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Libya

Mission d’appui des Nations Unies en Libye - Rapport du Secrétaire général (S/2024/895)

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I. Introduction

1. Soumis en application des résolutions 2510 (2020), 2542 (2020), 2570 (2021) et 2755 (2024) du Conseil de sécurité, le présent rapport porte sur les faits nouveaux qui se sont produits en Libye dans les domaines politique et économique et sur le plan de la sécurité. On y trouvera également un aperçu de la situation humanitaire et des droits humains dans le pays ainsi que des activités menées par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Il porte sur les principaux faits nouveaux intervenus du 9 août au 4 décembre 2024.

II. Situation politique et économique et questions de sécurité

2. La Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée des affaires politiques, Stephanie Koury, fonctionnaire responsable de la MANUL, a continué de collaborer avec les parties prenantes libyennes et internationales afin de faciliter et de faire avancer le processus politique et de conduire le pays vers des élections présidentielle et législatives inclusives, conformément aux résolutions 2702 (2023) et 2755 (2024) du Conseil de sécurité. La MANUL a aidé les autorités libyennes à résoudre une série de différends politiques, notamment une crise concernant la direction de la Banque centrale de Libye, exhortant à la retenue afin d’éviter des mesures unilatérales susceptibles d’aggraver les tensions.

3. À partir du mois d’août, le monde politique libyen a connu plusieurs crises simultanées, qui ont menacé la fragile stabilité du pays. Le 6 août, les élections internes pour la présidence du Haut Conseil d’État se sont soldées par un résultat serré et contesté, et la lutte pour le pouvoir qui s’en est suivie a aggravé les divisions au sein du Conseil. À l’issue des deux tours de scrutin, Khaled Mishri avait obtenu 69 voix sur un total de 139, et Mohamed Takala, 68. Un bulletin blanc a été invalidé et un autre contesté. Le 8 août, le comité juridique du Conseil a décidé que le scrutin contesté avait été « annulé », confirmant le résultat final en faveur de M. Mishri. MM. Takala et Mishri ont tous deux interjeté appel auprès des tribunaux pour résoudre le litige.

4. Le 28 août, le Haut Conseil d’État a tenté de tenir des élections internes pour les postes restants. Naji Mukhtar et Omar al Obaidi ont été élus respectivement Premier Vice-Président et Second Vice-Président. Toutefois, à la demande du Ministère de l’intérieur, la session a été suspendue pour des raisons de sécurité, avant que le rapporteur n’ait pu être élu.

5. Le 12 novembre, M. Takala a convoqué une session du Haut Conseil d’État afin de procéder à un nouveau vote pour la présidence du Conseil ; 73 membres sur un total de 142 y auraient assisté. Il a été réélu par 55 voix pour et deux adjoints ainsi qu’un rapporteur ont été élus. M. Mishri et ses partisans ont boycotté la session et rejeté les résultats de ce scrutin, répétant que celui du 6 août restait valide. La MANUL a continué de travailler avec les deux parties pour faciliter une solution qui préserverait l’unité du Haut Conseil d’État.

6. Le 11 août, le Conseil présidentiel a publié un décret établissant une commission pour les référendums et les enquêtes, chargée d’organiser des référendums sur des questions législatives, politiques ou administratives. Toutefois, dans une déclaration datée du 12 août, la Chambre des représentants a critiqué cette initiative, affirmant que le Conseil présidentiel n’avait pas un tel mandat.

7. Le 13 août, des membres de la Chambre des représentants se sont réunis à Benghazi et ont voté pour mettre fin au mandat du Gouvernement d’unité nationale et du Conseil présidentiel, au motif que la seule autorité exécutive légitime en Lybia était le gouvernement désigné dirigé par Oussama Hamad. La Chambre des représentants a également nommé son président, Aguila Saleh, commandant suprême des forces armées, retirant ainsi cette autorité au Conseil présidentiel. La session a été entachée par des questions relatives au quorum et par des informations selon lesquelles certains membres n’avaient pas pu assister à la session, leur vol en provenance de Tripoli ayant été annulé. L’Armée nationale libyenne a dit qu’elle appuyait la décision de la Chambre des représentants, contrairement au Conseil présidentiel, au Gouvernement d’unité nationale et aux deux candidats à la présidence du Haut Conseil d’État, qui l’ont condamnée. Dans une déclaration datée du 14 août, la MANUL s’est dite préoccupée par les mesures unilatérales prises par les acteurs politiques libyens et les institutions du pays, qui avaient accru les tensions, sapé la confiance et renforcé les divisions institutionnelles.

