climat.
Nécessité de repenser la théorie de changement du programme. Les obstacles principaux à la durabilité des résultats du programme mis en évidence dans cette évaluation appellent un besoin d’investir le temps nécessaire au développement d’une théorie de changement solide pour le futur programme. Ce travail doit s’effectuer à trois niveaux différents afin d’éviter de reproduire les faiblesses enregistrées au niveau du PIL-ADCC. Premier niveau, trouver des réponses adéquates aux problèmes soulevés dans les conclusions précédentes. Deuxième niveau, il est impératif que le Réso Climat et le Mali-Folkecenter réfléchissent davantage aux hypothèses sur lesquelles la future théorie de changement du programme va reposer. Enfin, troisième niveau, si le PIL-ADCC est un programme défini, à la suite de son prédécesseur le PAIRCC, comme étant centré sur les thématiques d’adaptation aux effets des changements climatiques et de résilience des populations rurales du Mali, il se trouve en réalité à la convergence de plusieurs thématiques (société civile, cohésion sociale au sein de communautés et entre communautés différentes, transformation des conflits). Ceci renforce le besoin de penser la nouvelle théorie de changement en prenant soin d’articuler et de justifier les changements que le programme pense pouvoir contribuer à atteindre tout en précisant les stratégies visant à accroitre la probabilité de pérennisation des résultats.
Il serait judicieux d’articuler clairement le potentiel du programme dans sa contribution à la paix et à la sécurité au Mali. L’évaluation montre que le PIL-ADCC a contribué, à petite échelle, à renforcer la confiance entre populations, autorités politiques et services déconcentrés de l’État, à créer du lien social et à résorber des tensions intracommunautaires. D’autre part, les parties prenantes sont unanimes pour dire que c’est autour de ce genre de programme qu’il faut bâtir des stratégies de transformation des conflits au Mali. Le futur programme devrait donc envisager la possibilité d’optimiser le potentiel de transformation des conflits, le formaliser et l’intégrer dans la théorie de changement.
Il y a un besoin de dynamisation du Réso Climat. Après une décennie d’existence, il est devenu nécessaire de réfléchir à la redynamisation du Réso Climat. Il serait judicieux que cette redynamisation puisse s’opérer selon trois axes certes distincts, mais fortement corrélés : un axe de gouvernance, un axe de contenu de travail du réseau et un axe centré sur les membres et les conditions d’adhésion.
Maintien du montage institutionnel du PIL-ADCC. L’évaluation montre qu’il n’y a pas de raison de changer le montage institutionnel du programme, ou plus exactement qu’il y a une raison forte pour ne pas s’engager dans cette voie : MFC est la seule organisation membre du Réso Climat ayant la capacité de gérer un programme de cette ampleur. Il est, néanmoins, souhaitable de revoir à la marge certains aspects du contrat entre l’Ambassade de Suède et le MFC en termes de communication durant la mise en œuvre du futur programme.
Recommandations
Nous recommandons à l’Ambassade de Suède à Bamako de :
Recommandation #1 : Maintenir le montage institutionnel du PIL-ADCC pour le futur programme en confirmant la fonction de responsabilité fiduciaire au MFC ;
Recommandation #2 : D’impliquer des représentants du Réso Climat et d’autres organisations bénéficiaires non membres du Réso Climat dans les discussions stratégiques sur l’orientation du programme et dans les réunions de suivi du programme entre l’Ambassade et MFC.
Recommandation #3 : Prendre l’initiative de la mise en place d’un panier commun auquel des partenaires financiers intéressés par les thématiques abordées par le futur programme pourront contribuer.
Nous recommandons à MFC et au Réso Climat de :
Recommandation #1 : Penser en profondeur la théorie de changement de son futur programme. Un effort plus particulier doit être consenti sur quatre dimensions : 1. Sur une compréhension plus fine des contraintes structurelles (normes culturelles, capacités réelles des structures décentralisées et déconcentrées à pérenniser ou à diffuser les acquis des projets, etc.) ; 2 : Sur les implications qu’ont ces contraintes sur la probabilité de passage d’un niveau de résultat à un autre (entre résultats directs et objectifs, entre objectifs et impact) ; 3 : Sur le suivi de l’évolution potentielle des hypothèses, car, bien que structurelles, elles n’en sont pas moins dynamiques ; 4 : Sur les stratégies devant être mises en œuvre pour minimiser les conséquences potentiellement néfastes sur le programme, c’est à dire sur sa capacité à produire les résultats escomptés, dans le cas où certaines hypothèses devaient s’avérer caduques durant la mise en œuvre.
Recommandation #2 : Conceptualiser le futur programme de telle sorte qu’il permette de:
Allonger la durée de chaque projet. Une durée de vie de 4-5 ans serait idéale
Augmenter les budgets de chaque projet. Un triplement des budgets serait souhaitable
Organiser les deux lots de processus de sélection des microprojets dans une séquence plus rapprochée. L’idée serait d’utiliser le premier lot comme un processus pilote, avec la sélection de seulement cinq projets, pour en tirer des leçons et du savoir-faire. Le lot 2, avec une vingtaine de projets, donnerait plus de temps de mise en œuvre aux porteurs de projets
Ouvrir l’accès aux financements à des organisations et associations dynamiques non-membres du Réso Climat
Redynamiser les Groupes de Travail (invitation de formateurs/experts externes, favoriser l’accès des membres et des organisations non-membres bénéficiaires de financements à des formations en ligne, augmenter le nombre de formations sur les sites de projets, etc.)
Recommandation #3 : Revoir les instructions pour les études de référence et les notices environnementales, afin que les données collectées soient centrées sur l’échelle géographique adéquate d’intervention (village) et sur les groupes de bénéficiaires et non au niveau des communes
Recommandation #4 : Avoir recours à un Système d’Information Géographique (SIG) dans la planification et le suivi des projets
Recommandation #5 : Rendre obligatoire le partage du contenu des projets avec les bénéficiaires (activités prévues, infrastructures devant être réalisées)
Recommandation #6 : Utiliser la période de développement du futur document de programme pour développer un document stratégique détaillant le système de suivi pour assurer une meilleure collecte de données (fréquence, fiabilité et qualité)
Recommandation #7: Utiliser la phase de démarrage du futur programme pour former les membres et autres partenaires potentiels sur le système de suivi afin que chaque réponse aux appels d’offres démontre la capacité des organisations à faire un suivi efficace
Recommandation #8 : Organiser des formations continues obligatoires pour les porteurs de projets au sein du Groupe Thématique en charge des questions de suivi ainsi que des ateliers de formation pour les ONG et associations locales non membres du Réso Climat. Ces formations continues doivent être centrées sur le transfert de compétences et sur la remontée d’expériences pour permettre les ajustements nécessaires en temps opportun
Recommandation #9 : Allouer les ressources humaines et financières adéquates au bon fonctionnement du système de suivi.
Recommandation #10 : D’engager, lors de la prochaine Assemblée Générale, un processus de révision de ses statuts permettant :
Le découplage du Secrétariat Exécutif de la fonction de Présidence du réseau
La rotation de la présidence sur base annuelle entre les membres du Bureau
Le renouvellement d’une partie du Bureau dont la périodicité et la proportion seront décidées par l’Assemblée Générale sur proposition du Secrétariat Exécutif. Un renouvellement du tiers des membres du Bureau tous les trois ans serait envisageable.