Lettre datée du 17 janvier 2012, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général
On se souviendra que, lors du déjeuner de travail organisé par le Conseil de sécurité le 23 novembre 2011, j’ai fait part de mon intention de dépêcher dans la région du Sahel une mission chargée d’évaluer la portée des menaces que la crise libyenne fait peser sur la région ainsi que les moyens disponibles aux niveaux national, régional et international pour y faire face. J’ai également indiqué que, dès réception du rapport de la mission, je ferais le nécessaire pour le soumettre au Conseil. À cet égard, j’ai l’honneur de vous faire tenir le rapport que la mission m’a transmis à l’issue de ses travaux.
Je vous serais obligé de bien vouloir porter le texte de la présente lettre et du rapport ci-joint à l’attention des membres du Conseil de sécurité.
(Signé) BAN Ki-moon
I. Introduction
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Située dans le nord-est du continent africain, la Libye est considérée à la fois comme un pays d’Afrique et comme un pays arabe. Au fil des ans, la manne pétrolière et le développement des infrastructures, auxquels il faut ajouter les politiques menées par le défunt Président du pays, Mouammar Kadhafi, ont attiré en Libye de nombreux Africains pauvres de la zone subsaharienne à la recherche d’une vie meilleure et qui avaient fui leur pays d’origine à cause d’un conflit ou de la dureté des conditions de vie. D’autres encore auraient obtenu la nationalité libyenne après avoir été enrôlés dans l’armée régulière ou, selon certaines informations, comme mercenaires. Certains auraient été utilisés pendant la crise par l’appareil sécuritaire du régime pour réprimer violemment la population qui leur voue, de ce fait, une haine tenace.
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La crise, qui a commencé par des manifestations pacifiques le 15 février 2011, s’est rapidement transformée en conflit interne après la répression violente exercée par le Gouvernement contre les contestataires. La communauté internationale, notamment l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine, l’Union européenne et la Ligue des États arabes, ont mené plusieurs initiatives diplomatiques dans l’espoir de mettre fin rapidement à la crise, ce qui n’a pas empêché celle-ci de s’aggraver et la Libye, en particulier l’est du pays, de se trouver au bord d’une catastrophe humanitaire de grande ampleur.
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Dans ce contexte, le Conseil de sécurité a adopté les résolutions 1970 (2011) et 1973 (2011), qui autorisent, notamment, à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour protéger la population civile. Après des mois d’affrontements intenses, le régime s’est effondré dans la violence avec le meurtre du Président Kadhafi, à Syrte, le 20 octobre 2011.
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Si les effets de la crise en Libye se sont fait sentir partout dans le monde, ce sont les pays voisins comme l’Algérie, l’Égypte, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et la Tunisie qui ont été le plus touchés par les bouleversements qu’elle a provoqués. En relativement peu de temps, les gouvernements de ces pays, en particulier ceux du Sahel, ont dû faire face à l’afflux de centaines de milliers de rapatriés traumatisés et démunis, et à l’arrivée d’un nombre incalculable d’armes et de munitions dont on ne sait rien si ce n’est qu’elles proviennent de l’arsenal libyen.
Même si le nombre de rapatriés et les conséquences de leur retour varient d’un pays à l’autre, il ne fait pas de doute que ce phénomène risque d’aggraver encore une situation déjà précaire. De plus, ces pays sont directement menacés par l’imminence d’une crise de la sécurité alimentaire et de la nutrition qui pourrait rendre la situation économique, sociale et politique de la région encore plus délicate et contribuer à la détériorer.