INTRODUCTION
Depuis 2012, le Mali vit une crise sécuritaire sans précédent avec pour corollaire une instabilité politique et des conséquences socioéconomiques énormes. Les activités commerciales, agricoles et d’élevage se trouvent fortement affectés. Les commerçants craignent de fréquenter les marchés par crainte de se faire voler ; les agriculteurs n’arrivent plus à cultiver et les éleveurs ne peuvent plus conduire leurs animaux au pâturage. Cette situation contribue à limiter les activités génératrices de revenus de ces populations majoritairement rurales et donc à détériorer leurs conditions de vie. Les propos du coordonnateur d’une association à Mopti sont assez illustratifs de la situation : « les habitants souffrent de la cherté de la vie depuis le début de la crise, les récoltes sont toujours insuffisantes car, avec la présence des groupes armés extrémistes, les agriculteurs ne peuvent pas aller aux champs pour travailler correctement » (Loua et Dicko, 2019 : 147). Les régions les plus affectées par la crise sécuritaire sont également celles qui ont des taux de chômage les plus élevés. Selon les données de l’Enquête Modulaire et Permanente auprès des Ménages (EMOP) réalisée en 2014, la région de Gao connait le plus fort taux de chômage avec 30,4 %, Tombouctou est à 15,2 % et Mopti à 5,5 %. Au regard du chômage endémique et de la vulnérabilité des ménages, ces derniers sont donc obligés de développer de stratégies d’adaptation : utilisation de leurs économies, le travail journalier, le travail des enfants, le sexe de survie, l’enrôlement des jeunes dans les groupes armés, ou autres stratégies d’adaptation néfastes.
La crise sécuritaire a aussi induit la réorientation dans les priorités des politiques publiques. Les dépenses de la défense se sont fortement accrues au détriment des dépenses publiques en éducation. Elle a des conséquences sur l’éducation non seulement à travers la fermeture des écoles et des abandons scolaires mais aussi des insuffisances des ressources publiques pour faire face à la situation d’urgence.
Conscients des effets néfastes de la crise sécuritaire sur l’éducation, les acteurs humanitaires du secteur développent des stratégies pour compléter les efforts fournis par l’Etat pour la scolarisation des enfants en situation de déplacement forcé. A titre d’exemple, un Programme Pluriannuel de Résilience (PPR ou MYRP, Multi Year Resilience Programme) a été développé en 2020 par le ministère de l’Education, en collaboration avec les acteurs humanitaires et de développement du secteur de l’éducation. Des programmes similaires ont également été développés au Burkina Faso et au Niger. Ces plans de réponse identifient les besoins de financement pour le secteur de l'éducation pour trois années (2021-2023) afin de répondre aux besoins immédiats et à moyen terme en matière d'éducation en urgence pour les jeunes touchés par la crise dans le Sahel central. Education Cannot Wait (ECW) a accordé au Mali un fond de démarrage de 13,1 millions de dollars pour la mise en œuvre de ce programme, par l’intermédiaire de Plan International, Save The Children, le HCR et EDUCO.
En appui à ces programmes pluriannuels nationaux, ECW a financé une composante régionale du programme pluriannuel de résilience pour le Sahel central, visant à soutenir les efforts des pays en vue de l’obtention de trois résultats spécifiques :
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Soutenir les pays pour augmenter les ressources financières disponibles pour la mise en œuvre des PPR ;
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Soutenir les pays pour améliorer la coordination, l'échange de connaissances et l'apprentissage sur des sujets communs et pertinents liés à l'accès et à l'apprentissage pour les enfants déplacés et touchés par les conflits ;
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Soutenir les pays pour améliorer leurs mécanismes de collecte, d'analyse et de partage des données sur l’ESU.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et le Conseil Norvégien pour les réfugiés (NRC) ont été chargés de la mise en œuvre des interventions régionales proposées, compte tenu de leur présence géographique dans la région du Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger), de leur expertise technique en matière d'éducation et des solides relations existantes avec les principales parties prenantes du secteur de l’éducation, tant dans les pays qu'au niveau régional.
Dans le cadre de l’objectif visant à soutenir les pays pour améliorer la coordination, l'échange de connaissances et l'apprentissage sur des sujets communs et pertinents liés à l'accès et à l'apprentissage pour les enfants déplacés et touchés par les conflits, le Bureau Régional du HCR pour l’Afrique de l’Ouest et centrale a recruté un consultant pour mener une étude sur les questions transfrontalières et obstacles entravant l'accès à la continuité de l'éducation des enfants en situation de déplacement forcé (réfugiés et déplacés internes) et des communautés hôtes au Burkina Faso, au Mali et au Niger. L’étude servira de base à l'élaboration de lignes directrices contextualisées pour lutter contre la déperdition et l'abandon scolaire pendant le cycle de déplacement et assurer un retour à l'école rapide des enfants en situation de déplacement forcé, en mettant un accent particulier sur la scolarisation des filles et sur la transition entre le primaire et le secondaire.
Le présent rapport constitue l’étude nationale du Mali et est organisé comme suit : (i) contexte de l’étude ; (ii) cartographie des acteurs et des politiques et actions menées dans le domaine de l’éducation en situation d’urgence ; (iii) méthodologie de l’étude et caractéristiques de la population enquêtée ; (iv) analyse des barrières de scolarisation des enfants en situation de déplacement forcé ; (v) conclusion générale, synthèse des principaux résultats et recommandations.