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Le défi du rapatriement au Mali

GAO/DAKAR, 5 mars 2013 (IRIN) - Environ 3 000 Maliens qui ont fui les villes et les villages du nord du pays lors de l'occupation par des hommes armés commencent à rentrer chez eux, mais la grande majorité des réfugiés a choisi de rester dans le Sud ou dans les pays voisins, craignant l'insécurité et les représailles, ainsi que le manque de services de base.

« Les attaques et les combats des derniers jours, la présence d'engins explosifs non éclatés, les craintes de représailles et le manque de services de base sont autant de facteurs qui les dissuadent de rentrer chez eux », a dit Hélène Caux, porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

La majorité des 170 300 réfugiés enregistrés en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger et en Algérie sont des Touaregs et des Arabes. Nombre d'entre eux craignent les représailles - ils sont pris pour cible par les soldats de l'armée malienne - la criminalité et la présence de djihadistes dispersés au sein des communautés.

Amhedo Ag Hamama est le directeur d'une école de Tombouctou. Ce Touareg, aujourd'hui enseignant bénévole dans le camp de réfugiés de Mbéra, situé à l'est de la Mauritanie, a dit à IRIN : « Personne [à Mbéra] n'a envie de rentrer . Les conditions de vie sont très difficiles ici, il n'y a pas suffisamment de nourriture, les enseignants ne sont pas payés, mais nous ne rentrerons pas s'il n'y a pas de paix durable ».

Bon nombre de réfugiés interrogés par IRIN ont évoqué la rébellion touareg, qui avait secoué le Nord en 1990-1991 et les avait poussés à s'enfuir. « Tant qu'il n'y aura pas de solution durable, nous ne rentrerons pas », a ajouté M. Hamama, « pas si dans un, deux ou trois ans nous sommes forcés de fuir à nouveau . Nous avons peur des représailles. Nous avons peur des attaques des soldats maliens. Personne n'ose rentrer ».

Dans un rapport en date du 1er mars, le HCR indique que des efforts de réconciliation sont nécessaires, ainsi que des efforts pour combattre l'impunité, encourager la coexistence pacifique entre les communautés et aider à la stabilisation à long terme.

Un emploi payé attend M. Hamama à Tombouctou, mais « même l'argent ne me fera pas revenir », a-t-il dit. « Qui peut garantir notre sécurité ? Personne ne peut le faire. Je ne fais confiance à personne ».

Restriction de la liberté de mouvement

Certains aimeraient fuir, mais ils n'en ont pas les moyens. Najim Ould Abadallah, un commerçant arabe, a dit à IRIN qu'il souhaitait aller au Burkina Faso, mais qu'il craignait d'être agressé ou arrêté aux points de contrôle militaires en chemin.

Après s'être caché dans sa maison pendant trois semaines, il a trouvé refuge chez un voisin. À son retour, il a constaté que sa maison avait été pillée - par des soldats maliens, selon un voisin.

Des familles touaregs des villages de la région de Gao sont parties pour la ville de Gao, car elles s'y sentent en sécurité. Ahmed Haïdara, un Touareg de Djebok, à 40km à l'est de Gao, a trouvé refuge chez des parents, dans une cour sablonneuse rattachée à leur maison, située dans la banlieue de Gao. « Nous sommes en sécurité ici. Je fais confiance à l'armée malienne pour nous protéger », a-t-il dit à IRIN. « Il n'y a rien à Djebok, - pas de soldats, pas de policiers. Les islamistes peuvent revenir à tout moment », a-t-il dit à IRIN.

Bon nombre d'éleveurs ont vendu leur bétail pour pouvoir payer leurs frais de transport et n'ont pas les moyens de revenir, selon Judy Dacruz, porte-parole de l'OIM (Office international des migrations). « Bon nombre d'agriculteurs n'ont pas pu planter leurs semences, car ils se sont déplacés ; ils ne pourront pas subvenir à leurs besoins cette année », a-t-elle dit.

Le HCR et l'OIM n'encouragent ni ne favorisent les retours en raison de la situation sécuritaire, mais Mme Caux a noté : « Nous ne pouvons pas empêcher les gens qui le souhaitent de rentrer ».

Certaines familles rejoignent Mopti, ville située dans le centre du Mali, et prennent un bateau pour Tombouctou.

La plupart des personnes interrogées par l'OIM ont indiqué qu'elles souhaitaient rentrer chez elles le plus tôt possible : la grande majorité des réfugiés espèrent rentrer cette année, quelques-uns attendent que la situation se stabilise.

L'OIM, qui travaille avec des organisations non gouvernementales (ONG), comme les Services de secours catholiques (CRS), achemine des colis alimentaires et des kits d'urgence jusqu'aux principaux points de transit, comme Mopti au centre du Mali, pour les distribuer aux familles déplacées.

Gouvernance et services de base

Bon nombre de personnes attendent que la sécurité, les services de bases et les structures de gouvernance - plus particulièrement les maires et le système judiciaire - soient rétablis pour rentrer chez elles. Dans une enquête réalisée par l'OIM, les déplacés maliens indiquent également que l'amélioration de la situation économique est une nécessité.

Des représentants gouvernementaux sont revenus à Gao - ville occupée par des rebelles séparatistes touaregs et des militants islamistes au printemps 2012 - mais ils n'ont pas encore repris leurs fonctions.

La majorité des services sociaux sont toujours fournis par les organisations humanitaires ; les rideaux des magasins sont tirés, les banques, les pharmacies et certains magasins restent également fermés. La plupart des Touaregs et des Arabes ont fui.

Les écoles, qui étaient fermées depuis le début de l'intervention française en janvier, commencent à rouvrir leurs portes. À Tombouctou, les écoles ont rouvert, mais elles sont vides, a dit M. Hamama, car la plupart des élèves et des enseignants vivent toujours dans le camp pour réfugiés de Mbéra.

Les familles qui ont inscrit leurs enfants dans les écoles du sud du pays souhaitent attendre la fin de l'année scolaire avant de les réinscrire ailleurs, a indiqué Mme Caux du HCR.

Les importants flux de réfugiés maliens pourraient peser lourdement sur les infrastructures, notamment sur les points de transit de Mopti et Ségou, où les stocks de nourriture, d'eau et de médicaments vont bientôt manquer, a dit Mme Dacruz. « Le gouvernement et les agences d'aide humanitaire doivent se préparer au retour des PDIP [personnes déplacées à l'intérieur de leur pays] ».

Nouveaux déplacements

Entretemps, les affrontements se poursuivent dans la région montagneuse au nord de Kidal et dans la ville de Gao, provoquant de nouveaux déplacements.

Les agents de l'OIM ont compté que 18 702 personnes supplémentaires avaient fui les zones de conflit depuis le lancement de l'intervention française le 11 janvier 2013.

En février 2013, le pays comptait quelque 260 665 déplacés - contre 227 207 en décembre 2012.

À Tin Zaouatène, ville située dans la région de Kidal au nord du Mali, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) essaye de venir en aide aux populations en fuite. Les distributions de nourriture et d'autres fournitures à Tin Zaouatène, Kidal et Tessalit ont été perturbées par le conflit et par la fermeture de la frontière algérienne, selon un communiqué du HCR .

« Ils sont venus de Kidal, de Gao et même de Ménaka, située à environ 600 km. Aujourd'hui, nous fournissons de l'aide à 1 100 familles, un chiffre qui pourrait augmenter si les combats se poursuivent », a dit Valery Mbaoh Nana du CICR à Gao.

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