8. Plus tard dans le courant du mois d’août, une lutte de pouvoir autour de la Banque centrale de Libye a pourri rapidement la situation politique et économique et en matière de sécurité dans toute la Libye, en particulier à Tripoli. Le 18 août, le Conseil présidentiel a annoncé deux décrets, datés du 12 août, visant à appliquer une décision prise en 2018 par la Chambre des représentants de nommer Mohamed AlShukri au poste de gouverneur de la Banque centrale et d’établir un conseil d’administration. La Banque centrale de Libye, dirigée par le Gouverneur de l’époque, Saddek Elkaber, a rejeté ces décisions, déclarant qu’elles étaient juridiquement nulles, et a suspendu ses activités. Lors d’une session de la Chambre des représentants tenue le 19 août, le Président de la Chambre, M. Saleh, a déclaré que le Conseil présidentiel n’avait pas d’autorité sur les institutions souveraines. Le Haut Conseil d’État a également rejeté les décrets du Conseil présidentiel. Le 22 août, M. Al-Shukri a refusé sa nomination, au motif que la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État devaient s’entendre. Le 26 août, le Conseil présidentiel a annoncé la nomination d’un gouverneur par intérim.

9. Le 25 août, après le départ du pays de M. Elkaber, un comité établi par le Conseil présidentiel ainsi que le Gouverneur intérimaire de la Banque centrale nommé par le Conseil présidentiel se sont rendus au siège de la Banque centrale à Tripoli pour prendre le contrôle des activités. En conséquence, le 26 août, le Président de la Chambre des représentants et le gouvernement désigné par la Chambre ont annoncé séparément la suspension de la production et des exportations de pétrole. Le Président de la Chambre des représentants, M. Saleh, a déclaré qu’il en serait ainsi jusqu’à ce que le Gouverneur de la Banque centrale soit rétabli dans ses fonctions.

10. La crise de la Banque centrale a entraîné une montée des tensions entre les groupes armés de Tripoli et ceux de la région occidentale, qui ont pris fait et cause pour l’une ou l’autre des parties au conflit. Dans une déclaration datée du 22 août, la MANUL a dit qu’elle s’inquiétait de la mobilisation armée dans les zones densément peuplées de Tripoli, exhortant à la retenue et appelant au dialogue pour résoudre la crise pacifiquement. Le 23 août, le Ministre de l’intérieur par intérim, Imad alTrabulsi, a annoncé que les forces de sécurité régulières remplaceraient toutes les unités irrégulières précédemment déployées dans des zones clés de la ville, y compris au siège de la Banque centrale, ce qui est encourageant. Le lendemain, le Premier Ministre du Gouvernement d’unité nationale, Abdulhamid Al Dabiba, a mis en place un haut comité pour les questions de sécurité, chargé de superviser le retrait des unités irrégulières, afin de contribuer à apaiser les tensions et de réduire la présence militaire autour des locaux de la Banque centrale.

11. Dans une déclaration datée du 26 août, la MANUL a demandé à toutes les parties concernées de régler pacifiquement la crise en tenant compte des accords politiques existants, des lois applicables et du principe de l’indépendance de la Banque centrale, et d’assurer la continuité des services publics. Elle a également demandé la fin de toutes les mesures unilatérales, la levée de la force majeure sur les champs pétroliers, l’arrêt immédiat de toute nouvelle escalade et l’engagement de s’abstenir de recourir à la force.

12. Du 9 au 11 septembre, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, s’est rendue en Libye où elle s’est entretenue avec des responsables politiques, militaires et de la société civile à Tripoli, Benghazi et Qoubba. Les discussions ont porté sur comment sortir de l’impasse politique concernant les élections nationales et faire avancer le processus de réconciliation nationale. La Secrétaire générale adjointe a demandé instamment le règlement de la lutte pour le pouvoir à la Banque centrale et au Haut Conseil d’État, et dit que la réunification des institutions militaires et chargées de la sécurité du pays devait avancer.

13. En septembre, la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général a facilité les négociations entre le Conseil présidentiel, la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État en vue de régler la crise au sein de la direction de la Banque centrale. Elle a également échangé avec d’autres représentants libyens ainsi que des partenaires internationaux, préconisant une solution fondée sur l’Accord politique libyen, les lois applicables et les normes internationales afin de garantir l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité de la Banque centrale. Le 26 septembre, des membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État sont parvenus à un accord, dans le cadre de pourparlers facilités par la MANUL, sur la nomination de Naji Mohammed Issa Belgasem au poste de gouverneur de la Banque centrale et de Maree Moftah al-Baraasi au poste de vice-gouverneur. L’accord comprenait également des dispositions relatives à la bonne gouvernance et à la création d’un conseil d’administration.

14. Les nouveaux Gouverneur et Vice-Gouverneur de la Banque centrale de Libye ont prêté serment le 1 er octobre, à la suite d’un vote à la Chambre des représentants et d’une consultation avec le Haut Conseil. Le 3 octobre, la National Oil Corporation a annoncé la levée de la force majeure, permettant ainsi la reprise de toutes les activités pétrolières et de l’exportation du pétrole. Le 21 octobre, la présidence de la Chambre des représentants a pris la décision de nommer les membres du conseil d’administration de la Banque centrale, qui ont tenu leur première plénière le 10 novembre.