La FIDH et l’AMDH publient un rapport alarmant sur la situation dans le centre du Mali, caractérisée par l’enracinement des groupes armés terroristes, l’intensification des violences inter-communautaires , et par des exactions commises dans le cadre d’opérations anti-terroristes. Alors que plusieurs chefs djihadistes viennent d’appeler à la poursuite et l’extension du conflit en attisant cyniquement les différences communautaires, nos organisations appellent le gouvernement malien à juger enfin les auteurs des crimes et exactions graves commis dans la région - y compris par des militaires.
Le centre du Mali concentre désormais 40 % des attaques djihadistes menées dans le pays. Ces deux dernières années, 1 200 civils y ont été tués, une cinquantaine de villages brûlés, au moins 30 000 personnes ont fui la région.
Issu d’une enquête de terrain menée entre mai et juillet 2018, le rapport présenté aujourd’hui est basé sur plus de 120 interviews et témoignages de rescapés, témoins, anciens djihadistes et responsables locaux. Il recense une série de meurtres et de tueries, en les réinscrivant dans la dynamique régionale des violences.
Les Djihadistes, premiers responsables de la terreur et de l’instabilité.
Assimilant depuis 2012 le Centre du Mali comme une « zone à gagner » par la terreur, ils n’ont depuis cessé de le déstabiliser, avec une acuité accrue depuis 2015. Sous l’impulsion d’Amadou Koufa, un prédicateur local devenu un des chefs de la nébuleuse Al Qaida au Sahel, la Katiba Macina a ciblé militaires, représentants de l’État, chefs traditionnels et religieux, et toute personne opposée à leur vision rigoriste de la religion.
Plusieurs dizaines de villages du Centre Mali vivent désormais sous leur joug, caractérisé par l’imposition de règles de vie totalitaires, des exactions graves et répétées (enlèvements, actes de torture, assassinats, violences sexuelles), et la fermeture des écoles publiques (750 écoles fermées selon l’UNICEF en mai 20181).
Des milices communautaires comblant dangereusement le retrait de l’État.
Dans le centre Mali, l’effondrement des services de l’État à partir de 2012 – année de l’offensive djihadiste au Nord - a conduit à un vide sécuritaire et judiciaire. Il a été comblé par la multiplication des milices d’autodéfense, essentiellement constituées sur des bases communautaires et ethniques, et désormais équipées d’armes légères. Qu’elles soient Peuls, Bambaras, ou Dogons, elles ont contribué à l’infernal cycles d’attaques et de représailles. La passivité de l’État face aux exactions commises par plusieurs milices, notamment Donsos, questionne sur les soutiens politiques dont certaines bénéficient.
Les abus de certaines opérations antiterroristes sont un obstacle au retour de l’État.
Les Forces Armées Maliennes (FAMA) ont été lourdement impactées par la déferlante djihadiste de 2012 dans le Nord Mali, puis les attaques incessantes des groupes islamistes. Début 2018, les autorités maliennes ont lancé un « Plan de sécurisation intégré » des régions du Centre, prévoyant un renfort de 4 000 militaires et des moyens supplémentaires. Il s’est traduit par le lancement de l’opération anti-terroriste « Dambé » en février 2018, au cours de laquelle près d’une centaine de personnes auraient été exécutées sommairement et de façon extra-judiciaire.