I. Informations générales
1. Le présent rapport est le huitième rapport semestriel que je soumets au Conseil de sécurité sur l'application de sa résolution 1559 (2004). Il fait le point de l'application de cette résolution et décrit les problèmes qui continuent de faire obstacle au renforcement de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique du Liban.
2. Au cours des six derniers mois, le Liban a certes subi les effets dévastateurs de la violence des factions, mais il a aussi connu des raisons d'espérer et de se montrer optimiste.
3. Le 6 mai 2008, le Conseil des ministres a déclaré « illégal et inconstitutionnel » le réseau sécurisé de communications du Hezbollah, qui est distinct de celui de l'État, et annoncé la révocation du responsable de la sécurité de l'aéroport international de Beyrouth. Le Hezbollah a réagi en bloquant toutes les voies d'accès à l'aéroport de Beyrouth ainsi que plusieurs axes routiers dans divers quartiers de la capitale. Il a déclaré que ces actions de protestation se poursuivraient jusqu'à ce que le Gouvernement abroge les deux décisions en cause. Plus tard le même jour, des échanges de tir entre des membres de l'opposition et des forces progouvernementales ont eu lieu dans plusieurs quartiers de Beyrouth. Des groupes favorables au Gouvernement ont fermé le principal poste de franchissement de la frontière entre le Liban et la République arabe syrienne. Les actes de violence se sont multipliés, appuyés à l'occasion par des tirs d'armes lourdes, et se sont propagés à d'autres régions du pays. Ils ont fini par paralyser l'ensemble du Liban. Les affrontements se sont poursuivis jusqu'au 14 mai et ont fait 69 morts et plus de 180 blessés. Ils ont donné lieu à de multiples violations des droits de l'homme, parmi lesquelles de nombreux cas de détention illégale, de mauvais traitements, d'assassinat de civils, d'exécution sommaire, de destruction de biens privés et d'attaque contre les organes de presse et la liberté d'expression.
4. Le 11 mai, la Ligue des États arabes a tenu une réunion d'urgence à l'issue de laquelle elle a décidé de dépêcher une délégation à Beyrouth et condamné le recours à la violence armée pour parvenir à des fins politiques. Le 14 mai, une délégation de ministres arabes des affaires étrangères dirigée par le Premier Ministre du Qatar, Cheikh Hamad bin Jassem Al-Thani, et le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, M. Amre Moussa, s'est rendue au Liban, où elle a eu avec les parties des discussions visant à mettre fin à la crise. Le 15 mai, le Conseil des ministres a abrogé ses décisions du 6 mai. Peu de temps après, la délégation de la Ligue arabe annonçait la conclusion d'un accord interlibanais qui prévoyait l'arrêt des manifestations de rue et le retrait de tous les éléments armés. Le même accord disposait que s'ouvrirait le lendemain à Doha un Dialogue national libanais qui chercherait à dégager un consensus sur la formation d'un gouvernement d'unité nationale et sur certaines dispositions de la future loi électorale, ouvrant ainsi la voie à l'élection d'un président de la République.
5. Les dirigeants politiques libanais se sont rendus à Doha le 16 mai. Grâce aux efforts considérables déployés par l'Émir du Qatar, Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani, son Premier Ministre et le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, les dirigeants libanais ont conclu le 21 mai un accord politique global qui a débouché sur l'élection, le 25 mai, du général Michel Sleimane aux fonctions de Président de la République libanaise. À la veille de cette élection, les manifestants qui faisaient un sit-in devant les bureaux du Premier Ministre ont quitté les lieux.
6. Le 11 juillet, le Président Sleimane signait le décret portant formation du soixante-dixième Gouvernement libanais. Le 12 août, le nouveau gouvernement et sa déclaration de politique générale ont été approuvés par le Parlement à une écrasante majorité.
7. Sur l'invitation du Président Bachar al-Assad, le Président Sleimane s'est rendu les 13 et 14 août en République arabe syrienne, où plusieurs accords intéressant l'application de la résolution 1559 (2004) ont été conclus. Le 15 octobre, les Ministres des affaires étrangères libanais et syrien ont signé à Damas un communiqué commun annonçant l'établissement de relations diplomatiques entre leurs deux pays.
8. Malgré l'accord de réconciliation conclu le 21 mai à Doha, des affrontements violents ont fait de nombreux morts tout au long de la période à l'examen, notamment à Tripoli et aux alentours de cette ville du nord du Liban. Le 13 août, en particulier, un engin explosif improvisé a explosé à un arrêt d'autobus de Tripoli fréquenté par des soldats de l'Armée libanaise, faisant 15 morts, dont 10 soldats.
9. Le 10 septembre, un responsable du Parti démocratique libanais, M. Saleh Aridi, a été tué dans un attentat à la voiture piégée à Baïssour. C'était le premier assassinat politique au Liban depuis l'accord de réconciliation de Doha.
10. Le 16 septembre, le Président Michel Sleimane a réuni au palais de Baabda la première session du Dialogue national organisé par l'accord de Doha pour discuter du renforcement de l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire et d'une stratégie de défense nationale. Le Secrétaire général de la Ligue des États arabes participait à cette réunion. Parallèlement à cette réunion, les partis politiques libanais ont mené une série d'action de réconciliation.
11. Le 29 septembre, un nouvel attentat terroriste visant l'Armée libanaise dans la ville de Tripoli a fait six morts, dont quatre soldats, et 32 blessés, dont 18 soldats.
II. Application de la résolution 1559 (2004)
12. Plusieurs des dispositions de la résolution 1559 (2004) adoptée par le Conseil de sécurité en septembre 2004 sont maintenant appliquées. Dès mon deuxième rapport semestriel, daté du 26 octobre 2005 (S/2005/673), j'avais pu certifier que les élections législatives du printemps 2005 avaient été libres et crédibles. J'avais pu aussi certifier que la République arabe syrienne avait retiré ses troupes, son matériel militaire et ses services de renseignement militaire du Liban. Pendant la nouvelle période à l'examen, un Président de la République a été enfin élu, comme le demandait la résolution, relançant ainsi le jeu des institutions constitutionnelles du pays. En outre, le Liban et la République arabe syrienne ont engagé des pourparlers de haut niveau sur plusieurs des questions intéressant la souveraineté, l'indépendance politique et l'intégrité territoriale du Liban, telles que l'établissement de relations diplomatiques et la délimitation de la frontière internationale entre les deux pays, comme les y encourageait vivement le Conseil de sécurité dans sa résolution 1680 (2006). J'ai donc le plaisir de pouvoir confirmer que des progrès importants ont été faits dans l'application des dispositions de la résolution 1559 (2004).
13. Par contre, les affrontements du mois de mai et les multiples incidents de sécurité survenus pendant la période à l'examen, notamment dans le nord du Liban, mettent en évidence la menace que constitue l'existence des milices pour la stabilité du pays ainsi que la nécessité pour le Gouvernement libanais et l'Armée libanaise d'avoir le monopole de l'emploi de la force sur tout le territoire national. L'application de la résolution 1559 (2004) n'est donc pas encore complète.
14. Au cours des six derniers mois, mes représentants et moi-même avons continué d'entretenir des contacts étroits et réguliers avec toutes les parties au Liban ainsi qu'avec les acteurs régionaux et internationaux concernés.